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"Seul, je n'aurais jamais pu faire ça" : jeunes médecins, ils ont choisi de s'installer ensemble

Alors que l'installation libérale fait peur à de nombreux jeunes diplômés, ces médecins de la région de Marseille ont sauté le pas ensemble. En couple, entre amis ou entre camarades de fac, ces trentenaires témoignent des avantages de l'exercice en cabinet partagé, qui permet de diminuer la charge mentale et de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle. 

15/07/2025 Par Sylvain Labaune
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Dans le 8e arrondissement de Marseille, la Dre Émilie Perrot, jeune médecin généraliste de 32 ans, s’est installée en libéral il y a tout juste trois mois. Elle a trouvé une annonce sur Facebook pour louer une place dans un cabinet partagé. "Après plusieurs années de remplacements, j’avais besoin de me fixer un peu, d’avoir ma propre patientèle pour pouvoir suivre les personnes sur le long terme", explique-t-elle. Émilie Perrot s’est installée avec deux autres jeunes généralistes, elles aussi trentenaires. Aucune ne se connaissait avant de répondre à l’annonce sur Facebook. Avant de se lancer, elles ont tout de même partagé un verre, histoire de faire connaissance et de voir si le courant passait.

Les trois trentenaires sont déjà presque devenues des amies : "Même si cela fait seulement trois mois que nous travaillons ensemble, une complicité s’est vite installée. On s’entend bien." Pour Émilie Perrot, il aurait été impensable de s'installer seule, surtout pour une première fois. "C’est beaucoup plus intéressant de travailler à plusieurs. Cela permet de s’entraider médicalement, de se donner des conseils et d’échanger sur des cas précis de patients."

Outre l’intérêt médical, l’enjeu pour cette jeune médecin est aussi et surtout humain. "Partager un cabinet, c’est ne pas être seule toute la journée. Même si l’on voit des patients, c’est important d’avoir un lien entre collègues, de pouvoir parler de différents sujets et parfois simplement se décharger un peu. Cela fait du bien."

"Il y a une vraie dimension générationnelle car la médecine change vite"

Cette convivialité, c’est justement ce qui a poussé les Drs Antoine Juhel (38 ans), Amélie Brouchet (32 ans) et Pauline Marietti (33 ans) à s’installer au centre médical de Sausset-les-Pins, près de Marseille. Ces trois généralistes font partie d’une jeune équipe de praticiens qui assure une permanence médicale du lundi au samedi, de 9 h à 20 h. Au total, le centre compte quatre médecins associés, deux collaborateurs et quelques remplaçants. 

"Notre équipe est jeune et la qualité de travail est hyper sympa. Il y a un côté assez dynamique. Nous avons par exemple un groupe WhatsApp où l’on peut partager certains cas cliniques lorsque nous rencontrons des difficultés", explique Amélie Brouchet. Et, en dehors du travail, les médecins du cabinet ont pris l’habitude de faire du sport ensemble, d’organiser des barbecues ou des sorties loisirs. Avec le temps, de vraies relations se sont nouées.  

Les praticiens du centre de Sausset-les-Pins sont presque tous trentenaires. "Nous avons la même façon de travailler, ce qui est un plus", souligne Pauline Marietti. "Globalement, nous avons été formés dans les mêmes conditions. Cela facilite les échanges entre nous. Il y a une vraie dimension générationnelle car la médecine change vite. Et pour les jeunes, c’est rassurant de savoir que notre organisation permet de dégager du temps grâce à une charge de travail partagée", complète Antoine Juhel. 

"Nous nous répartissons aussi les tâches administratives dont la pénibilité peut faire peur, comme les stocks, les plannings, la comptabilité, les soucis informatiques…", précise le jeune praticien. 

"Avec deux enfants en bas âge, c’était impensable pour moi de bosser cinq jours sur sept"

Depuis leur arrivée en 2025, Amélie Brouchet et Pauline Marietti ont ainsi adapté leur emploi du temps. Elles exercent en moyenne trois jours par semaine au centre, complétés par de la téléconsultation pour l’une, et des remplacements hospitaliers pour l’autre.  

Jeune maman, Amélie Brouchet apprécie particulièrement cette organisation qui lui permet de mieux concilier sa vie professionnelle et familiale. "Avec deux enfants en bas âge, c’était impensable pour moi de bosser cinq jours sur sept", explique-t-elle. “Et puis je décroche vraiment quand je pars du cabinet : pas de biologies à traiter le soir, ni d’appels de patients pendant mes jours off.” 

Pour Pauline Marietti, cette pratique en équipe a été aussi une bouffée d’air. "Au cours de ma carrière, j’ai déjà fait des remplacements où j’exerçais en solo. Cela ne me correspondait pas du tout. Je n’osais même pas prendre un jour de congé. Qui allait voir mes patients, répondre aux pharmacies, vérifier les bilans ?", se souvient-elle avec émotion. “C’était donc très difficile en termes de santé mentale parce que je n’arrivais jamais à décrocher”, confie-t-elle.  

Outre la garantie d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, cet aménagement de l’emploi du temps permet aussi de se former. Certains médecins de l’équipe de Sausset-les-Pins développent des activités secondaires, comme de l’échographie. “Cela ne serait pas possible dans un exercice solo. Les médecins dans cette situation que je connais sont la plupart du temps débordés”, souligne Antoine Juhel. Selon lui, pour attirer des jeunes médecins, il vaut mieux encourager des organisations comme celle de Sausset-les-Pins. “Aujourd’hui, on parle beaucoup de coercition, d’obliger les jeunes à s’installer à tel ou tel endroit... Il faut plutôt avoir cette vision bénéfique et pragmatique pour tous qui est de proposer un exercice dynamique à plusieurs”, estime Antoine Juhel.  

