Nouvelle variante du Sars-CoV-2 : ce que l’on en sait actuellement

22/12/2020 Par Marielle Ammouche
Infectiologie

Une nouvelle souche du Sars-CoV-2, apparue au Royaume-Uni, sème l'inquiétude en Europe et dans le monde, justifiant des mesures d’isolement de ce pays. Les craintes viennent principalement d’une potentielle augmentation de sa contagiosité, due à des modifications de la protéine Spike. Mais, pour le moment, les experts s’accordent à dire que rien ne prouve, à ce stade, que cette variante entraîne des formes plus graves ou résisterait aux vaccins. "Il existe sans aucun doute des milliers de variantes", rappelle à l'AFP Emma Hodcroft, épidémiologiste à l'université de Berne. "Le plus important est de chercher à savoir si cette variante a des propriétés qui ont un impact sur la santé des humains, les diagnostics et les vaccins", ajoute le professeur d'infectiologie à l'université de Liverpool Julian Hiscox, cité par le Science Media Centre. La nouvelle variante sur laquelle le gouvernement britannique a tiré la sonnette d'alarme comporte notamment une mutation, nommée N501Y, au niveau de la protéine de surface Spike du coronavirus, qui lui permet de s'attacher aux cellules humaines. Depuis le début de l'épidémie, la variante la plus répandue du SARS-CoV-2 est porteuse d'une mutation nommée D614G, qui se situe aussi au niveau de cette protéine Spike.

  Une contagiosité accrue ? La nouvelle variante du virus a été qualifiée de "hors de contrôle" au Royaume-Uni, par le ministre britannique de la Santé, Matt Hancock. Un terme réfuté par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). "Nous avons eu un R0 beaucoup plus élevé que 1,5 à différents moments de cette pandémie et nous l'avons maîtrisé. Cette situation n'est donc pas, en ce sens, hors de contrôle", a ainsi déclaré le responsable des situations d'urgence sanitaire à l'OMS, Michael Ryan, en conférence de presse. Le chef du gouvernement de Boris Johnson a évoqué lui une contagiosité supérieure de 70%, ce qui a conduit...

aux mesures d’isolement de la Grande-Bretagne. De fait, "le Royaume-Uni a été confronté ces dernières semaines à une augmentation rapide du nombre de cas de Covid-19 dans le sud-est de l'Angleterre" et les analyses ont montré qu' "une grande proportion de cas appartenaient" à la nouvelle mutation du virus, a écrit dimanche l'Agence européenne de contrôle des maladies (ECDC). Plusieurs experts sanitaires constatent aussi que la hausse du nombre d'hospitalisations dans cette région anglaise coïncide avec l'apparition de cette nouvelle forme du virus. "Les raisons de cette infectiosité accrue ne sont pas encore claires. Nous devons encore savoir si elle est due à une plus grande réplication virale ou à une meilleure liaison avec les cellules qui tapissent le nez et les poumons", a expliqué dans le Science Media Center Peter Openshaw, professeur de médecine expérimentale à l'Imperial College de Londres. Pour autant, Emma Hodcroft se montre prudente sur une "contagiosité supérieure de 70%", car les estimations tôt dans le temps peuvent être revues. Pour Mark Harris, professeur de virologie à l'université de Leeds, cette variante peut aussi servir d' "écran de fumée" au gouvernement britannique, pour faire oublier que le déconfinement avait été trop rapide début décembre à Londres et dans le sud-est. Autre hypothèse, "il faut savoir que cette région du sud-est de l'Angleterre avait été assez épargnée, l'immunité de groupe dans la population est donc faible et le virus a trouvé un terrain pour se développer", explique à l'AFP le directeur adjoint du Centre national de référence des virus respiratoires de l'Institut Pasteur à Paris, Vincent Enouf. Pour Moncef Slaoui, conseiller principal du programme gouvernemental de vaccination aux Etats-Unis, "il n'y a pas de preuve tangible que ce virus soit effectivement plus contagieux, (mais) il y a des preuves claires qu'il est plus répandu dans la population".   Doute sur l’origine de la variante Il est difficile d'affirmer que cette nouvelle forme est née au Royaume-Uni. Ce pays "est le leader mondial en matière de séquençage (...) Donc s'il existe une variante et qu'elle arrive au Royaume-Uni, elle a de bonnes chances d'y être détectée", note Emma Hodcroft, pour qui la première séquence de ce nouveau variant remonte à septembre. Selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), des formes similaires ont été détectées en très faible nombre en Australie (un cas), au Danemark (9), aux Pays-Bas (1) ou en Afrique du Sud. L'Italie a également annoncé un premier cas détecté dimanche. "Même s'il n'est pas né au Royaume-Uni, il semble bien qu'il y ait grandi. C'est en Angleterre qu'il s'est développé", assure Emma Hodcroft. De son côté, le ministre français de la Santé Olivier Véran n'a pas exclu qu'il circule déjà en France, même s'il n'a pas encore été détecté.   Impact sur l’agressivité du virus et les vaccins Une meilleure résistance de ce variant du Covid-19 aux vaccins qui ont commencé à être distribués aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, et qui sont attendus dans le monde entier, représenterait un scénario catastrophe. Mais ce n'est pas...

