Doctolib fait le ménage sur sa plateforme et retire près de 6.000 praticiens bien-être

27/10/2022 Par Louise Claereboudt
Deux mois après l’alerte lancée par des médecins dénonçant la présence d’adeptes de thérapies non conventionnelles sur la plateforme, Doctolib a annoncé hier avoir déréférencé 5.700 professionnels bien-être. Une décision saluée par les syndicats médicaux.  
 
 

L’alerte, lancée mi-août par plusieurs médecins – via le compte Twitter Doctobide –  et le collectif de citoyens L’Extracteur, avait fait l’effet d’une bombe. Au milieu des généralistes, gynécologues et autres spécialistes, des adeptes de thérapies non conventionnelles avaient été détectés en nombre sur la plateforme de prise de rendez-vous Doctolib. Naturopathes, sophrologues, hypnotiseurs… Des milliers de professionnels bien-être y étaient référencés, de même que des pratiques plus marginales telles que l’iridologie (diagnostic de l'iris), le reiki (guérison par apposition des mains), ou encore la kinésiologie (identification des blocages du corps puis autoguérison). "C'est pas pour dire mais sur Doctolib on peut trouver quelqu'un qui se présente comme une neurologue brésilienne capable de soigner le parkinson en te caressant les oreilles", alertait par exemple un Twittos neurologue.

Certains de ces thérapeutes revendiquaient avoir suivi une formation en hygiénisme du controversé vidéaste Thierry Casasnovas. Ce dernier n’a aucune formation médicale mais délivrait des conseils santé se référant à la naturopathie et à l’hygiénisme. D’autres affirmaient avoir été formés par Irène Grosjean, surnommée la "papesse de la naturopathie", et dont les pratiques pour faire tomber la fièvre des jeunes enfants ont été décrites comme s’apparentant à des attouchements sexuels.

Accusé d’héberger des charlatans, la plateforme Doctolib avait tenté d’éteindre les flammes de l’incendie dans un thread diffusé sur Twitter, expliquant que "97% des praticiens utilisateurs de Doctolib sont référencés auprès du ministère de la Santé". Comprendre : des professions qui disposent d’un numéro Adeli. Les 3% d’autres praticiens exercent dans le domaine du bien-être et du médico-social, expliquait la licorne française. Il s’agissait essentiellement de naturopathes, de psychanalystes, de sophrologues et d'hypnothérapeutes, précisait-t-elle à Egora.

Doctolib indiquait par ailleurs que les informations délivrées sur le profil de ces thérapeutes étaient "claires". "Il est mentionné plusieurs fois 'Ce praticien exerce une profession non réglementée' puis 'Leur diplôme n’est pas reconnu par l’Etat'", se défendait la plateforme, qui ajoutait que les rendez-vous pris avec ces professionnels ne représentaient que 0.3% des rendez-vous pris sur la plateforme. Un argument qui n’avait pas convaincu la sphère médicale, qui s’indignait de voir cohabiter sur la plateforme des professions réglementées et d’autres non. "Vous vous appelez ‘doctolib’ et le ‘docto’ (docteur) donne un titre que ces professions n’ont pas ! Vous entretenez une confusion, et vous le faite sciemment", s’insurgeait par exemple le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML-S dans un tweet cinglant. L’Ordre des médecins avait à son tour réagi quelques jours plus tard, demandant au leader de la prise de rendez-vous médicaux "de renforcer ses règles éthiques pour s'inscrire sur sa plateforme". "Doctolib ne peut laisser s’installer une confusion entre professionnels de santé et personnes ne s’inscrivant pas dans l’exercice médical", insistait l’instance dans un communiqué.   Près de 6.000 pseudo-thérapeutes déréférencés Ni une ni deux, Doctolib avait aussitôt assuré qu’il renforcerait sa procédure de vérification à l’inscription (contrôle des diplômes…). Il avait suspendu la prise de rendez-vous sur les profils de 17 professionnels litigieux. La licorne française indiquait également engager un dialogue avec les conseils nationaux des ordres de santé, syndicats de professionnels de santé, représentants de praticiens bien-être, des associations de patients et collectifs d’experts. Sans oublier la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), France compétences et les autorités sanitaires. Il ressort de ces discussions qu’il (...) "n’existe pas de moyen objectif et exhaustif de définir et vérifier le niveau de qualification des praticiens exerçant des activités de bien-être, comme cela est possible pour les professions réglementées", écrit Doctolib ce mercredi dans un communiqué. Ainsi, "après 6 semaines de consultation auprès de 40 acteurs, Doctolib fait le choix de répertorier sur son site exclusivement les professionnels référencés par les autorités de santé". "Nous faisons le choix de la responsabilité, pour garantir aux patients une information objective et vérifiée", a tenu à préciser Arthur Thirion, directeur France de la plateforme. "C’est une décision éthique et courageuse, a salué le Dr Jonathan Favre, généraliste et membre du comité médical de Doctolib. Avec ce recentrage sur le cœur des missions de Doctolib, nous allons renforcer notre travail sur le développement de services pour les professionnels de santé et leurs patients." Au total, ce sont 5.700 praticiens bien-être, jusqu’ici utilisateurs de l’agenda en ligne, qui ne pourront plus utiliser les services de la plateforme. Selon les chiffres communiqués par la plateforme à L’Express, il s’agit de 2.700 hypnothérapeutes, 1.500 sophrologues, 800 naturopathes et 500 psychanalystes. "Conformément à nos conditions d’abonnement, les clients concernés bénéficient d’une période de 6 mois leur permettant de réorganiser leur gestion des rendez-vous", précise-t-elle, ajoutant se tenir à la disposition des pouvoirs publics pour contribuer à une réflexion sur le sujet. Une décision aussitôt saluée par le ministre de la Santé lui-même sur Twitter : "La décision de Doctolib va dans le sens d’une plus grande clarté et lisibilité de l’information en santé des Français. La transparence nous engage tous, elle est au cœur de mon action." Même satisfaction du côté de l'Ordre des médecins, qui a reçu Doctolib le 22 septembre : "cette décision est à même de clarifier le parcours de santé pour les patients, et de garantir leur bonne information et leur sécurité", souligne l'Ordre dans un communiqué.

"C’est une vraie réussite pour toutes celles et ceux qui ont œuvré pour ce résultat", a renchéri l’UFML-S. Le Syndicat de médecins libéraux (SML) a lui aussi salué "cette clarification bienvenue, faite dans la transparence dans l’intérêt des patients et du parcours de soins". "La diligence avec laquelle Doctolib a réglé ce problème témoigne de sa volonté d’agir de concert avec les médecins. Le SML en prend acte." Cette décision "donne aux usagers la garantie d’avoir accès à un professionnel référencé par les autorités de santé", s’est réjoui de son côté le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. L'Ordre des médecins appelle désormais toutes les autres plateformes de prise de rendez-vous médicaux à suivre la démarche de Doctolib en répertoriant "exclusivement" les professions de santé réglementées.

Faut-il mettre fin à la possibilité pour un médecin retraité de prescrire pour lui-même ou pour ses proches ?

Albert Dezetter

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