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"Ras-le-bol" : deux étudiants en médecine témoignent de leur "stress" face aux Ecos

Après avoir passées les EDN à l'automne, les étudiants en sixième année de médecine font face aux Ecos ces mardi 28 et mercredi 29 mai. Ces Examens cliniques objectifs et structurés, mis en place par la réforme du second cycle des études médicales, visent à évaluer les compétences pratiques des futurs internes. Alors que la menace d'une grève des hospitalo-universitaires pesait sur ces épreuves, elles devraient se dérouler sans encombre. Anaïs et Quentin, deux étudiants nantais et nancéen qu'Egora suit tout au long de cette année, nous racontent comment ils se sont entraînés pour cette dernière échéance. 

27/05/2024 Par Chloé Subileau
Ecos
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"J'en ai ras-le-bol. J'ai juste hâte que ça se termine." Quentin, 24 ans, n'en peut plus. Comme près de 7 900 autres externes, l'étudiant en sixième année de médecine à la faculté de Nancy passe ces mardi 28 et mercredi 29 mai les premiers Examens objectifs et structurés (Ecos) nationaux. "J'ai passé les deux derniers mois à me préparer pour ces épreuves et à essayer de faire le maximum", souffle le carabin, dont les journées sont ponctuées par les sessions de révision. "Je sature, car je pensais qu'une fois les EDN passés, ça irait. Mais au final, les Ecos ne sont pas si simples."

Ces derniers examens viennent, avec les Epreuves dématérialisées nationales (EDN) du mois d'octobre, remplacer les célèbres ECNi. Mis en place par la réforme du second cycle des études médicales (R2C), les Ecos visent à évaluer les étudiants sur 11 compétences attendues au cours de leur apprentissage (procédure, urgence, stratégie diagnostique…). Chaque carabin doit alors faire face sur deux jours à dix mises en situation – appelées stations -, dont trois avec un patient standardisé et une avec un professionnel de santé standardisé.

Si de tels examens étaient organisés, chaque année, par les facultés pour permettre aux étudiants de sixième année de valider leur certificat de compétence clinique, leur tenue à l'échelle nationale est une première. "C'est la première fois que l'on va avoir un classement avec tous les étudiants de France" sur la base des Ecos, confirme Anaïs, externe à la faculté de Nantes.

"Ca a été compliqué de m'y remettre à 100%"

Arrivée 1584e dans le classement comprenant la gynécologie-obstétrique* à l'issue  des EDN, l'étudiante de 24 ans redoute ces nouvelles épreuves. "Ma crainte est de perdre des places […], et j'ai du mal à me situer par rapport aux autres", glisse celle qui rêve de devenir gynécologue. Les Ecos nationaux comptent, en effet, pour 30% de la note globale classant les carabins pour leur choix de spécialité**.

Pour maintenir son classement, l'externe s'est de nouveau plongée dans ses bouquins. "Je me suis vraiment remise dans les révisions à partir de mars. J'ai acheté un manuel avec des exemples de stations d'Ecos pour pouvoir m'entraîner dessus, rembobine-t-elle. Puis, progressivement j'ai remis le nez dans mes cours. Je suis d'abord restée sur les collèges, où j'ai essayé de revoir des matières importantes comme la cardio ou la pneumo. Maintenant, j'ai plus tendance à utiliser les fiches LiSA." Depuis la fin de ses stages, début mai, Anaïs enchaîne les journées à la bibliothèque et les sessions d'entrainement avec des camarades.

Mais le retour aux révisions a été particulièrement difficile pour la future interne : "Ça été compliqué de me remettre 100% dans le travail." Un sentiment partagé par Quentin. "Après les EDN [en octobre, NDLR], j'ai été en stage. Et quand je suis en stage, il est hors de question que je révise en rentrant le soir. On se tue déjà à la tâche toute l'année… J'ai donc lâché du lest et j'ai pris une grosse pause dans mes révisions en novembre et en décembre. Puis, quand j'ai voulu m'y remettre en janvier et février, ça a été compliqué de bosser", raconte l'externe, qui vise médecine générale : "Je n'ai rouvert mes bouquins qu'en mars-avril."

Le Nancéen estime aussi qu'il a manqué de manuels lorsqu'il a débuté ses révisions. "Il y a eu un manque de référentiels pour les Ecos car ils ne sont sortis qu'après les EDN, à la fin de l’année 2023. Ils ont été publiés au fur et à mesure, et il y a [même] des matières pour lesquelles on n'a pas encore de bouquins. Donc, dans ce cas, je revois 2 ou 3 cours pour compenser, mais je suis un peu pris par le temps", affirme Quentin.

