"Tous les ans, je finis sous Xanax" : à Lille, un étudiant sur deux regrette de faire médecine à cause de la réforme des ECN

02/03/2022 Par Marion Jort
Une étude menée auprès de 800 externes en médecine de l’université de Lille révèle que l’état psychologique des carabins est extrêmement fragile, notamment à cause de la mise en place de la réforme des ECN. 

  Épuisés par la mise en place chaotique de la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C), qui a notamment vocation à supprimer les ECN, les carabins sont aujourd’hui complètement à bout. A Lille, les élus de la faculté ont décidé de lancer un grand sondage* auprès de 820 externes pour tenter de faire prendre conscience de l’état de santé mentale dans laquelle se trouvent les étudiants. Il ressort des résultats qu’un étudiant sur deux regrette de s’être orienté vers les études de médecine “de temps en temps”. 59 répondants ont même avoué qu’ils y pensaient tous les jours. Pire : la majorité des externes (39%) a déjà songé ponctuellement à arrêter et 5% ont cette idée tous les jours.  “Je me sens vraiment seule et pas soutenue par la fac qui ne comprends pas notre inquiétude et notre détresse face à ces nouveautés qui nous ruinent le moral. La réforme n'est pas prête, nous en subissons les conséquences et la seule chose que nous répète la fac en boucle c'est : ‘on n’a encore deux ans, pas de panique’”, illustre par exemple l’une d’elle dans un questionnaire ouvert sur les ressentis et préoccupations. “Horrible, je pleure un soir sur deux, avec envie de tout balancer par la fenêtre, une angoisse constante. La fac et les profs sont complètement à côté de la plaque et ne nous aident pas du tout”, confie un autre étudiant. 

Selon les résultats du sondage, en effet, la moitié des externes lillois estiment qu’ils sont mal préparés par la faculté aux ECN. Par ailleurs, 49% des étudiants estiment que la faculté n’a pas du tout compris leurs préoccupations et 45% qu’elle ne les a pas bien compris.  “Ne nous laissez pas mourir”  Parmi les mots qui sont le plus souvent revenus pour qualifier leur année universitaire et le semestre sur lequel s’est déroulé le sondage sont : “difficile”, “stressant”, “fatiguant”, “solitude”, “surcharge”, “anxiété”, “abandonné”, “épuisant”, “chargé”, “démotivant”, “manque de communication”, “pas à l’écoute, “désorganisation”, “mal organisée”.  Alors que les textes de cadrage de la R2C ne sont toujours pas sortis, ce que dénoncent les syndicats, les étudiants s’inquiètent de cette réforme mal préparée qui a nécessairement des conséquences délétères sur leur préparation aux nouveaux examens classants, les EDN et les Ecos, et sur leurs conditions d’étude. Génération largement éprouvée par le Covid, beaucoup d’entre eux ont ainsi confié aller mal et n’ont pas caché leurs idées suicidaires. “Une amie a des pensées suicidaires et je ne peux même pas l'aider car je ne suis moi-même pas bien”, témoigne l'une d'elle. “Je suis en dépression sévère avec un risque suicidaire élevé. Cette 6ème année est un calvaire comme jamais, et on s'y sent seul”, écrit un autre étudiant. Impossible de citer tous les textes de carabins confirmant être dans la même situation, car ils sont extrêmement nombreux.  Un état de santé mentale tellement dégradé que beaucoup ont perdu le goût des études et leur passion pour la médecine. “Pourquoi est-ce qu'on nous fait souffrir autant pour avoir un métier censé apaiser la douleur? Comment pourrais-je me regarder dans un miroir et me dire que je suis un bon médecin alors qu’à l’intérieur on nous a brisés?”, rapporte un carabin. D’autres écrits vont dans le même sens, comme par exemple : “La seule raison pour laquelle je n’arrête pas la médecine c’est d’être arrivée en 4ème année, je n’ai pas la force de tout recommencer à zéro” ou “j'estime que faire une crise d'angoisse parce qu'on a pas bossé le jour de Noël alors qu'on a 8 collèges à travailler, cela n'est pas normal. Envie de tout lâcher parfois pour juste arrêter de stresser et de profiter un peu de ma vie et être heureuse…”. 

“Tous les ans, je finis sous Xanax car je suis au bout du rouleau”, révèle encore un étudiant. "Aidez-nous s’il vous plaît. Ne nous laissez pas abandonner. Ne nous laissez pas mourir”, conclut une autre. 

*Sondage mené en décembre et janvier auprès de 820 externes de 4e, 5e et 6e année de Lille.  

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Claire FAUCHERY

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