“Je me suis installé avec ma femme”  

À Vitrolles, au nord de Marseille, le Dr Alexandre Zerdab, médecin généraliste de 38 ans, a choisi de s’installer en cabinet début 2025, après plusieurs années à exercer en médecine d’urgence et du sport. Un virage qu’il a pris avec son épouse, également généraliste et aujourd’hui associée. Le couple a repris les locaux et la patientèle de deux confrères qui partaient à la retraite. Une collaboratrice les a rejoints en mai dernier. 

“Le fait d’être trois permet de laisser le cabinet ouvert tous les jours de la semaine”, indique-t-il. Et lorsque le couple prend ses congés, la présence d’une collaboratrice garantit une certaine continuité des soins. Ce fonctionnement facilite également le recrutement de remplaçants grâce à un réseau un peu plus élargi. “Certains remplaçants pourraient même nous rejoindre durablement.” À terme, le cabinet espère accueillir un quatrième praticien. 

Le partage de l’activité permet là aussi de dégager du temps pour développer d’autres compétences : “Je continue parallèlement la médecine du sport. Je me forme à l’échographie et je souhaite apprendre les gestes d’infiltration. Quant à notre collaboratrice, elle se forme actuellement au suivi pédiatrique du nouveau-né.” L’intérêt est d’apporter chacun une petite plus-value au cabinet, en plus de la médecine générale. “Si j’avais été seul, je n’aurais jamais eu ce temps-là”, insiste Alexandre Zerdab. 

“Avoir débuté le métier avec des amis m’a donné une confiance en moi que je n’aurais pas pu avoir en m’installant avec un inconnu”

Le Dr Kevin Soudy, 40 ans, est chirurgien orthopédiste à Carpentras (Vaucluse). Originaire de Lille et formé dans cette même ville, il est installé depuis sept ans dans une société de chirurgie orthopédique, Alpilles Luberon Orthopédie, avec deux autres chirurgiens, amis et collègues de promotion. Aujourd’hui, ils sont sept chirurgiens libéraux au total, dont cinq formés à Lille. Ils interviennent dans des cliniques d’Avignon et de Carpentras. “Avoir débuté le métier avec des amis de promotion a permis de poser des bases sereines et de constituer un socle solide de professionnels. Cela m’a donné une confiance en moi que je n’aurais pas pu avoir en m’installant avec un inconnu”, témoigne Kevin Soudy. Le chirurgien explique que cette confiance est essentielle en chirurgie pour réaliser des gestes complexes, comme des interventions lourdes de prothèses avec des transferts tendineux. Cette organisation en groupe facilite également la gestion des absences. “Cela permet de faire confiance à quelqu’un quand je pars en vacances. Je sais qu’il pourra prendre en charge une éventuelle complication chez l’un de mes patients”, précise Kevin Soudy. 

Ainsi, pour tous ces jeunes praticiens interrogés, exercer à plusieurs permet à la fois de mieux soigner, de continuer à se former, de partager les contraintes du métier et de préserver leur équilibre de vie.   

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Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

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Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

Photo de profil de DELA LIE
1,5 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 5 mois
Cela n'est jamais souligné, mais s'installer seul est devenu quasi impossible au sortir des études : qui peut s'offrir un local plein pied ; puisqu'il y a l'obligation accès PMR, et refus catégorique de dérogation même si la majorité d'entre nous effectue des visites pour ces cas (fini le F2 au 3eme).. Tout en finançant son habitation personnelle. Ensuite, il faut aussi évoquer les inconvénients de toutes collocations... Comme dans un couplé, les petites tracasseries peuvent empoisonnées le quotidien sur le long terme, sans remettre en cause les avantages vantés dans l'article (promo gouvernementale ?)
Photo de profil de PETIT BOBO
2,6 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 5 mois
Comme le soupçonne Dela Lie ça fait un peu publi-communiqué.. "Installez vous au soleil de la Méditerranée. Marseille, la Canebiere, le Mucem, les criques de Cassis, la bouillabaisse, son Pastis, votre futur voilier, le ski dans les Alpes du Sud ! Installez vous entre copains-bobos, avec votre amoureux, votre amoureuse, vos potes de fac, vos enfants,... Vous y partagerez le loyer, la secrétaire, les gardes, les vacances, vos soucis, vos difficultés..." J'ai l'air de critiquer ? ou peut-être je suis jaloux ? Mais non...c'est ça qu'il faut faire ! Dans ma génération (installé début des années 70 !), à 25-26 ans, on s'installait généralement seul. Dans un grand local moitié professionnel moitié son habitation. Si ça marchait, on cherchait on se trouvait un associé, et on quittait le local initial, pour plus grand et prendre un troisième... De nos jours, ce n'est plus la règle pour plusieurs bonnes raisons : les études sont devenus très/trop longues, la profession s'est féminisée, avec le bonheur et les obligations liées aux enfants. Les jeunes qui s'installent sont déjà trentenaires, ils ne veulent pas bousiller leurs couples, leur santé, leurs vies perso . Et ils ont raison !
 
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