Eular 2018 : L’apport des traitements biomécaniques dans la gonarthrose

25/06/2018 Par Corinne Tutin
Rhumatologie

De nombreux essais ont été consacrés aux différentes formes d’arthrose lors du congrès de l’European League Against Rheumatism (Eular), qui vient de se dérouler à Amsterdam du 13 au 16 juin 2018. Certains, faisant notamment appel à des traitements physiques, apportent à nouveau regard à la prise en charge de cette pathologie fréquente. Ainsi, semelles et orthèses pourraient constituer des traitements efficaces dans la gonarthrose

L’utilisation de chaussures spéciales (système Apos) semble prometteuse. Ces chaussures comportent deux demi-balles convexes en caoutchouc, réglables pour chaque patient, sous le talon et l’avant-pied. Cela permet de diminuer les contraintes mécaniques de pression au niveau du genou et contribuent à renforcer les muscles des membres inférieurs. L’étude randomisée Biotok conduite chez 220 patients avec une gonarthrose, a mis en évidence une diminution significative du score de douleur à 6 mois dans le groupe de 111 patients ayant porté ces chaussures : - 1,34 point (p < 0,001) en comparaison du groupe de 109 patients ayant porté des chaussures témoins (S. Reichenbach et al., Université de Bern, Suisse). Les malades devaient porter chacune des catégories de chaussures, à raison de 30 minutes par jour au début de l’étude, puis de plus en plus longtemps (+ 10 minutes par jour chaque semaine), pour atteindre 5 heures par jour en fin d’étude à 6 mois. Le niveau de raideur et la fonction du genou arthrosique ont également été significativement améliorés avec les chaussures Apos. Il reste à déterminer si ces chaussures ont aussi un impact positif sur les lésions structurales de gonarthrose. Par ailleurs, un autre essai randomisé, nommé Ergonomie, s’est intéressé aux effets d’une genouillère articulée, Odra, disponible sur le marché français depuis quelques années (A. Diaz et coll., CHU de Dijon). Cette orthèse réalise une distraction et une rotation du genou afin de réduire les contraintes sur le compartiment fémoro-tibial interne. L’essai a été conduit, sur demande de la Haute autorité de santé (HAS), chez 120 patients français de 7 centres avec une gonarthrose fémoro-tibiale interne douloureuse (plus de 40 mm sur l’échelle visuelle analogique, EVA). La moitié des patients a porté l’orthèse tandis que l’autre recevait des soins usuels, médicamenteux ou non. A un an, la réduction de la douleur évaluée sur l’EVA (critère de jugement principal de l’étude) a été significativement plus importante dans le groupe ayant porté la genouillère (différence de 13,1 ± 4,9 mm par rapport au groupe témoin, p < 0,01). Le niveau fonctionnel, et la qualité de vie ont aussi été améliorés après port de l’orthèse. En outre, les malades ont utilisé moins d’analgésiques. En revanche, il n’a pas été noté de différence concernant la consommation d’Ains et les injections d’acide hyaluronique. Les genouillères sont parfois mal acceptées et peuvent engendrer des effets indésirables cutanés. Dans cet essai, l’observance a été correcte (port de la genouillère en moyenne 5,7 h par jour au cours des 6 premiers mois et 5,3 heures entre 6 et 12 mois). Mais, 13 % des patients ont cessé de la porter en raison d’effets cutanés.   Inefficacité de la radiothérapie à faible doses   D’autres stratégies thérapeutiques, dont certaines audacieuses, montrent des résultats décevants. Une équipe néerlandaise n’a pas hésité à évaluer une radiothérapie à faible dose (6 séances de 1 gray sur 2 semaines) chez des patients symptomatiques avec une arthrose digitale (n = 56) ou une gonarthrose (n = 55) (M. Minten et coll., Sint Maartenskliniek, Pays-Bas). Pourtant, aucune différence significative n’a été relevée à 3 mois, en termes de taux de réponse ou de présence de signes inflammatoires en échographie ou en IRM, par rapport au groupe contrôle ayant reçu en double aveugle une radiothérapie fictive. L’étude ZAP2, menée chez 223 patients avec une gonarthrose avec œdème sous-chondral osseux en IRM, a aussi échoué à trouver un effet positif significatif en termes de réduction de la douleur, ou d’indice fonctionnel à 24 mois, après injection d’acide zolédronique (G. Cai et coll., Université de Tasmanie, Hobart, Australie). Pourtant, un premier essai de 6 mois en 2012 avait suggéré un impact positif de ce bisphosphonate. Par ailleurs, une étude de cohorte canadienne a comparé 7743 patients arthrosiques à 23 229 sujets témoins non arthrosiques montre que le risque cardiovasculaire (RCV) est augmenté chez les sujets malades : il est multiplié par 1,23 globalement par rapport aux sujets non arthrosiques. Cet essai suggère, en outre, que 68 % de l’élévation du RCV, observée chez ces patients, implique la prise de médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ains). "Ces résultats posent question car cette classe thérapeutique est largement utilisée dans l’arthrose », a admis le Pr Aslam Anis (Université de Colombie Britannique, Vancouver, Canada), « et ils ont été retrouvés après ajustement pour l’âge, le sexe, le statut socio-économique, l’indice de masse corporelle (IMC), et même la présence de comorbidités accroissant le risque cardiovasculaire : HTA, Bpco, diabète...". Un nouvel axe : inhiber la voie Wnt Enfin, les perspectives offertes par les biothérapies ne sont pas oubliées dans le domaine de l’arthrose. Un essai de phase 2 entrepris chez 455 patients avec une gonarthrose laisse d’ailleurs penser qu’une petite molécule, SMO4690, capable d’inhiber la voie Wnt impliquée dans la différenciation des ostéoblastes et des chondrocytes, pourrait après injection intra-articulaire réduire de façon prolongée la douleur arthrosique et améliorer la fonction du genou (S. Kennedy et coll., San Diego, États-Unis).  

Gonarthrose sévère : un risque de dépression doublé

Parfois négligée, l’arthrose doit pourtant être prise en charge, car dans les formes sévères, ses répercussions psychologiques sont non négligeables. L’analyse de 1652 patients de la cohorte américaine Osteoarthritis Initiative confirme ainsi qu’une diminution des performances physiques et la présence d’une douleur, ou de lésions structurales importantes en radiographie, s’associe à un risque nettement accru de dépression dans la gonarthrose sévère (A. M. Rathbun, et coll., Université du Maryland, Baltimore, États-Unis). Les patients étaient classés en fonction de la sévérité de la maladie jugée sur la vitesse de marche, le pincement articulaire, et la douleur. Entre le dernier (malades les plus touchés) et premier quintile (les moins touchés), la probabilité de survenue d’une dépression était ainsi multipliée par 1,80 pour le critère de la vitesse de marche, 2,10 pour le pincement articulaire, et 2,21 pour la douleur.
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