Alertes sur des pénuries de pilules abortives en France

18/04/2023 Par Louise Claereboudt
Médicaments Santé publique
L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament alerte sur des pénuries de misoprostol, utilisé pour les IVG médicamenteuses. Pour les associations, le droit à l’avortement est aujourd’hui menacé.
 

Porté disparu depuis plusieurs semaines. Utilisé pour les IVG médicamenteuses, le misoprostol est quasi voire totalement introuvable dans les pharmacies de Lille et à différents endroits en région parisienne, en centres de santé ou de planification, alertait le 14 avril dernier l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament. Sur son site ce mardi, il précise que "les témoignages de professionnels montrent qu’il y a bien pénuries de pilules abortives par endroits et par séquences". "Cette indisponibilité compromet concrètement le droit à l’IVG", s’inquiète l’association dans un tweet, interpellant le ministre de la Santé sur l’urgence de la situation.

Alors que 76% des IVG sont médicamenteuses selon la Drees, "il est inacceptable qu’un médicament aussi important soit indisponible, ne serait-ce qu’une semaine". "Restreindre le choix dans les méthodes d’avortement à cause des pénuries serait en soi déjà très grave, mais ce serait concrètement une solution peu viable, surtout que le misoprostol doit aussi être utilisé pour d’autres formes d’avortements et pour l’accompagnement des fausses couches, et que les hôpitaux sont frappés par un manque de personnels, aggravé par les ponts et les vacances de cette période", alerte OTMeds. Dans ce contexte, "la recherche de solutions détourne le temps des soignants et plonge dans l’angoisse les personnes qui ont besoin d’un accès rapide", ajoute l’Observatoire. Les associations partagent également ses inquiétudes. Le Planning familial a ainsi tiré, lui aussi, la sonnette d’alarme. "La situation ne peut plus durer ! Des mesures doivent prises pour que l'accès à l'IVG ne soit pas restreint", demande-t-il à François Braun.

Le silence du Gouvernement est cependant pointé du doigt. Contacté par France Inter, le ministère de la Santé assure que ces tensions sont suivies de très près par l’ANSM. "Le site de l’ANSM annonce une date de remise à disposition pour fin avril, indique en effet l’Observatoire. Par le passé, les dates de remise à disposition de l’ANSM ont souvent été dépassés. Qu’est-ce qui nous garantit que cette date sera ici respectée ? Qu’est-ce qui est fait pour que la situation ne s’aggrave pas d’ici les deux prochaines semaines ?" Ce dernier a lancé un appel aux élus pour qu’ils "demandent des comptes" à l’exécutif et à François Braun, qui ne se sont pas encore exprimés sur le sujet, malgré la forte médiatisation du sujet. "Comment expliquer une telle négligence ?" "Votre parole est attendue", souligne la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, dans une lettre à François Braun, publiée également sur Twitter.

D’autres politiques de gauche se sont exprimés, à l’instar de l’écologiste Sandrine Rousseau ou encore de la sénatrice Laurence Cohen (PCF) afin de défendre le droit à l’avortement. La députée LFI Martine Etienne a également posé une question écrite à François Braun sur ces pénuries. "Alors que le Parlement vient d’adopter une mesure visant à inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, la pénurie de cette molécule peut largement remettre en question ce droit fondamental", écrit-elle.   Des causes multiples Selon OTMeds, les raisons de ces pénuries de pilules abortives sont multiples. "Le misoprostol est sous brevets, il n’y a pas de génériques, ni de produits équivalents. Les monopoles conférés par les brevets permettent à leurs détenteurs, ici Norgine et Nordic Pharma, de concentrer la production des pilules dans un nombre très restreint de sites, que l’opacité entourant la chaine pharmaceutique rend difficile à évaluer précisément", écrit l’Observatoire. Ainsi, la concentration de cette production "rend la chaîne d’approvisionnement vulnérable". En cas de problème, "il n’y a pas de solutions de repli", souligne l’association. Cela avait déjà été soulevé en 2020 par le Haut Conseil à l’égalité homme femme. "De même, un nombre restreint d’usines et d’exploitants exposent encore plus la fabrication et la commercialisation des produits aux menaces et pressions des groupes anti-IVG", abonde l’Observatoire.

Pour l’OT Méds, "une production locale, diversifiée, au moins en partie publique est une réponse pragmatique" à ces tensions. La députée Martienne Etienne réclame en ce sens la levée des brevets "sur les médicaments et les équipements nécessaires à une réponse sanitaire urgente".

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