"Ils ne s’installent plus et sont introuvables" : dix idées reçues sur les médecins remplaçants

22/07/2022 Par Marion Jort
Remplacement
“Cette année encore, pas de remplaçant pour mes vacances”, “les jeunes médecins ne veulent plus s’installer”, “les remplaçants ne participent pas à la permanence des soins”, “ils n’ont que des avantages”... Chaque année, beaucoup d’idées reçues reviennent à propos des médecins remplaçants. La Dre Élise Fraih, présidente du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGIR), fait le point sur les dix principaux préjugés qui circulent concernant ce mode d’exercice particulier. 

  1) “Les médecins remplaçants ne s’installent plus et on peine à en trouver”   “C’est l’une des principales idées reçues qu’on entend dans le discours de certaines instances, chez des confrères plus âgés ou même parmi les politiques”, explique la Dre Élise Fraih. Pour la présidente de ReAGJIR ce discours est pourtant paradoxal. “D’un côté, on reproche aux remplaçants de ne pas s’installer et de l’autre, on se plaint de ne plus en trouver !”  Tout est une question de chiffres, selon elle. A l’heure actuelle, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), estime que 228.858 médecins libéraux sont en activité sur tout le territoire. Le nombre de médecins remplaçants a été estimé, par l’Urssaf, à 16.506 praticiens. Si l’on se concentre sur les médecins généralistes, ils sont 99.941 en activité au 1er janvier 2022 pour seulement 10.302 remplaçants de cette spécialité. “La conclusion est simple : il y a un remplaçant pour dix généralistes installés”, souligne la Dre Fraih. “Vous comprenez bien que pour un médecin satisfait, il y en a neuf qui ne le sont pas, ce qui accentue cette idée qu’on n’arrive plus à en trouver.”    2) “Les remplaçants n’ont qu’à s’installer, cela résoudra une partie du problème d’accès aux soins”   “Imaginez si tout le monde s’installait tout le temps ? Il n’y aurait plus de remplaçants”, proteste la Dre Fraih, qui rappelle que les médecins remplaçants sont “nécessaires”. “S’il n’y a pas de remplaçants sur un territoire, je pense surtout aux territoires en tensions, cela peut être un frein à l’installation pour certains praticiens”, considère la généraliste.  Un élément est à prendre en compte à ses yeux : l’aide précieuse que les remplaçants apportent aux installés. “Si on pousse la doctrine jusqu’au bout de ‘ils n’ont qu'à s’installer’, on aura des burn out, des déplaquages des installés, car eux aussi ont besoin de souffler et de fermer le cabinet pour X raisons, en sachant que leurs patients ne seront pas abandonnés”.

  3) “Les remplaçants mettent du temps à s’installer”  En moyenne, l’Ordre estime qu’un médecin remplaçant met entre un à trois ans pour s’installer. Toutefois, la réforme du troisième cycle des études de médecine, qui a modifié la maquette du DES* de médecine générale pour inclure plus de stages en ambulatoire pourrait changer la donne, les jeunes praticiens pouvant déjà avoir une idée plus précise de leur projet professionnel au moment de l’obtention de leur diplôme.  Seuls les médecins choisissant de remplacer régulièrement dans un cabinet précis ou de faire des gardes de nuit, par exemple, poursuivent une activité de médecin remplaçant sur le plus long terme.    4) “Il y a un profil-type du remplaçant” “Les remplaçants ne sont pas plus des hommes que des femmes”, assure la présidente de ReAGJIR, reconnaissant qu’il pourrait être intéressant de lancer une étude pour savoir si les femmes s’installent plus tôt - ou non - car elles ne peuvent bénéficier de l’avantage supplémentaire maternité en étant sous le statut de médecin remplaçante.  Plus généralement, le médecin remplaçant peut être un jeune médecin qui a besoin d’ajuster son projet professionnel, mais aussi un médecin retraité qui décide de reprendre du service, ou encore un médecin qui a déplaqué et est prêt à venir en renfort de ses collègues pendant les périodes de vacances, par exemple. Une grande majorité est encore interne : sur les 16.506 remplaçants d’aujourd’hui, la moitié est encore au régime simplifié des professions médicales**. “Nécessairement, c’est aussi un vivier de remplaçants qui ne peut pas exercer en permanence”, ajoute la Dre Fraih.    5) “Un remplaçant n’exerce que dans un cabinet”  En moyenne, un remplaçant exerce dans trois à quatre cabinets au début de son exercice. 

