point interrogation

Déçus de leurs notes aux Ecos, ces étudiants en médecine veulent des réponses : "Je me demande s'il n'y a pas eu une erreur"

Mardi 17 juin, de nombreux étudiants en sixième année de médecine ont déchanté en découvrant leurs résultats aux Examens cliniques objectifs et structurés (Ecos). Comme l'an dernier, certains ont drastiquement chuté au classement, tandis que d'autres sont contraints de redoubler. Déçus, ils s'interrogent sur leurs notes et pointent certains dysfonctionnements.  

25/06/2025 Par Chloé Subileau
Ecos
point interrogation

Après des heures d'attente, Thomas* est tombé des nues en découvrant ses résultats aux Ecos mardi 17 juin. L'étudiant en sixième année de médecine, classé en moyenne 2500ème sur 9000 à l'issue des EDN à l'automne, a chuté de plus de 1500 places avec ses nouvelles notes. Son rêve de "gamin" s'effondre alors. "J'ai toujours rêvé de faire de la chirurgie surtout tête et cou, donc de la chirurgie maxillo-faciale, de l'ORL, de l'ophtalmologie, de la chirurgie orale…, confie le Bordelais, désormais classé 4000ème dans les spécialités chirurgicales. "Ces domaines ne sont plus atteignables pour moi, il va falloir que je fasse mon deuil de ce rêve", souffle-t-il.

Lorsqu'il a passé les Ecos les 20 et 21 mai, Thomas était pourtant "sûr" de lui. "Sachant que je ne me surestime jamais ", glisse-t-il. Sur les dix stations – mises en situation passées par les étudiants – que comptent ces épreuves orales nationales, mises en place l'an dernier par la réforme du deuxième cycle des études médicales, "il y en a quatre, voire cinq dans lesquelles je sais que j'ai excellées", assure le jeune homme. Durant l'une des stations, les deux examinateurs – "qui n'ont normalement pas le droit de nous parler" – "se sont [même] permis à la fin de me dire que ce que j'avais fait était très bien, qu'il n'y avait rien à redire et que je pouvais dormir sur mes deux oreilles", raconte Thomas, expliquant ne pas comprendre ses résultats.

"Sur tous mes entraînements aux Ecos, je n'ai jamais eu en dessous de 15/20. Quand j'ai vu mes résultats, j'ai vu que j'étais dans les 20% des derniers de ma promo, poursuit le futur médecin. Ça ne m'est jamais arrivé en sept ans d'études et c'est totalement incompréhensible au vu de mes Ecos blancs [passés quelques semaines plus tôt, NDLR], de mon ressenti le jour J, de ce que m'ont dit les examinateurs…"

Thomas est loin d'être le seul à ne pas comprendre ses notes. Sur les réseaux sociaux, d'autres étudiants ayant chuté au classement ou n'ayant pas obtenu la note de 10/20 nécessaire pour valider ces épreuves partagent leur incompréhension et leurs doutes. Y a-t-il eu des erreurs dans les notations ? Des résultats ont-ils pu être échangés entre les étudiants ? Certains ont-ils été perdus ? Les carabins s'interrogent.

Je me demande s'il n'y a pas eu une erreur dans le numéro d'étudiant

Marine*, étudiante dans l'Ouest de la France, en fait partie. La jeune femme qui espérait devenir interne en réanimation ou aux urgences a perdu près de 2000 places en moyenne dans les différents classements**. Désormais, "je peux faire une croix sur la réa. Les urgences restent une spécialité envisageable, mais je serais sûrement dans les derniers de ma promo d'internes et j'aurais moins le choix sur mes stages", détaille l'apprentie médecin, qui ne comprend pas ses résultats.

"J'ai toujours été plus à l'aise aux Ecos" qu'aux écrits, affirme Marine. C'est un exercice qu'elle estime, en effet, "plutôt maîtriser" : "Puis, j'avais aussi pris cette année une prépa privée pour bosser mes Ecos. Je travaillais le soir en rentrant de stage et sur mes jours off. J'avais fait un tableur avec l'ensemble des situations de départ, et je m'étais fixée pour objectif de faire au moins une station d'Ecos par situation de départ. Il y en avait plus de 360."

