Agnès Buzyn : "L'hôpital s'inscrit dans un environnement qui dysfonctionne"

09/04/2018 Par Catherine le Borgne
Politique de santé

Manifestement, la ministre de la Santé surveille l'hôpital comme le lait sur le feu, alors que la SNCF semble durcir le mouvement et que les syndicats rêvent d'une convergence des luttes. Dans une grande interview accordée à Libération, Agnès Buzyn explique que les réformes hospitalières à venir devront se mettre en place en même temps que la structuration de la ville.  Et, après l'avoir souligné, relativise le malaise ambiant. "C'est un environnement qui dysfonctionne".

  Après les propos alarmants concernant l'hôpital "à bout de souffle", ou la logique économique "absurde" induite par le paiement à l'acte et la T2A, la ministre de la Santé semble mettre un peu d'eau dans son vin.  "J'en ai un peu assez des discours catastrophistes sur l'hôpital. Il y a des lieux qui dysfonctionnent, mais pas tous (…) Je vois bien que le problème n'est pas l'hôpital pris isolément et ne je veux pas faire une énième réforme qui ne traiterait en fait qu'un bout du sujet, explique-t-elle dans Libération. L'hôpital s'inscrit dans un environnement. Et cet environnement dysfonctionne".  

"Comment la médecine de ville doit-elle prendre toute sa place ?"

  Ce qui ne marche pas bien, selon la ministre de la Santé, c'est l'organisation du système de santé dans les territoires et la capacité de la médecine de ville à prendre en charge les soins non programmés. "Il y a un afflux invraisemblable aux urgences de patients qui n'ont rien à y faire. Au moins 30 % d'entre eux pourraient être pris en charge par la médecine de ville. Une partie du sujet est là : comment la médecine de ville doit- elle prendre sa place et toute sa place ?" s'interroge-t-elle. S'exprimant devant les médecins généralistes réunis au congrès de médecine générale, ce week-end, Agnès Buzyn a donné une partie de la réponse en affirmant que l'exercice coordonné devait être le mode dominant en 2022, et prônant une "meilleure articulation entre spécialistes de médecine générale et spécialistes de second recours", entre "soins primaires et établissements de santé". Mais pour l'hôpital, la ministre a également tenu à relativiser l'épuisement des services. Il n'y aurait que 10 à 14 % des services d'urgence en surchauffe (sur 650), et certains services sont en sous activité, notamment en hépatologie, où l'on soigne désormais les malades sans hospitalisation. "Avec les passages à la chirurgie ambulatoire – 70 % au moins de tous les actes chirurgicaux – on aura besoin de moins de lits. Voilà. Chaque hôpital doit se poser la question de ce changement et de sa réorganisation, avec, en particulier, la nécessité qu'il y ait des "lits d'aval" pour accueillir les patients qui ont besoin d'être hospitalisés". S'ajoute à ce constat, celui du manque d'attractivité des carrières. Un groupe de travail s'y penche, dans le but de "proposer des perspectives de carrière plus variées, plus ouvertes au sein de l'hôpital".  

Le temps presse

  Autant de chantiers qu'il va falloir rendre productif, car le temps presse. La ministre veut jouer la complémentarité entre les établissements "plutôt que la compétition", maintenir des hôpitaux de proximité aux côtés d'établissements dotés de plateaux techniques et de compétences spécifiques : "les uns sont complémentaires des autres". La réduction des lits "n'est pas le bon critère", déclare Agnès Buzyn. "Nous avons besoin d'hôpitaux flexibles", susceptibles d'ouvrir une vingtaine de lits en cas d'épidémies, ou lors d'afflux de vacanciers, dans les régions touristiques. "Nous avons besoin d'hôpitaux agiles", c'est à cela que la ministre veut parvenir. Comment ? Par l'implication des communautés médicales dans la gestion des lits hospitaliers, par les réorganisations pour gagner le temps médical qui est en diminution régulière.  

"Ce modèle a montré ses limites"

  On sait tout le mal que la ministre pense de la T2A "les hôpitaux ont été obligés de se mettre en compétition avec d'autres acteurs sur des activités rentables (…) Or, le cœur de l'activité d'un hôpital, ce n'est pas ça". Vouloir "siphonner l'activité de leurs voisins, c'est absurde et ce n'est pas sain". Les travaux en cours sur le changement de modèle de tarification, conduiront à "nuancer justement le poids de la T2A", les nouveaux modes de tarification devront prendre en compte "le parcours du patient, l'efficacité des soins reçus, la coordination entre professionnels de santé, la prévention. Le budget global n'oriente vers rien", développe Agnès Buzyn, expliquant qu'une tarification par activité "permet de faire des choix. Il faut arrêter de surcoter certaines activités pour mieux en payer d'autres". Le temps d'attente aux urgences pourrait être pris en compte, la coopération entre hôpitaux récompensée, y compris avec le secteur privé. Enfin, il faut aussi "valoriser la pertinence des soins, c’est-à-dire ceux qui travaillent bien". Une mission confiée à la Haute autorité de santé. Il n'y aura donc pas de big bang. "C'est le système qui arrive au bout, c'est l'hôpital, la médecine de ville et le parcours qui ne vont pas bien". Le médecin généraliste doit accepter de déléguer des tâches, pour gagner du temps médical, comme on commence à le faire avec la vaccination en pharmacie, ajoute-t-elle. Les patients devront être plus impliqués sur la pertinence, la qualité des services rendus, des soins reçus. "On a besoin de leur regard, de leur expertise. Ma vision de la démocratie sanitaire ne consiste pas à placer un représentant des patients dans les conseils d'administration. Ce modèle a montré ses limites. Mieux vaut s'appuyer sur eux pour recueillir leur accord sur le parcours de soins en milieu hospitalier mais aussi en médecine de ville'". [Avec Libération]

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