Dre Valérie Fiquet-Gourbet, crédit photo : Disneyland Paris
"Costume lourd", "debout toute la journée" : vis ma vie de médecin du travail à Disneyland Paris
Loin des paillettes et des chants, derrière les décors couleurs pastels et les personnages costumés s’affaire la Dre Fiquet-Gourbet. Sa mission depuis près de 4 ans ? Prendre soin des milliers d’employés de Disneyland Paris. Le tout sans baguette magique.
Dre Valérie Fiquet-Gourbet, crédit photo : Disneyland Paris
Des portraits de Mickey Mouse suspendus dans les couloirs, une dizaine de peluches colorées dispersées dans le bureau de consultation… Situé à quelques centaines de mètres du parc de Disneyland Paris, le bureau de la Dre Valérie Fiquet-Gourbet semble être une annexe secrète du château de la belle au bois dormant. Strictement réservée aux employés ou “cast members”.
Parmi les quelque 19 000 employés qui travaillent au sein des différents parcs, cette médecin du travail aguerrie en suit près de 3000 avec une mission claire. “Je veille à ce que l’état de santé de chaque salarié soit compatible avec son poste de travail, explique-t-elle. La prévention au travail est un outil essentiel de mon métier”.
Rattaché à l’entreprise, le suivi médical de la santé au travail chez Disney s’articule autour de trois axes principaux : les visites périodiques tous les 4 ans, 2 ans pour ceux exerçant des métiers à risque, les consultations au retour des employés après un long arrêt de travail et celles demandées volontairement par le service social, les salariés, les managers, services de premier secours dispersés dans le parc si un employé ne se sent pas bien suite à un problème survenu dans le cadre de ses fonctions. Les entretiens médicaux portent sur l'état de santé du salarié dans le cadre du travail, ses conditions d’emploi et les aménagements possibles de son poste en cas de difficulté. “Ce service autonome permet de bien connaître l'encadrement et de faciliter le relationnel avec les patients”, souligne la praticienne.
Une des particularités de Disneyland Paris qui a su la convaincre de rejoindre les rangs de Mickey. Diplômée en 1992, cette médecin généraliste de formation a travaillé près de 25 ans au sein de l’Etablissement Français du Sang. En 2016, elle décide de se reconvertir dans la médecine du travail. Travaillant désormais à l'hôpital sous le statut de médecin collaborateur, elle rejoint les bancs de la fac une fois par semaine pour apprendre son nouveau métier. Au bout de quatre ans, elle est diplômée et est embauchée à Disneyland Paris en 2022." “Ce n’est pas forcément la magie de Disney qui m’a fait venir mais le fait qu’il y ait une équipe soudée avec des métiers variés”, observe la praticienne.
Ils sont debout toute la journée, exposés au froid, en relation constante avec le public...
Avec plus de 500 métiers différents, l'équipe de santé au travail, composée de 7 médecins et de 10 infirmières est répartie par secteur. Maintenance, spectacle, horticulture, informatique, restauration…La Dre Fiquet-Gourbet est chargée notamment des cast members qui travaillent à l'hôtel Newport au sein du parc, à la centrale de réservation, au service de marketing et aux attractions des studios Disney. “C’est très intéressant d’avoir tout ce panel de gens qui exercent très différemment observe cette dernière. Je dois constamment adapter mon examen clinique en fonction de leur poste de travail”.
Pour les responsables de la maintenance qui travaillent en hauteur, examen du dos, des genoux et des épaules. Électrocardiogramme obligatoire pour ceux chargés d’entretenir les installations électriques, examen respiratoire et biologiques pour les travailleurs exposés à des risques chimiques ou à de la poussière de bois. À la centrale de réservation, vérification de la posture et de l’audition avec un audiogramme. Tests de vision pour tous. Pour les enquêteurs chargés de faire de rapides études de marchés auprès des visiteurs du parc, les surveillances sont également multiples. “Ils sont debout toute la journée, exposés au froid, en relation constante avec le public... Certaines situations ne sont pas toujours simples à gérer avec les clients qu’on appelle guests, explique le Dr Fiquet-Gourbet. L'aspect psychologique est aussi à prendre en compte”.
