Grève

"C'est notre dernier recours" : recalés des EVC, 297 médecins à diplôme étranger en grève de la faim

Ils n'en peuvent plus et c'est leur dernier recours. A compter du mercredi 5 mars, 297 Padhue (praticiens à diplôme obtenu hors de l'Union européenne) entament une grève de la faim illimitée pour dénoncer la précarité de leurs conditions, mais surtout l'opacité des épreuves de vérification des connaissances (EVC).

04/03/2025 Par Sandy Bonin
Padhue
Grève

"Nous sommes comme les tirailleurs africains à qui on a demandé de combattre pendant la guerre puis après de rentrer chez eux", accuse le Dr Abdelhalim Bensaidi, président par intérim de l'association de médecins à diplôme obtenu hors de l'Union européenne Ipadecc. Ce médecin attaché en diabétologie, ainsi que 296 autres praticiens de l'association, entament à compter du mercredi 5 mars une grève de la faim illimitée. Munis d'un brassard rouge, ils poursuivront leur exercice. Ils dénoncent l'"opacité" des épreuves de vérification des connaissances (EVC) et réclament que tous les candidats ayant obtenu 10/20 à l'examen puissent accéder au parcours de consolidation des connaissances, étape finale avant d'obtenir le droit d'exercer en France au même titre que les médecins diplômés sur le territoire national. 

"Nous ne voulons plus être malmenés ni utilisés. Nous ne voulons plus de promesse ni d'engagement. Nous avons obtenu des notes au-dessus de la moyenne. Nous voulons donc un décret dérogatoire urgent pour régulariser les médecins en poste ayant obtenus plus de 10 aux EVC. Cette grève de la faim c'est notre dernier recours", prévient le Dr Bensaidi. 

Si le Centre national de gestion (CNG) précise bien qu'une note éliminatoire est fixée à 6/20, aucune note plancher par spécialité n'est mentionnée. Et pourtant, sur les notifications de résultats envoyées par le CNG aux candidats, on y découvre une note obtenue par "le dernier candidat admis" faisant figure de note plancher. Ainsi en urologie par exemple le Dr Réda K. a obtenu 13,25 aux EVC. Sa candidature a pourtant été rejetée, le dernier candidat admis ayant obtenu 14,7. 

 

Et ces notes planchers varient en fonction des spécialités. Il est ainsi nécessaire d'avoir "10,35 en gériatrie, 12 en médecine générale ou en psychiatrie, 8,9 en médecine intensive de réanimation ou encore 9,5 en chirurgie thoracique", liste le Dr Réda K., chirurgien urologue qui participe à la grève de la faim. Sollicité par Egora sur le sujet, le CNG n'a pas donné suite

"Ces notes sont fixées de manière souveraine et arbitraire par le jury, et quand je demande au président du jury qu'elle est la note suffisante pour passer il me répond : 'C'est politique'", s'indigne Abdelhalim Bensaidi. D'autant que les candidats aux EVC sont répartis en deux listes. Les médecins détenteurs d’un diplôme non-membre de l’Union européenne figurent dans la liste A. Les candidats "réfugiés politique, apatrides, bénéficiaires de l’asile territorial, bénéficiaires de la protection subsidiaire ou français ayant rejoint le territoire national à la demande des autorités françaises", figurent dans la liste B. Ces derniers n'ont besoin que de 10/20 pour réussir les EVC, mais composent aux mêmes épreuves que ceux de la liste A. 

 

Il y a "une inégalité manifeste de traitement"

"Il est difficilement compréhensible que sur le même plateau technique d’un hôpital, nous puissions avoir des réanimateurs lauréats de la liste A avec une moyenne de 8/20, et d’autres de la liste B avec une moyenne de 10/20, en même temps que des chirurgiens opérant avec une moyenne de 14,25/20 qui sont recalés, alors que leur collègue réfugié est admis avec une moyenne de 10/20. Au final, il ne s’agit pas de notes insuffisantes ni de mise en danger de la sécurité de nos patients, mais d’une inégalité manifeste de traitement, dans un pays où l’égalité est l’un des fondements essentiels de la République", pointe le Dr Bensaidi.