Des Ecos tests imparfaits

S'il a reçu peu d'informations sur l'organisation de ces nouvelles épreuves – "on nous a donné les dates de passage et basta !" –, l'étudiant reconnait que "des choses ont été mises en place" par sa faculté. A partir de décembre, la direction a organisé "des cours en visio les mardis soir axés sur les Ecos". "J'ai commencé à les suivre au début, mais j'ai lâché au fur et à mesure", se souvient l'étudiant, alors en stage : "J'ai eu un manque de motivation."  A Nantes aussi, des cours ont été proposés par la faculté. Les mardis après-midi, à partir de janvier, "on était libres de suivre" des séances "Ecos", explique Anaïs. "Elles prenaient la forme d'un entraînement où l'on observait, dans l'amphi, un étudiant faire une station, puis on débriefait sur ce cas-là. En général, on faisait 2 stations par séance", détaille l'externe, pour qui ces sessions ont été une vraie "chance".

En plus de ces cours, la Nantaise a participé début mai à des Ecos blancs organisés par son université : "Ça a été un entrainement supplémentaire." Deux mois plus tôt, le 12 mars, elle a aussi passé les Ecos tests nationaux. Ces derniers, qui sont déroulés dans toutes les facultés de médecine de France, ont servi de répétition générale aux épreuves prévues ces 28 et 29 mai. Ils ont alors révélé de nombreux dysfonctionnements : problèmes d'insonorisation entre les salles d'examen, couacs informatiques, erreurs de la part de patients standardisés… "On a pu faire remonter certains problèmes", acquiesce Anaïs.

Au-delà de ces difficultés, l'étudiante a surtout été "déstabilisée par les sujets" sur lesquels elle est tombée. "J'ai trouvé les stations compliquées", lâche-t-elle. Pour Quentin aussi, ces épreuves blanches ont été "une petite claque". "Elles m'ont motivé à me mettre à bosser. Je me suis dit que les Ecos n'étaient pas si simples, et qu'il y avait un certain nombre de connaissances nécessaires et des habitudes à avoir", se souvient l'externe, actuellement classé plus de 6 000selon les spécialités.

Mais difficile pour l'étudiant de savoir s'il a réussi ces Ecos tests. En raison d'erreurs informatiques, certaines de ses grilles d'évaluation ont été perdues. "Je n'ai eu que deux notes sur les cinq stations que j'ai passées", confirme Quentin qui, en compensation, a repassé des épreuves blanches mi-mai. Selon lui, 40% des étudiants de sa promotion ont été victimes de cette perte.

"J'ai peur de ne pas avoir 10/20"

Alors que les Ecos nationaux doivent débuter ce mardi, Anaïs essaye de se "faire confiance". "Je sais que je n'ai pas pu revoir tout ce que j'aurais voulu en termes de connaissances théoriques, indique la jeune femme, convoquée dès 6h45 ces deux jours. Je me dis qu'il y aura forcément des oublis […] mais que, grâce aux entraînements fréquents, j'ai réussi à avoir des automatismes sur les questions qui reviennent tout le temps et sur la méthodologie". Quentin craint, lui, de ne pas réussir à atteindre la note de 10/20, nécessaire pour valider ces épreuves. "Et il n'y aura pas de rattrapage...", rappelle-t-il.

Une inquiétude à laquelle s'ajoute la menace depuis plusieurs semaines d'une grève des praticiens hospitalo-universitaires (HU), examinateurs durant les stations. Opposés à la réforme de leur système de retraites, ces derniers – portés par le Syndicat des hospitalo-universitaires (HU) - ont débuté une grève lundi 27 mai, qui doit se poursuivre ce mardi. "On a plus que ça à la bouche. On se demande comment ça va se passer, avoue Quentin. On [aurait] aim[é] être un minimum informé sur [ce] sujet, car on joue notre avenir sur ces épreuves. C'est un stress dont on n'avait pas besoin…"

Selon le niveau de mobilisation des HU, les étudiants craignaient, en effet, que ces Ecos ne soient décalés d'une journée*** ou reportés ultérieurement. Contacté lundi après-midi par Egora, le Pr Benoît Veber s'est toutefois montré rassurant. "La grève est globalement peu suivie, a indiqué le président de la Conférence des doyens des facultés de médecine, précisant que "tous les observateurs grévistes sont réquisitionnés par leur président d'université" pour permettre la bonne tenue des Ecos. A l'heure où nous écrivons ces lignes, ces examens sont "bien" maintenus ces mardi et mercredi.

