télémédecine

"Être limité alors que des patients ont besoin de nous, c’est absurde" : les médecins téléconsultants veulent renégocier avec la Cnam

La jeune Fédération des médecins téléconsultants (FMT), qui rassemble les praticiens salariés des plateformes de téléconsultation agréées par le ministère de la Santé (Medadom, Tessan, MédecinDirect...), a publié jeudi un livre blanc sur les déserts médicaux. En amont des Assises de la télémédecine, qui seront lancées par la Cnam le 27 juin, la fédération porte trois revendications pour lever les blocages de cette activité : une convention spécifique, des dérogations au plafond d'activité et une intégration aux services d'accès aux soins (SAS). Les explications du Dr Dominique Souvestre, président de la FMT.

19/06/2025 Par Mathilde Gendron
Télémédecine Santé numérique
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Egora : Pourquoi ce livre blanc ?

Dr Dominique Souvestre : Ce livre blanc est en quelque sorte une synthèse, au bout d’un an d’existence de la Fédération des médecins téléconsultants. On a créé notre collectif en juin 2024 et on a fait beaucoup de choses depuis un an. On a pris rendez-vous auprès des acteurs principaux concernés par notre activité : la Cour des comptes, la Direction générale des entreprises, la Caisse régionale de l’Assurance Maladie d’Île-de-France (Cramif), France Assos santé, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), le Syndicat des médecins libéraux (SML), l’Union de syndicats des pharmaciens d’officine (Uspo). La Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) nous avait dit dès 2024 : "On vous invitera aux Assises de la téléconsultation et vous aurez toute votre place pour défendre votre activité." On s’est depuis fait connaître et on a défendu notre cause. Ce livre blanc est un recueil de nos trois revendications principales.

 

Votre première mesure concerne la mise en place d’un accord national avec un cadre plus strict et notamment une convention spécifique, pouvez-vous expliquer ?

La convention médicale est aujourd’hui négociée entre la Cnam et des syndicats médicaux qui ne sont pas favorables à la téléconsultation. Donc on n’est pas du tout défendu par rapport aux règles conventionnelles. On demande donc une convention spécifique qui s’occuperait uniquement de la téléconsultation sur plateforme. Ce qu’on veut, c’est que les points spécifiques concernant la téléconsultation sur plateforme ne soient pas traités dans les négociations classiques, mais à part.

 

Votre deuxième recommandation concerne le seuil d’activité. En effet, depuis l’avenant 9, les médecins "ne peuvent plus réaliser sur une année civile plus de 20% de leur volume d’activité à distance (téléconsultations et télé-expertises cumulées)".

C’est un des points majeurs qui nous pose problème. Cette mesure a été défendue à la fois par les syndicats et la Cnam, qui trouvait cela logique par rapport aux cabinets des médecins libéraux. Mais cette règle n’a pas vraiment été pensée pour les médecins téléconsultants sur plateforme.

On ne peut pas revendiquer la suppression du seuil des 20 % pour tout le monde. Par contre notre objectif, c’est de convaincre sur le fait que beaucoup de dérogations sont possibles, notamment deux types. La première en fonction de la situation du médecin, comme les retraités, les médecins handicapés ou malades, les mères de jeunes enfants, les femmes enceintes, ceux qui sont en transition d’activité… On défend aussi une dérogation en fonction de la situation du patient, par exemple pour ceux résidant dans les déserts médicaux, ceux qui sont en affection de longue durée (ALD), ou ceux qui n’ont pas de médecin traitant.

Dr Dominique Souvestre, président de la FMT. Crédit : Dominique Souvestre

On pense aussi aux périodes de vacances scolaires comme Noël. Et en janvier, où il y a eu l’épidémie de grippe. On aurait bien accepté des médecins en plus, car on n’a pas pu voir tous les patients tous les jours.

Cette proposition est avantageuse, par exemple pour les patients qui ne trouvent pas de médecin traitant. Qu’on soit limité en termes d’actes alors que des patients ont besoin de nous, c’est absurde. Il y a 7 millions de Français sans médecin traitant, et 400 000 en ALD sans médecin traitant. Deux tiers des médecins refusent les nouveaux patients. Les dérogations permettraient à des médecins non retraités qui ne bénéficient pas de dérogation à titre personnel de bénéficier de dérogations générales leur permettant de travailler sans être limités par ce seuil de 20 %. Les dérogations qu’on demande peuvent être très larges.