"Nous exerçons en France avec les mêmes prérogatives que nos confrères français. Les établissements ont besoin de nous, et on nous garde avec des statuts précaires à chaque fois reconduits de manière temporaire", pointe le Dr Réda K.

Alors que 4 000 postes ont été ouverts à l'issue des ECV pour 2024, seuls 3 235 candidats ont été admis sur la liste principale. "Le ministère joue sur les chiffres car il existe une liste principale et une liste complémentaires pour les postes. La liste complémentaire c'est un peu comme les remplaçants pour un match de foot. Si personne ne se blesse, ils ne sont pas appelés", tente d'expliquer le Dr Réda K. face à la complexité de la situation. Ainsi 638 lauréats ont été admis sur liste complémentaire, sans aucune garantie de passer à l'étape supérieure. 

C'est notre diplôme qui est étranger. Nous, nous ne le sommes pas

 

Abdelhalim Bensaidi a été reçu par le ministère, ce mardi 4 mars. "J'ai été reçu par le chef de cabinet en personne, mais rien n'a abouti. Ils ont simplement essayé de me dissuader de me lancer dans cette grève de la faim. Ils ont voulu faire de la thérapie, je n'ai pas besoin de ça", s'est agacé le praticien, joint par Egora. Lui et ses confrères de l'Ipadecc ne se nourriront donc que d'eau sucrée à compter de ce mercredi 5 mars. 

"Ma mère m'a dit de ne pas le faire, je suis son fils unique", confie Réda K. "Mais c'est notre dernier recours. On ne s'improvise pas dans cette grève de la faim parce que nous sommes déçus dix jours après un concours ; nous avons eu des promesses et des réunions. Ce mouvement est d'autant plus difficile que nous en connaissons les conséquences. C'est sûr que ça fait peur. Je sais qu'il va y avoir des malaises, des diarrhées, des vomissements... Nous savons ce qu'est un coma diabétique", poursuit le médecin de 37 ans, père de deux enfants. Les grévistes, ainsi que leurs soutiens, prévoient de se rassembler samedi 8 mars devant le ministère. 

la Dre Aïcha Bougalem de l'Intercollectif Padhue sera présente ce samedi. "Je les soutiens à 100%, mais j'ai peur pour les grévistes. Certains sont dans des conditions psychologiques intenables. Cela risque d'entraîner beaucoup de séquelles", s'inquiète-t-elle. La praticienne pointe des "humiliations à chaque résultats d'EVC". "On est arrivés à un point où on n'y croit plus", déplore-t-elle. 

Selon le Dr Réda K., les autorités françaises sont dans "un déni". "On nous traite comme si nous étions des étrangers qui avons vocation à retourner dans leur pays alors que notre vie est en France. Pour la plupart nous avons la nationalité française ou sommes en cours de naturalisation. Nos conjoints, nos enfants sont en France. Nous achetons notre pain et payons nos impôts en France. Ils n'arrivent pas à le comprendre", constate l'urologue : "C'est notre diplôme qui est étranger. Nous, nous ne le sommes pas. Chez nous, c'est la France."

Le concours visant à régulariser les Padhue est-il trop sélectif?

Anne-Astrid Brasseur

Anne-Astrid Brasseur

Non

Combien de jeunes motivés dont le rêve est d’être médecin sont dégagés à la fin de la 1ere année pour quelques centiemes de points... Lire plus

Photo de profil de Emilie Bourlès
63 points
Médecine générale
il y a 15 jours
Pourriez-vous faire des articles un peu plus journalistiques ? L document que vous donnez sur le poste en urologie par exemple, suggère qu'il y a un nombre de postes par spécialité ouvert à la suite d
Photo de profil de Guy Andre Pelouze
374 points
Débatteur Renommé
Médecins (CNOM)
il y a 15 jours
À propos de d’ailleurs pas la Panage des possédant un diplôme hors union européenne : il n’y a aucune xénophobie des diplômes. Il y a simplement des diplômes qui sont équivalents parce qu’ils o
Photo de profil de Francois Pilon
22 points
Chirurgie orthopédique et traumatologie
il y a 14 jours
En résumé si j’ai bien compris ils font une grève de la faim pour avoir le droit de rester en France avec la déclaration de leur spécialité en fonction de nos besoins ..🤔 C’est un concours…. Ils so
 
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