En binôme avec sa collègue infirmière Lydia Bachet, les deux soignantes gèrent ensemble les consultations des salariés. “Je vois un certain nombre de patients toute seule et je fais remonter les problèmes principaux à Valérie, indique la soignante qui exerce au sein de Disneyland Paris depuis 1996. Le patient ne dit jamais la même chose au médecin et à l’infirmière donc ensemble, nous arrivons mieux à cerner ses problématiques. On se complète bien ! Lorsque je croise certaines collègues infirmières lors de formations extérieures, elles m’indiquent qu’elles ne voient parfois le médecin du travail que tous les 15 jours. Je trouve ça dommage…” Si l'équipe médicale détecte des souffrances au travail, elle peut mettre en place des aménagements en collaboration avec le manager pour adapter le poste comme du matériel ergonomique fourni ou des horaires ajustés. “Si l’on prend l’exemple d’un employé de 55 ans victime d’un infarctus, il va revenir au travail avec une diminution de ses capacités physiques, explique la Dre Fiquet-Gourbet. Étant exposé au bruit et au stress, nous allons le faire reprendre en mi-temps thérapeutique, sans charge lourde à porter. Une situation qui est réévaluée régulièrement.”
Une connaissance précise du terrain
En plus d’un suivi personnalisé des employés, les visites auprès des salariés sur leur lieu de travail sont aussi un moyen pour l'équipe médicale de comprendre concrètement les contraintes spécifiques de chaque poste. Des demi-journées sont consacrées à suivre des métiers peu connus comme celui d'enquêteurs ou opérateur animateur attraction, chargés de guider le public au sein des différentes attractions. Les missions de ces derniers sont multiples : gérer la file d’attente, accueillir les visiteurs, les répartir dans les véhicules, vérifier les barrières de sécurité et le bon déroulé du trafic… “Un poste parfois contraignant où ils doivent parfois porter un costume lourd ou chaud, rester souriant et poli en toute circonstances, gérer des dizaines de personnes, travailler dans le bruit ou l'obscurité", relève la Dre Fiquet-Gourbet. Ils changent très régulièrement de poste pour éviter les contraintes posturales, cognitives, sensorielles ou sociales. On peut mettre en place des aménagements pour qu’ils soient assis ou qu’ils disposent de bouchons d’oreille.”
On a fait des mesures de bruit sur une attraction de montagne russe
Tous les risques des métiers exercés au sein de Disneyland Paris sont listés avec une notion de gravité et de fréquence. En collaboration avec la Direction de la Sûreté et de Prévention des Risques, l'équipe médicale est chargée d'évaluer sur le terrain le niveau de risque des métiers et adapter l'activité des employés.
“On a fait des mesures de bruit sur une attraction de montagne russe où les gens hurlaient, indique la médecin du travail. Des mesures de température ont également été réalisées pendant l'été après plusieurs plaintes des casts members qui avaient trop chauds. Suite à cela, des aménagements ont été mis en place comme l’autorisation de relever les manches de leur uniforme ou enlever leur casquette. Certaines matières et coupes de vêtements ont aussi été adaptées pour les employés qui travaillaient toute la journée dehors. L’uniforme est très réglementé. Il représente l’image de Disney alors c’est une procédure officielle qui doit être discutée et validée.” Mais malgré les aménagements mis en place, il arrive qu’ils ne suffisent plus au cast member pour lui permettre de travailler en toute sécurité. Le médecin effectue alors une étude minutieuse du poste de l'employé en se rendant sur place. Une fois l’évaluation réalisée, le médecin du travail peut déclarer une inaptitude en accord avec le manager et le salarié. “Par exemple, un serveur qui a eu plusieurs hernies discales et qui ne peut pas rester debout, ce n’est pas viable sur le long terme malgré ce qu’on a pu mettre en place, explique la Dre Fiquet-Gourbet. On prononce donc une inaptitude, un acte qui n’est pas à prendre à la légère. Dans ce genre de situation, on a aussi un rôle de conseil et d’orientation vis-à-vis des employés pour les aider à réfléchir à la suite.”
En parallèle du suivi personnalisé de ses patients, la médecin du travail participe aussi aux campagnes de santé lancées par l’entreprise à destination de l'ensemble des casts members. Santé mentale, travail de nuit, vaccination contre la grippe… de nombreuses thématiques sont abordées. ”Nous venons de clôturer une campagne sur l’alimentation et l'activité, précise la praticienne. Elle est adressée notamment aux employés qui travaillent dans les services de marketing, finance, communication… Ils constituent une population très sédentaire donc c’est important de les sensibiliser.”
Une charge de travail globale conséquente même si la Dre Fiquet-Gourbet le rappelle en souriant : “nous nous occupons de patients qui sont souvent enthousiastes et contents”. Sûrement grâce à la magie de Disney.
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