Le 5 février, nous avons été reçus par le Cnom. Nous avons pu évoquer toutes nos difficultés, comme celle de beaucoup de confrères qui ont des problèmes d’inscription dans les conseils départementaux. Chaque CDOM a ses règles à lui, donc il y a des injustices. Dans certains départements, on impose 80% de présentiel, dans d’autres on ne fixe pas de seuil. Donc il y a une négociation entres les plateformes et le Cnom pour arriver à un accord pour un contrat type, qui soit accepté par tout le monde.

 

En pratique, ce seuil de 20% est-il réellement appliqué ?

Aujourd’hui, les médecins salariés des plateformes ne sont pas du tout contrôlés par l'Assurance maladie sur ce point. Quelques lettres ont été envoyées à certains médecins libéraux qui dépassaient ce seuil, mais la Cramif nous a récemment confirmé qu’aucun n’a reçu de pénalité pour ça.

On dit souvent qu’un passage aux urgences c’est 250 euros, nous c’est dix fois moins

Vous dites aussi dans ce livre blanc que cette mesure est économique pour l'Assurance maladie ?

Déjà, je ne conteste pas le différentiel entre le tarif d’une consultation en présentiel et en téléconsultation. Je le trouve même bas. On soigne les gens donc on fait faire des économies au système si on les soigne bien et sans complication. Sur 100 téléconsultations, j’ai vu 54 motifs différents, c’est énorme. On rend des vrais services à plein de gens qui auraient pu aller aux urgences. On dit souvent qu’un passage aux urgences c’est 250 euros, nous c’est dix fois moins.

 

Ces patients-là ne sont-ils pas censés passer par le SAS ou la PDSA ?

Tout le monde n’a pas le réflexe d’appeler le 15, même pour des suspicions d’infarctus, c’est ça qui est grave. J’ai fait la PDSA pendant 10 ans, je n’ai jamais été emballé par la régulation. C’est au téléphone, on n’a pas l’image.

En plus, en période d’épidémie le 15 est débordé. Par contre la téléconsultation c’est génial, ça remplace une régulation par le 15 ou le régulateur est occupé avec plusieurs patients à la fois. Nous on peut tranquillement évaluer le cas d’un patient, le soigner si on peut, l’orienter, appeler le 15 s’il faut, l’orienter vers un spécialiste ou un centre de soins non programmés pour faire un examen en présentiel, ou demander une télé-expertise… On ne l’envoie pas forcément aux urgences.

 

Votre troisième mesure concerne justement l’intégration de la téléconsultation dans l’organisation territoriale des soins.

Quand le patient appelle le 15 en semaine, la plateforme du SAS cherche des rendez-vous ; soit auprès des médecins de garde soit auprès des médecins installés qui ont proposé des créneaux, soit auprès des plateformes de téléconsultation qui en proposent sur rendez-vous. Ce n’est actuellement pas possible pour les plateformes de téléconsultation sans rendez-vous (comme Medadom). Notre revendication, c’est que les plateformes sans rendez-vous soient aussi intégrées au SAS.

 

Vous évoquez également un conventionnement avec les CPTS et les plateformes de téléconsultation, pouvez-vous développer ?

On souhaite une interface avec la territorialité, qui est réclamée par le Cnom. Les CPTS ce sont des territorialités, organisées par secteur. Nous, on a des points fixes de téléconsultation, via les télécabines par exemple. On voudrait que tous ces points fixes de téléconsultations soient intégrées aux CPTS dans les territoires et qu’il y est une interrelation. C’est la logique de la territorialité.

Faut-il ouvrir plus largement l'accès direct à certaines spécialités médicales ?

Patrick Rocher

Patrick Rocher

Oui

Notre système de soins est cloisonné,la rareté faisant le prix, l'accès à certaines spécialités est coûteux et trop long pour les ... Lire plus

3 débatteurs en ligne3 en ligne
Photo de profil de B M
5,9 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 21 jours
Publicité. Point barre. Les start-up de téléconsultation doivent être aux anges avec un tel salarié ( à moins qu'elles le paient....mmhhh), capable de dire des contre-vérités, tenter des angles de poi
Photo de profil de Romain L
16,2 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 21 jours
De mon point de vue, ce n'est qu'une attaque supplémentaire de charognards contre la médecine qualitative de premier recours, qui ne peut être qu'une médecine de proximité, de suivi, de contact physiq
Photo de profil de Nicolas Shitah
13 points
Médecine générale
il y a 20 jours
Dominique passe autant d'heures derrière son écran pour consulter des patients dans son McDrive médical qu'il passe de temps à faire en prosélytisme bas de gamme sur les groupes sociaux de médecins en
 
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