l'hypothèse la plus probable aux yeux des scientifiques. "L'idée du vaccin est que la protéine Spike dans son ensemble est montrée à votre système immunitaire, et vous apprenez donc à en reconnaître de nombreuses parties différentes", explique Emma Hodcroft. Du coup, "même si quelques parties changent, vous avez toujours toutes les autres parties pour reconnaître" le virus, affirme-t-elle. Vincent Enouf évoque, lui, un "répertoire d'anticorps qui devrait suffire". "Rien n'indique pour le moment que cette nouvelle souche entraîne un taux de mortalité plus élevé ou qu'elle affecte les vaccins et les traitements, mais des travaux urgents sont en cours pour confirmer cela", a ajouté le médecin-chef de l'Angleterre Chris Whitty. L'OMS et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) sont parvenus aux mêmes constats mais ajoutent aussi que des investigations complémentaires sont nécessaires. "Pour le moment, il n'existe aucune preuve suggérant que ce vaccin ne soit pas efficace contre la nouvelle variante", a déclaré lundi Emer Cooke, la directrice générale de l'Agence européenne des médicaments, en donnant le feu vert au produit développé par Pfizer-BioNTech. Quoiqu’il en soit, BioNTech, a assuré mardi être capable de fournir un nouveau vaccin en 6 semaines en cas de mutation du virus comme celle détectée au Royaume-Uni, a déclaré son co-dirigeant, Ugur Sahin. "En principe la beauté de la technologie de l'ARN messager est que nous pouvons directement commencer à concevoir un vaccin qui imite complètement la nouvelle mutation", a-t-il ajouté au cours d'une conférence de presse à Mayence (ouest de l'Allemagne). Cependant, selon lui, il est "scientifiquement hautement probable que la réponse immunitaire provoquée par le vaccin puisse aussi gérer la nouvelle variante du virus". En effet, il "contient plus de 1.000 acides aminés et seulement neuf d'entre eux ont muté, ce qui signifie que 99% de la protéine est toujours la même". BioNTech devrait être en mesure de publier les résultats de ses tests menés avec la nouvelle variante du Sars-CoV-2 d'ici deux semaines, a-t-il encore indiqué.   Un effet sur les tests ? "Les responsables des laboratoires devraient vérifier auprès de leurs fournisseurs si leurs tests pourraient être pris en défaut" par cette nouvelle variante, relève Vincent Enouf. Selon l'ECDC, le changement de la protéine Spike a provoqué des faux négatifs dans certains laboratoires de tests au Royaume-Uni qui se basent uniquement sur cette protéine dans leurs analyses. L'agence européenne recommande d'éviter de se baser sur cette seule méthode, qui n'est de toute façon pas la plus répandue selon elle.

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