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Télésurveillance : "beaucoup d’obstacles" persistent

Pour sa 10e édition le salon-congrès City Healthcare, qui s’est tenu le 7 octobre à Nantes, s’est intéressé au sujet de la télésurveillance. Si elle offre un intérêt indéniable pour les patients, elle reste cependant peu répandue et avec de nombreuses disparités sur le territoire. État des lieux.

09/10/2025 Par Mathilde Gendron
Télémédecine
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Au départ, la télésurveillance -cette pratique qui consiste à suivre à distance l’évolution du patient à l’aide d’un dispositif médical- "ciblait les zones sous dotées, les pathologies complexes, et des populations précarisées", présente le Pr Patrick Jourdain, professeur de pathologie cardiovasculaire à l’Université Paris-Saclay.

En 2014, le projet "Expérimentation de la télémédecine pour l’amélioration du parcours de santé" (Etape), issu de l’article 36 de la Loi de financement de la Sécurité sociale, voit le jour. "L’idée était de bâtir un élément différent, en demandant aux industriels et aux médecins de quoi ils ont besoin, explique-t-il. Son fonctionnement est basé sur des cahiers des charges négociés entre professionnels, industriels et la Cnam." Quand les expérimentations ont été lancées, il fallait ensuite un passage dans le droit commun avec un financement pour soutenir le déploiement de ces outils de télésurveillance. "On aurait pu s’attendre à voir une explosion du marché. Et bien non. Ça a été la grande surprise", reconnaît le Pr Jourdain.

Aujourd’hui, ces dispositifs doivent être évalués sur "l’intérêt attendu de l’activité de télésurveillance en fonction de l’amélioration clinique de l’état de santé du patient, le gain significatif dans l’organisation des soins, l’intérêt de santé publique, la qualité de vie", détaille le Pr Jourdain. L’outil n’est inscrit que si son intérêt a été jugé "supérieur à celui du suivi médical conventionnel". Des évaluations sont réalisées par la Haute Autorité de santé (HAS), ce qui peut ensuite ouvrir au remboursement par l'Assurance maladie, rappelle Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam.

"Les médecins ne la prescrivent pas"

Premier point noir au tableau : les médecins. "Ce sont les premiers responsables, ils ne prescrivent pas", estime le Pr Jourdain, tout en rappelant que "la télémédecine sauve". Parmi ses 500 patients, le Dr Elias Barrak, diabétologue à Nantes, propose la télésurveillance à 338 d’entre eux. "Ça fait beaucoup, il faut libérer du temps pour les voir, répondre aux alertes, parler des cas et prévoir des demi-journées dédiées à la facturation. La télésurveillance était censée nous faire gagner du temps, finalement j’en perds." Même s’il reconnaît que cette pratique est "validée et utile pour les patients", il pointe aussi le fait que les dispositifs médicaux ne soient pas directement intégrés aux logiciels métiers.

Steve Macari, président de l’association Vie et Coeur, rappelle l’intérêt indéniable de la télésurveillance, qui permet un suivi continu, une meilleure compréhension de la maladie et une réduction des visites à l’hôpital. Des préoccupations persistent cependant avec "l’impression d’être surveillé, des difficultés d’utilisations, l’inquiétude sur la sécurité des données, la focalisation sur les alertes". Steve Macari demande des dispositifs plus simples et personnalisés, avec davantage de soutien humain.

La télésurveillance comporte encore "beaucoup d’obstacles qui nécessitent que les pouvoirs publics s’en saisissent", juge le Dr Arnaud Delezire, néphrologue à Saint-Brieuc. "Chaque fois qu’un outil est pris en charge et mis à disposition de tous les professionnels de santé ça va plus vite que si c’est fait individuellement ou à l’échelle d’un territoire", estime Monique Sorrentino, directrice générale du CHU de GrenobleUn constat partagé par Jean-Charles Dron, directeur des opérations e-Meuse santé. "Les technologies sont là, mais les modèles ne sont pas prêts."

D’après Marguerite Cazeneuve, même si "beaucoup d’outils sur le marché pourraient considérablement faire de la qualité et de la pertinence, les acheteurs ne sont pas individuellement intéressés pour les acheter". Elle prend l’exemple d’un outil qui permettrait à un patient de sortir plus tôt de l’hôpital : "Ce n’est pas l’hôpital qui va être gagnant financièrement". Pour le Pr Jourdain, il faut aussi faire appel aux sociétés savantes pour qu’elles "promeuvent la télémédecine au même titre que les traitements".

Crédit : Mathilde Gendron

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Qu'on puisse seulement avoir l'idée de nous transformer en percepteurs dépasse mon entendement... Quel mépris ! Et c'est parti... Lire plus

3 débatteurs en ligne3 en ligne
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845 points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 mois
Comme beaucoup de technologies (IA ou pas), on ne devrait pas mettre sur un piédestal l'outil sans se soucier de la mise en place derrière. Ce qui est parfaitement décrit par notre collègue dans l'art
 
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