Lors de ces épreuves fin mai, "je ne pense pas [avoir été] irréprochable, j'ai forcément fait des erreurs", reconnaît Marine. "Mais de là à me retrouver presque dans les 1000 derniers dans les notes… […] Je me demande s'il n'y a pas eu une erreur dans le numéro d'étudiant", s'interroge la future interne, dont les résultats auraient dans ce cas été échangés avec un autre. "C'est l'une des hypothèses."

Thomas veut, lui aussi, rester prudent. "Je ne dénonce rien du tout, insiste le carabin bordelais, d'autant qu'on ne peut pas [pour l'instant] avoir accès à nos grilles de correction, à nos résultats exacts, à nos notes par station…" Mais l'apprenti médecin, qui depuis le 17 juin a réuni les témoignages de dizaines d'étudiants déçus, pointent plusieurs dysfonctionnements observés durant les Ecos. "Il y a notamment eu des problèmes de tablettes sur une station où l'on devait regarder une vidéo qui était sans son et sous-titrée. La tablette n'a pas fonctionné pour certains étudiants qui n'ont pas pu voir la vidéo, d'autres n'ont pas eu les sous-titres et pour d'autres, la tablette a buggé et la vidéo a fonctionné de manière intermittente", rapporte Thomas, expliquant que, malgré les plaintes des carabins, ces problèmes ne semblent "pas avoir été pris en compte".

Selon les témoignages recueillis par l'étudiant, des mannequins – utilisés lors de stations - étaient défectueux, du matériel différait selon les facultés, certains examinateurs étaient sur leur téléphone "au lieu d'être sur leur tablette à les évaluer" et les patients standardisés ne donnaient pas tous la même réponse pour une même question. L'an dernier, des dysfonctionnements similaires avaient été dénoncés par des étudiants.

Obtenir leurs grilles de notation

Pour obtenir des réponses à ses questions, Thomas aimerait avoir accès à sa grille de notation. Mais pour l'heure le Centre national de gestion (CNG), en charge de l'organisation des Ecos et de la publication des résultats, ne semble pas décidé à les lui fournir. "Ils vont 'faire les morts', comme ils ont fait l'année dernière", prédit Thomas. "J'ai envoyé un mail au CNG qui, pour le moment, est resté sans réponse", abonde Marine.

"J'aimerais au moins que les étudiants qui le désirent aient leurs notes par station, avance Thomas. Ça permettrait aux étudiants d'avancer, peut-être de mettre la lumière sur le fait qu'ils ont pu échouer ou peut-être vraiment de mettre en évidence une défaillance." Pour Marine aussi – qui a déjà contacté le CNG -, obtenir des résultats détaillés paraît nécessaire : "Si je voyais ma grille de notation et que je me rendais compte que je suis passée complètement à côté, ça me permettrait d'avancer et de progresser. Dans quelques mois, je serai interne et, si tout ce que j'ai fait [durant les Ecos] est mauvais, j'aimerais le savoir."

Manon, elle, va plus loin. L'étudiante de 29 ans, qui veut devenir psychiatre, a obtenu 9,49/20 aux Ecos et devra donc redoubler. Car, pour valider ces épreuves et devenir interne à la rentrée, les carabins doivent obtenir la note minimale de 10/20. A la suite des écrits, "où j'ai eu 15,55 aux rangs A", "j'étais classée entre 5500 et 6000 selon les classements, ce qui m'allait", explique-t-elle.

La jeune femme reconnait ne pas être à l'aise avec les Ecos. "Je sais que la note que j'ai obtenue est la mienne", affirme-t-elle, précisant ne pas comprendre l'intérêt de ces épreuves orales qui, selon elle, ne représentent pas la médecine actuelle. "C'est standardisé, il faut dire des mots-clefs, si on n'en dit pas assez ça ne compte pas... Ce n'est pas comme ça que je conçois la médecine", souligne Manon.