  6) “Le remplaçant travaille moins que le médecin installé”  “Le médecin remplaçant fait autant de consultations qu’un installé, il a la même activité”, explique la généraliste. Elle concède cependant une différence : ils réalisent peut-être moins d’actes à la journée. “Cela s’explique sûrement par le fait que les patients viennent un peu moins consulter quand c’est un remplaçant, à moins que ce soit un régulier.”  Elle appelle également à prendre en compte un élément dans les études statistiques à ce sujet : le fait que les installés partent parfois en laissant leur carte. “De ce fait, il est difficile de tracer précisément les actes qui ont été faits par l’un ou l’autre.”    7) “On ne peut pas vivre du remplacement”  Que les candidats au remplacement se rassurent : “on peut très bien vivre du rempla!”, promet la Dre Fraih. Leurs revenus dépendent, bien sûr, de la rétrocession et du taux d’activité. “Mais c’est bien supérieur à un salaire d’interne.” Elle précise que la rémunération est liée à la régularité de l’activité et du nombre d’actes réalisés par jour. “Il est aussi possible d’arrondir ses revenus par des gardes ou avec la permanence de soins ambulatoire”, assure-t-elle.  Enfin, il est possible de bénéficier d’un abattement représentatif des frais de 34% lorsque les revenus arrivent sous le micro BNC. “Quand on tâtonne, c’est avantageux.”    8) “Les remplaçants ne prennent pas leur part dans la crise des urgences” “C’est faux !”, affirme la Dre Fraih. En effet, 64% des médecins remplaçants, soit les 2/3 de l’effectif total, participent activement à la permanence de soins ambulatoire. “La plupart du temps, le remplaçant hérite des consultations mais souvent aussi des gardes déjà prévues. Ils bénéficient dans ce cas d’une rétrocession de 100% et ce sont eux qui les assurent.”    9) “Les médecins remplaçants sont conventionnés”  “Malheureusement, c’est faux”, soupire la Dre Fraih. “Les remplaçants ne sont pas conventionnés, ou alors c’est un conventionnement à géométrie variable.” Pour y remédier, le syndicat ReAGJIR entend se lancer dans le combat du conventionnement à l’occasion de la prochaine convention médicale. “On doit respecter les tarifs du secteur où on remplace, on devrait donc avoir les mêmes droits et devoirs qu’un médecin installé”, estime-t-elle. 

  10) “Le médecin remplaçant n’est pas un vrai médecin”  “Il n’y aucune différence entre le médecin remplaçant et le médecin installé, si ce n’est son mode d’exercice”, martèle la présidente de ReAGJIR, faisant notamment référence à la décision de l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) de les exclure du financement du DPC. L’ANPDC a en effet pris cette décision en octobre dernier, estimant qu’ils n’étaient pas conventionnés et qu’ils ne pouvaient, de ce fait, pas bénéficier du remboursement de leurs formations. “C’est leur interprétation du texte. Nous y sommes opposés et c’est incompréhensible à nos yeux car il n’y a aucune distinction dans les cotisations sociales et ce qu’on peut prélever qui serait reversé à l’ANDPC entre un médecin installé et un remplaçant”, proteste la syndicaliste.  
  *diplôme d’études spécialisées ** Chiffres d’affaire inférieur ou égal à 19.000 euros bruts annuels     

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