sacoche de médecin

"Le médecin libéral n’est pas uniquement intéressé par l’argent, comme de nombreux médias le laissent entendre"

Dans un témoignage transmis à la rédaction d'Egora, le Dr Pierre Frances (Pyrénées-Orientales), médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer, déplore le "lynchage" actuel des médecins libéraux.

19/05/2025 Par Dr Pierre Francès
sacoche de médecin

"Très (trop) régulièrement, les médias et les pouvoirs publics fustigent l’action des libéraux. La sempiternelle question de la rémunération de ces professionnels est fréquemment posée. Selon ces 'inquisiteurs', les libéraux profitent des largesses d’un système au bord du gouffre. 

Comme l’a souligné le journaliste Sébastien Grob dans un article publié le 18 mai sur Marianne, le but d’un grand nombre d’étudiants en médecine serait de gagner rapidement beaucoup d’argent. En témoignerait la priorité accordée par les étudiants qui réussissent le mieux à l'examen classant de 6ème année aux spécialités avec peu de gardes et des rémunérations attractives.

Il faut reconnaître que la charge de travail durant l'internat -ils remboursent intégralement les frais de scolarités payés par le contribuable, d’ailleurs-, souvent proche des 50 heures par semaine, ainsi que les nombreuses années d’études et les sacrifices financiers importants (certains sont dans l’obligation de contracter des emprunts) sont autant de facteurs influençant les choix d'orientation des confrères.

Par ailleurs afin de pouvoir vivre de manière décente - le coût des loyers étant lourd pour des libéraux payés au lance-pierre-, certains praticiens (le plus souvent généralistes) parisiens sont contraints de pratiquer des actes de chirurgie esthétique ou de facturer des dépassements d’honoraires en toute illégalité.

Il est vrai que certains confrères abusent du système de soins français, mais leur nombre reste très anecdotique, et nombreux sont les patients qui dénoncent ces pratiques auprès des caisses d’assurance maladie.

Un autre motif de désamour vis-à-vis du monde libéral est la permanence des soins. Il y a quelques décennies de cela, le médecin libéral effectuait sans rechigner les gardes de son secteur. Cependant la charge de travail -souvent supérieure à 50 heures- conduit des collègues à ne plus participer au tour de garde du secteur.

Que dire des sociétés qui profitent de cette pénurie -voulue par les pouvoirs publics, nous ne devons pas l’oublier- pour remplir leur portefeuille en taxant les collectivités, lesquelles paient le prix fort pour la venue parfois hypothétique d’un médecin ? Les médias parlent rarement de ces structures dont l’éthique et l’humanisme ne collent pas vraiment à leurs idéaux.

Les médecins libéraux aiment pour la grande majorité leur métier et se sacrifient pour assurer des soins de qualité auprès d’une population parfois en difficulté. Le médecin libéral reste attaché à sa fonction. Il n’hésite pas à sacrifier sa vie privée -très souvent chaotique chez ces professionnels de santé, avec un taux de suicide bien supérieur aux agents de France Télécom- pour donner le maximum de son expertise auprès des patients.

Je parle d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur, car j’ai reçu un enseignement et des préceptes de mes maîtres qui m’ont conduit à penser avant tout aux personnes qui souhaitent que je puisse les soigner. Ils ont confiance en moi, et je me sens responsable -ce n’est pas un orgueil mal placé- de leur santé.

Bien entendu il est parfois déprimant d’avoir des patients qui n’acceptent pas certaines paroles pourtant justifiées ou qui gardent de la rancune vis-à-vis d’une erreur commise. Nous sommes des êtres humains avec nos qualités, mais aussi nos défauts, et nous devons être capables d’accepter le fait que nous pouvons faire des fautes. Nous sommes ravis de permettre la guérison d’un patient entre nos mains, mais également parfois étonnés de poser un diagnostic complexe sur une personne qui avait une symptomatologie déroutante.

Le médecin libéral n’est pas uniquement intéressé par l’argent comme de nombreux médias le laissent entendre.

Nombreux sont ceux qui se mobilisent sur le terrain pour aller vers des zones sous-médicalisées, afin d’apporter les soins de premiers recours à nos compatriotes.

Par ce témoignage, je souhaite tirer mon chapeau aux nombreux médecins qui acceptent de participer à certaines actions : création de cabinets secondaires dans des déserts médicaux, déplacements en bus vers des villages n’ayant plus de professionnels de santé, etc.

Non, le médecin libéral n’est pas responsable du déficit de notre système de santé. Il reste la pierre angulaire du soin, et nous devons le respecter et reconnaître ses actions."

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