Ce qui se cache derrière la hausse inquiétante de l'infertilité

13/03/2024 Par Romain Loury
Santé publique
En France, 3,3 millions de personnes sont touchées par l’infertilité, une affection en hausse, et dont les causes sont nombreuses. Face à la détresse des couples, le Pr Samir Hamamah, chef du service de biologie de la reproduction du CHU de Montpellier, appelle à un sursaut préventif.

Un couple sur quatre rencontre des difficultés pour avoir un enfant après 12 mois d’essais. Face à la hausse de l’infertilité, Emmanuel Macron a annoncé, lors d’une conférence de presse organisée mi-janvier à l’Elysée, l’instauration d’un « grand plan de lutte contre ce fléau ». Ce futur plan fertilité, dont l’Elysée prévoit le lancement dans les six prochains mois -soit avant l’été, un délai optimiste-, sera le premier consacré au sujet en France. Il reposera en grande partie sur le rapport (1)remis en février 2022 au Gouvernement par le Pr Samir Hamamah et Salomé Berlioux, fondatrice de l'association Chemins d'avenirs. Les deux experts y dressent un panorama des nombreuses causes de l’infertilité. Selon Samir Hamamah, elles peuvent être rangées en trois grandes catégories, de nature sociétale, environnementale et médicale. « Aucun de ces trois grands types de causes n’a un poids plus important que l’autre. Les trois aboutissent à des situations d’infertilité, à savoir l’incapacité de réaliser son projet parental sans aide médicale », explique-t-il. Dans leur rapport, les deux experts accordent cependant la primeur au « déclin naturel de la fertilité avec l’âge », selon eux le premier facteur d’infertilité. En cause, un recul très prononcé de l’âge lors de la parentalité : de 24 ans en 1974, l’âge moyen de la mère lors de son premier accouchement atteignait 28,8 ans en 2019. Selon l’Institut national des études démographiques (Ined), la tendance devrait se poursuivre ces prochaines années - en Espagne, cet âge s’élève à 32,8 ans. Parmi les bébés nés en 2020, un quart avaient une mère âgée de 35 ans ou plus à la naissance, un quart un père âgé de 38 ans ou plus. Selon Samir Hamamah, « les Françaises doivent savoir que leur fertilité chute avec l’âge. Chez la femme, elle est optimale à 25 ans, et elle commence à chuter au-delà ». Une « confiance excessive » dans la PMA En cause derrière ce vieillissement des jeunes parents, la recherche d’une stabilité professionnelle et affective, mais aussi les difficultés financières et organisationnelles qu’occasionne l’arrivée d’un enfant. A ce recul de l’âge, s’ajoute « une confiance excessive » dans l’efficacité de la procréation médicale assistée (PMA). Selon le médecin, « celle-ci n’est pas une baguette magique qui permet de régler tous les problèmes d’infertilité ». Chez les femmes en recherche de grossesse après 40 ans, 36% resteront sans enfant. D’autant que les chances de succès de l’AMP chutent rapidement : de 13% chez les femmes de 38/39 ans, le taux d’accouchement après ponction tombe à 2,5% chez celles de 43 ans et plus. Selon Samir Hamamah, « il va falloir revoir l’ensemble de notre politique familiale, de notre politique nataliste. L’augmentation de l’infertilité n’explique pas à elle seule la chute de la natalité ». Si elle demeure bien placée parmi les pays européens, la France connaît un net recul. De 2,03 en 2010, l’indice conjoncturel de fécondité, à savoir le nombre moyen d’enfants par femme, n’était plus que de 1,68 en 2023. Face à cette baisse, Emmanuel Macron a appelé lors de sa conférence de presse à un « réarmement démographique », liant fertilité et natalité. Au-delà de la rhétorique va-t-en-guerre, le parallèle entre les deux sujets, l’un médical, l’autre démographique, lui a valu de nombreuses critiques. Interrogé à ce sujet, Samir Hamamah estime qu’« il s’agit avant tout d’informer la population, mais sans paraître pro-nataliste’ ». Environnement, mode de vie et causes médicales Au-delà du recul de l’âge au premier enfant, l’infertilité progresse pour des raisons tout autres que sociétales. Et ce, en France comme ailleurs : entre 1973 et 2011, la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a chuté de 52,4% au niveau mondial, soit une perte moyenne de 1,4% par an, selon une méta-analyse publiée en 2017 (2). Derrière ce phénomène, l’environnement paraît le coupable le plus évident. Notamment les perturbateurs endocriniens, molécules omniprésentes qui interfèrent avec le fonctionnement hormonal, et impliquées dans de nombreuses maladies chroniques, du cancer au diabète, en passant par l’obésité, les troubles neurologiques du développement… et l’infertilité. Que ce soit par nos assiettes, nos vêtements, nos produits d’hygiène, mais aussi par l’air, le sol et l’eau, « nous sommes exposés à des centaines de molécules toxiques », rappelle Samir Hamamah. « Nous y sommes tous vulnérables, de la conception à la mort. Il s’agit d’un scandale de santé publique dont on parle beaucoup, mais sans que rien ne soit réellement fait. Il faut d’abord informer, éduquer, à l’échelle collective comme individuelle. Raison pour laquelle mon rapport propose la création d’un logo reprotoxique, apposé sur tout produit de consommation contenant des perturbateurs endocriniens ». Egalement en cause dans l’infertilité, la pollution de l’air, le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, le cannabis, l’obésité, mais aussi une alimentation de mauvaise qualité, pauvre en fruits et légumes. Pour l’homme, l’exposition à une température trop élevée au niveau testiculaire, que ce soit en cas de conduite automobile prolongée, de pratique intensive du vélo ou de la moto, ou chez certaines professions (verrier, boulanger, pizzaiolo, etc.), altère aussi la spermatogénèse. Enfin, l’infertilité compte aussi de nombreuses raisons médicales, dont l’endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques et l’insuffisance ovarienne prématurée chez la femme. Chez l’homme, elle peut être d’origine hormonale (comme l’hypogonadisme), testiculaire (la varicocèle est la première cause d’infertilité masculine), ou liée à des lésions des voies génitales. Dans les deux sexes, diverses infections peuvent favoriser l’infertilité, qu’elles soient sexuellement transmissibles (Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae, VIH, HPV, etc.) ou non (virus ourlien responsable des oreillons, virus de l’hépatite C, etc.). Vers des consultations spécifiques ? Dès lors, comment informer les jeunes adultes, en couple ou non ? Selon Samir Hamamah, « il faut rester positif, parler de prévention. Cette démarche doit impliquer les médecins généralistes, les sage-femmes, les infirmières en pratique avancée ». Parmi les préconisations du rapport, la mise en place d’une consultation préconceptionnelle - « trois mois avant la mise en route du bébé », avance le médecin -, au cours de laquelle les jeunes couples ayant un projet parental se verraient proposer une évaluation de leur environnement et de leur mode de vie, avec des conseils afin de maximiser leurs chances. Le rapport propose aussi une consultation longue « santé reproductive et fertilité » assortie d’un examen clinique, à la demande de tout homme ou femme en âge de procréer. Par courrier de l’assurance maladie, chaque personne âgée de 29 ans, âge à partir duquel il est autorisé de congeler ses gamètes, se verrait rappeler l’existence de cette consultation, éventuellement en vue d’une autoconservation. En marge de la conférence de presse de janvier, l’Elysée a indiqué envisager la proposition d’un examen gynécologique et d’un spermogramme lors de la consultation de prévention prévue à l’âge de 25 ans. Ces examens, entièrement remboursés, pourraient être proposés dès cette année.

