Confidence d'un patient puant qui a vécu l'inimaginable

06/05/2017 Par Dr Christian Lehmann
Billet de blog

Régulièrement, Egora vous invite à lire des billets de médecins blogueurs. Aujourd'hui découvrez un témoignage du Dr Christian Lehmann, médecin généraliste depuis 28 ans et romancier. Il nous parle son patient Mr P, qui lui a confié un secret sur histoire…

Dans les années 80, je débutais comme jeune médecin généraliste. Parmi mes patients, Mr P. Une caricature : gros, sale, le béret enfoncé sur des cheveux gras. Un manteau noir râpé, des fringues raides de suint, et souvent des pantoufles aux pieds.   

Appariteur à la fac à Paris

  Mr P était mal poli, hirsute, puant. Il entrait dans la salle d'attente, levait sa béquille et fusillait la secrétaire et les autres patients, "ra-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta", et leur effarement le faisait marrer. Sa mère, une pochtronne de compétition, a fini par réussir à se suicider à la bière qu'elle planquait dans une cache sous la baignoire. Mr P. 60-65 ans à l'époque je pense, en faisait 10 de plus. Il avait été appariteur à la fac à Paris, et j'imaginais ce qu'avait été cette vie.  

Incident de parcours

  Un jour, il était arrivé dans le cabinet, précédé par son odeur, et m'avait dit : "Le mieux c'est que je vous montre". Il avait lâché la ceinture miteuse de son bène, découvrant un calcif répugnant, décoloré de diverses taches géographiques jaunes ou verdâtres. Puis tandis que mes yeux commençaient à piquer, il avait baissé son calcif, m'avait exhibé ses génitoires et m'avait dit sur le ton de la confidence : "J'étais en train de me faire une petite gâterie quand du sang est sorti". Il était effrayé, je lui ai expliqué que même si c'était impressionnant, ce n'était pas grave, une hémospermie, un incident de parcours. Il s'était rhabillé, et je ne sais pas comment mais il m'a dit qu'il avait un truc à me raconter, qu'il n'avait jamais dit à personne.  

La fumée dans le ciel

  Il m'a dit que pendant la guerre, il était parti de son hameau, un matin, à vélo avec son pote, chercher du pain au village. En route, il avait crevé. Son pote s'était un peu foutu de lui puis avait tracé la route. C'était la guerre, et du pain, t'étais pas sûr d'en avoir si tu lambinais. Mr P avait mis une bonne demi-heure à réparer son pneu, et quand il avait enfin approché du village, il avait vu les flammes, et la fumée dans le ciel. Et senti l'odeur. Il n'a pas ramené de pain ce jour-là. Le village s'appelait Oradour sur Glane, et en crevant un pneu, il avait manqué d'une demi-heure la division Das Reich.

Faut-il octroyer plus d'autonomie aux infirmières ?

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Angélique Zecchi-Cabanes

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