Désormais, Anaïs et Quentin attendent avec impatience la fin de cette année universitaire. Avec la R2C, "on a passé notre année à attendre de voir ce qu'il en était". "On n'a rien pu prévoir, on n'était sûrs de rien", s'agace l'étudiant nancéen. Il va pourtant devoir patienter avant de prendre des vacances. A Nancy, "on encore a deux mois de stage en temps complet [après les Ecos, NDLR]", souligne Quentin. Les étudiants nantais, eux, repartent en juin pour "quatre semaines de stage". "Ensuite, on sera 'libres'", sourit Anaïs qui prévoit de passer ses deux mois d'été en stage FFI (Faisant fonction d'interne).

Entre août et septembre, les deux externes devront ensuite formuler leurs vœux de spécialité et de subdivision. Une étape particulièrement stressante pour les futurs internes et qui, là encore, comporte quelques incertitudes. Car, si la nouvelle procédure d'appariement nationale prévoit d'affecter les étudiants selon 13 classements différents, le logiciel censé permettre ce "matching" "ne marcherait toujours pas", avance Quentin : "Le doyen de [notre] faculté a dit qu'[il] n'était pas encore au point." Une nouvelle preuve que tout au long de cette sixième année de médecine "rien n'a été prêt" à temps, conclut l'externe.

*Depuis la mise en place de la R2C, les étudiants ne sont plus répartis dans un seul classement mais dans 13, selon des groupes de spécialité.

**Les EDN comptent pour 60% dans cette note globale et le parcours de formation (mobilités internationales et nationales, diplômes de langues étrangères, années effectuées hors médecine…) pour 10%.

*** La date pour toute reprogrammation nécessaire des Ecos est prévue le jeudi 30 mai 2024. 

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Jean-Thierry Betrom

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11 débatteurs en ligne11 en ligne
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163 points
Débatteur Renommé
il y a 7 mois
Bonjour ! Je rejoins le commentaire de notre confrère "Petit Bobo". J'ai gardé un très bon souvenir de mes études, elles ne m'ont jamais fait perdre le sourire pendant toutes les années de stage et de cours ni la foi dans le métier. (Je suis moi aussi à la retraite). Comment en est-on arrivé là: à dégoûter les étudiants, à les décourager d'aller au bout du cursus, puis de s'installer et de travailler dans une profession pour laquelle ils ont tout investi. Quel gâchis! Honte à nos dirigeants de tout bord de mépriser autant ces / ses étudiants (puis plus tard la profession entière). Tout ce que l'on peut lire et étendre de la part des étudiants en médecine de la 1ère à la dernière année m'évoque une sorte de harcèlement. Insoutenable, inadmissible. Les Enarques ont-ils été traités de cette façon pendant leur formation?
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2,3 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 7 mois
L'homme de Néandertal... Suis je un médecin de Néandertal ? Pour le vieux médecin (octogénaire...bientôt...mais pas encore !) , le parcours de ces deux carabins -Anaïs et Quentin- est un cauchemar ! Est-il interdit de s'interroger sur la nécessité d'imposer aux carabins une telle pression ? et -oserais-je l'écrire- un tel niveau de connaissances théoriques ? En pratique, la population, les familles françaises ont t'elles absolument besoin de généralistes d'un tel niveau ? Des généralistes qui vont arriver laminés (et furieux) au terme de leur cursus de 9 - 10 ans d'études ! En réalité, quel est l'exercice quotidien des généralistes ? que demande la population ? qu'est ce qui est nécessaire pour la santé de la population ? N'y a t'il pas un hiatus ? Est-ce inavouable que dire que la plus grande partie de notre activité, de notre temps seront consacrés à "faire de la bobologie" ? La bobologie ce n'est pas honteux, ni minable, ni indigne de nous. Ce n'est pas une perte de temps, ni un encombrement inutile des salles d'attentes, des hôpitaux, ni des appels forcement injustifiés. Au quotidien, on fait de longues études pour être capables de repérer ce qui est médicalement grave au milieu d'un fatras de plaintes "variées" (pour être poli). A mon époque, on appelait ça faire le médecin de famille, et pas encore la bobologie; ça prenait 7 ans d'études, et je crois que les gens appréciaient le service rendu. Et d'ailleurs ils en parlent encore, et regrettent ce temps. Tout ça pour dire que prolonger encore, et encore, les études ne correspondait pas aux besoins réels et profonds de la population.
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917 points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 7 mois
Je conseille à ces étudiants d'envoyer un mail au Pr Veber pour le remercier de cette réforme inutile, anxiogène et inéquitable. Copie du mail à Jeremy Darenne, président de l'ANEMF, qui du haut de sa troisième année et de ses 21 ans, ne peut pas s'opposer à ces vieux éléphants et à leur vision archaïque.
 
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