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Claire FAUCHERY

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2 débatteurs en ligne2 en ligne
Photo de profil de Fabien BRAY
7,5 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 ans
L'article et l'interview sont très bien et intéressantes, mais la politique derrière c'est du grand n'importe quoi, comme d'habitude. On réautorise les pesticides et les phytosanitaires, à l'heure où le service "phyto" (parce que oui il y a bien un service dédié aux affections liées aux phytosanitaires) de la MSA a de plus en plus de boulot, juste parce que le gouvernement a peur des gros céréaliers. Faire garder ses enfants quand on bosse n'a jamais été aussi compliqué et cher, parce que oui la crèche municipale ne coute rien ou quasi rien quand on ne travaille pas (et que l'on a le temps de les garder), et quand on bosse on y a quasiment pas accès et on doit se reporter sur des micro crèches hors de prix. Rembourser des spermogrammes à tour de bras, et dans le même temps raccourcir les congés parentaux, c'est débile. Je pense qu'il faudrait supprimer la "condition de ressource" pour toutes les aides/allocations à la natalité/garde d'enfant.
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496 points
Incontournable
Autre spécialité médicale
il y a 2 ans
Ce qui se cache derrière la hausse inquiétante de l'infertilité. Beaucoup de causes possibles sont mises en avant sans preuves suffisantes. Si l’on étudie la croissance des bactéries en milieu fermé (la terre est un milieu fermé) on sait qu’il y a une phase de latence, une phase exponentielle puis on constate l’existence d’un point d’inflexion et la croissance se ralentit. Après une phase stationnaire il y a une phase de déclin. L’Etude des courbes démographiques statistiquement reconstituées depuis la préhistoire montre une phase de latence où la croissance de la population était faible, puis de 5000 à 2000 ans avant JC, la croissance du nombre des humains sur terre s’est faite de manière exponentielle et on peut constater un point d’inflexion vers les années 1960. Ce constat est à rapprocher des courbes retraçant l’évolution du nombre d’enfants par femme depuis 1950 où l’on est passé de 7 à 4 en Afrique, de 6 à 2,5 en Amérique latine, de 6 à 2,5 en Asie, de 4 à 2,3 en Océanie, de 3,5 à 2 en Amérique du Nord, de 2,7 à 1,5 en Europe. Il est noté : « entre 1973 et 2011, la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a chuté de 52,4% au niveau mondial, soit une perte moyenne de 1,4% par an, selon une méta-analyse publiée en 2017. » Il est donc très difficile de faire des prévisions sur l’évolution prévisible de la population mondiale. Chez le humains l’évolution du nombre d’enfants par femme dépend aussi de facteurs psychologiques. Il faut dire que les politiques guerrières de nos représentants inquiètent les populations et qu’il y a des souvenirs douloureux dans la mémoire collective. Tout cela coute cher. Selon l'édition 2023 des « Statistiques des recettes publiques » que vient de publier l'OCDE, la France est redevenue en 2022 championne du monde des impôts, avec un taux de prélèvements obligatoires représentant 46,1 % du PIB. Ajoutons à cela les tracassins administratifs, les manifestations en tout genre, et une incertitude de l’avenir grandissante qui n’incite pas à envisager une naissance. En tabassant les gens sur le plan psychologique, en ne créant pas un environnement favorable lequel ne se résume pas à des aides financières, on perd de vue que la venue d’un enfant c’est l’expression de la confiance dans l’avenir et la vie. La reproduction humaine ce n’est pas juste un problème de spermogramme.
Photo de profil de Hassan CHATTI
1 k points
Débatteur Passionné
Médecine physique et de réadaptation
il y a 2 ans
Après la médicalisation de la naissance (a juste titre) puis la médicalisation de la mort (+/- justifié selon souffrance), maintenant on médicalise systématiquement la conception. Il devient aussi inacceptable pour la société de mourir de que moins concevoir. Le médecin deviendrai la solution pour tout mais surtout il ne faut pas dire au patient de faire du sport, maigrir, ne plus fumer.... . Du peu que j'en ai vu, ce sont des parcours plus générateurs d'anxiété/traumatisme (geste, fausse couche, chirurgie exploratoire ...) que réellement de solution mais surement que je me trompe. J'ai très occasionnelement et partiellement à faire avec des problématiques de fertilité dans le handicap et je ne me verrais pas subir le stress des couples au quotidien. Bon courage au médecin de PMA.
 
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