"Puisqu'on veut une médecine sans médecin, pendant deux jours on va voir ce que ça donne" : au moins 70% de grévistes attendus aujourd'hui

30/11/2022 Par S. B.
"Le moment est historique." A l'appel du groupe asyndical et apolitique "Médecins pour demain", les médecins libéraux fermeront leur cabinet jeudi 1er décembre et/ou vendredi 2 décembre. Rejoints par les syndicats, le mouvement promet d'être massif avec plus de 70% de grévistes à l'échelle nationale. Ils réclament une meilleure valorisation de leur travail, avec un C à 50 euros "pour s'aligner sur l'échelle européenne".  

 

"Sur les vingt dernières années, nous avons été augmentés de l'équivalent de 25 centimes par an. Il y a une insatisfaction profonde des médecins qui ressentent de la frustration et un manque de reconnaissance, notamment financière", a résumé lors d'une conférence de presse intersyndicale le Dr William Joubert, secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux (SML). Le praticien s'exprimait aux côtés des représentants de l'Union française pour une médecine libre (UFML-S) de la Fédération des médecins de France (FMF), de Jeunes médecins, de l'InterSyndicale nationale des internes (Isni), du Syndicat national des urgentistes de l'hospitalisation privée (SNUHP), de la coordination Médecins pour demain et du syndicat Les biologistes médicaux.  

"Le moment est historique. Il y a un mouvement d'union entre les différents syndicats, même ceux qui ne sont pas présents aujourd'hui", a salué le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S. Cette union a été rendue possible par le collectif Médecins pour demain, fort de 15.000 membres, médecins libéraux et hospitaliers de toutes spécialités. "Nous sommes asyndical et apolitique. Nous voulons défendre notre travail. Il est indispensable d'améliorer nos conditions de travail", a défendu la Dre Céline Bretelle, porte-parole de Médecins pour demain en Ile-de-France. "Il faut une revalorisation à hauteur de 50 euros, avec indexation sur l'inflation. La moyenne européenne est de 46 euros. La France est la septième puissance mondiale", a plaidé la Dre Bretelle. A l'origine de cet appel à la grève, le collectif demande à l'Etat de se "réinvestir dans la médecine de ville, pour éviter une santé à deux vitesse, low cost d'un côté ou de médecins déconventionnés de l'autre".  

Un rassemblement est prévu devant le ministère de la Santé jeudi 1er décembre à 14h. Médecins pour demain appelle à une "grève dure et illimitée à compter du 26 décembre". 

 

 "C'est la dernière chance pour sauver notre médecine de terrain"

En parallèle, une autre conférence de presse rassemblait les branches locales de MG France et de la CSMF, en Mayenne. "Si le Gouvernement ne nous entend pas, nous allons vers un mouvement très dur. On va vers une grève de la permanence des soins, vers une fermeture des cabinets entre Noël et Nouvel an. Au point où nous en sommes, on n'a plus rien à perdre. Je suis désolé que les médecins libéraux soient obligés d’en arriver là", a abondé le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF.  

En attendant, la grève des 1er et 2 décembre promet d'être massive. "Nous attendons entre 70 et 90% de grévistes", a annoncé la Dre Corinne Le Sauder, présidente de la FMF. "Puisqu'on veut une médecine sans médecin, pendant deux jours, on va voir ce que ça donne", a-t-elle lancé. "La santé n'est pas une dépense, c'est un investissement. Le corps médical est en souffrance, nous ne voulons pas de subventions comme les agriculteurs", a dénoncé la généraliste.  

"Ce mouvement, c'est la dernière chance pour sauver notre médecine de terrain et l'hôpital public. Car si la médecine de ville va mal, l'hôpital public ira mal", a tonné le Dr Jérôme Marty. "Aujourd'hui, nous sommes maltraités et nous sommes devenus maltraitants. On le vit mal", a insisté le généraliste qui attend que l'Etat "arrête de regarder la santé sous l'angle de l'Ondam pour réaliser qu'elle est créatrice de richesses".  

"Il faut arrêter de stigmatiser la population médicale et de pointer du doigt les médecins en disant que ça n'est pas le moment de faire grève", a ajouté le Dr Emmanuel Loeb, président de Jeunes Médecins. Un message directement adressé à Agnes Firmin Le Bodo, ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé qui avait estimé que "ce n’était pas le bon moment" pour faire une grève des cabinets. "Je sens sur le terrain que le sentiment de nos concitoyens à l’égard des médecins commence à changer. Beaucoup de nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi ils n’ont plus accès à un médecin", jugeait la ministre la semaine dernière.   

Alors que le mouvement s'annonce très suivi, les médecins s'attendent à des réquisitions de la part des ARS. "Nous le ferons. Nous ne sommes pas des sauvages", a indiqué le Dr Marty. Le président de l'UFML-S a toutefois rappelé que "beaucoup de médecins qui n'ont jamais fermé leur cabinet de leur vie, s'apprêtent à le faire pour la première fois". "La grève va être très suivie et très courte. Elle va permettre de compter la mobilisation. La balle est dans le camp du Gouvernement pour ne pas passer à une grève plus dure", a conclu le syndicaliste.  

 

Le Syndicat national des urgentistes de l'hospitalisation privée (SNUHP) appelle également à la grève et prévoit une mobilisation de 60% de la part de ses adhérents. "Cette grève est étonnante et unique en matière de suivi", a commenté le syndicat qui a rapporté des "tensions majeures en termes de personnel soignant". "Pour redonner de l'attractivité il faut une juste rémunération de nos activités. Il faut rendre à ce métier ses lettres de noblesse", a clamé le SNUPH. 
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