J'ai besoin au moins d'essayer de faire bouger les choses pour mes amis qui vont passer les Ecos l'année prochaine

L'étudiante aimerait malgré tout elle aussi obtenir sa grille – "ça me semblerait normal, si le but est d'avoir un intérêt pédagogique" - et surtout "faire comprendre les incohérences" derrière les Ecos. "On manque de médecins, mais pour 0,5 point à une épreuve qui est censée avoir moins de poids pour ceux qui la valide [puisque les Ecos comptent pour 30% dans la note finale classant les futurs internes, NDLR], on jette certains étudiants et il n'y a pas de rattrapages possibles. C'est inimaginable", déplore celle qui devra enchaîner les stages pendant un an avant de retenter sa chance.

Pour cette année, Thomas sait que ses notes ne changeront pas, mais il espère encore éclaircir la situation. "J'ai besoin au moins d'essayer de faire bouger les choses pour mes amis qui vont passer" les Ecos l'année prochaine, relate le carabin. "On a bien conscience que c'est trop tard pour nous, confirme Marine. Donc, ou bien on nous explique les points sur lesquels on s'est trompés […] pour pouvoir progresser ou bien, on n'a pas de réponse à nous apporter mais, de ce cas, il ne faut pas que cette situation se reproduise."

"Il ne faut plus que ça arrive, et qu'on arrête de penser que les Ecos sont une forme d'examens classants incroyable et novatrice. C'est une forme d'examen indispensable pour étudier la capacité des étudiants à être en situation réelle, ça c'est sûr. Mais c'est absolument impossible qu'ils soient classants. C'est complètement contreproductif car ces épreuves ne peuvent pas être objectives", poursuit, de son côté, Thomas.

Pour l'heure les étudiants – dont certains se sont regroupés - ont envoyé des mails au CNG. "Sans réponse de leur part d'ici vendredi, on saisira la CADA [Commission d'accès aux documents administratifs] pour un avis favorable de récupération de nos grilles, et on contraindra le CNG par courrier", prévient le futur interne, affirmant être prêt à se tourner vers la justice si ces actions n'aboutissent pas.

Contacté par Egora, le CNG n'a pas répondu à nos sollicitations à l'heure où nous écrivons ces lignes. La Conférence des doyennes et des doyens de médecine n'a, elle aussi, pas été en mesure de nous répondre.

*Le prénom a été modifié.

**Les futurs internes sont désormais classés en 13 classements selon des groupes de spécialités. 

Faut-il ouvrir plus largement l'accès direct à certaines spécialités médicales ?

Avocat  Du Diable

Avocat Du Diable

Oui

Il y aura moins d'hypochondriaques dans nos cabinets et on pourra si nécessaire leur conseiller de consulter toutes les spécialist... Lire plus

5 débatteurs en ligne5 en ligne
Photo de profil de Laurent Duclos
11 points
Autre spécialité médicale
il y a 15 jours
Les ECOS classants sont une absurdité, c'est très cher et très contraignant d'un point de vue logistique(ça ne fera qu'empirer avec des promos plus grandes), et en plus ça apporte indéniablement de la
Photo de profil de Huber Jerome
44 points
il y a 15 jours
Quel cauchemar la fac de médecine: toujours hors sols, plein de projets, incapable ensuite de les realiser, fonctionnement opaque, pousse les étudiants à l’autodidactisme: les sujets qui n’ont pas pu
Photo de profil de Corinne Ohayon
350 points
Incontournable
Médecins (CNOM)
il y a 15 jours
Encore une absurdité du système et surtout changer ce qui marche Les oraux en première annee epreuve discriminante par excellence semble se rejouer à l internat En 1 ère année l’oral Représentait
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Internat
[PODCAST] Quatrième année de MG, loi Garot... Les combats des internes en médecine
04/07/2025
0
Santé publique
Expérimentation des rendez-vous de prévention : "Nous sommes convaincus de l'intérêt des CPTS"
31/01/2024
6
"Qui va emmener mes enfants à l’école ?" : quand la lutte contre les déserts médicaux ignore les femmes...
05/06/2025
33
Portrait Urgences
"J'étais prête à tout perdre" : Caroline Brémaud, l'urgentiste qui dérangeait
07/05/2025
10
MSU
"On est payés en moyenne avec 9 mois" de retard : exaspérés, ces maîtres de stage en médecine générale...
27/05/2025
10
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2