Prescrire la mélatonine : un premier consensus d’experts

07/12/2017 Par Thierry Billoir
Neurologie

Difficulté à s’endormir, horaires décalés, somnolence diurne sont évocateurs d’un trouble du rythme circadien, sujet phare du récent Congrès du sommeil, qui vient de se dérouler à Marseille (23-25 novembre 2017). 

  Lors du congrès du sommeil 2017, organisé par Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil (Sfrms) et la Société de Pneumologie de Langue Française (Splf), qui se déroulait à Marseille (23-25 novembre 2017), des experts réunis au sein d’un groupe de travail, ont présenté une conférence de consensus destinée à clarifier les modalités de prescription de la mélatonine. Selon ces experts, cette prise de position était nécessaire en raison de la très forte augmentation des prescriptions et des ventes de mélatonine observée ces cinq dernières années, augmentation qui touche à la fois la vente de préparations magistrales à libération immédiate et de la mélatonine libération prolongée, la majorité hors autorisation de mise sur le marché (AMM).   Un synchroniseur endogène du rythme circadien Secrétée par la glande pinéale à partir du tryptophane, et à la faveur de l’obscurité, la mélatonine est un synchroniseur endogène du rythme circadien. Elle contribue au maintien du sommeil. Le nadir de la température centrale vers quatre heures du matin coïncide avec le pic de mélatonine. L’administration de mélatonine exogène modifie la position de la sécrétion endogène en avance ou en retard selon l’heure d’administration : c’est l’effet chronobiotique. L’administration d’une dose importante de mélatonine peu avant le coucher induit une augmentation de la somnolence et une baisse de la température centrale : c’est l’effet soporifique. Une dose trop forte (> 5 mg) peut entraîner un phénomène de saturation (« spill over ») avec persistance d’une somnolence matinale.   Différentes formes galéniques La mélatonine existe sous forme de compléments alimentaires, dont l’utilisation n’est pas recommandée par le consensus en raison de l’imprécision de leur composition et de leur qualité. Elle se présente aussi sous forme de préparations magistrales à libération immédiate qui ne sont plus prises en charge par l’Assurance maladie depuis qu’il existe sur le marché une spécialité à libération prolongée avec une AMM (circadin 2 mg, laboratoire Biocodex) dans l’indication du traitement de l’insomnie chez l’adulte de plus de 55 ans. La mélatonine est inscrite sur liste II. Circadin dispose, de plus, d’une recommandation temporaire d’utilisation, avec une prise en charge, chez les enfants de 6 à 18 ans uniquement dans le cadre des troubles du rythme veille sommeil associés à quatre pathologies rares : syndrome de Rett, de Smith-Magenis, d’Angelman, scléreuse tubéreuse, et les troubles du spectre autistique.   Le syndrome de retard de phase Les troubles du rythme circadien veille-sommeil constituent l’indication la mieux documentée. Il s’agit d’un retard significatif de l’épisode majeur de sommeil avec incapacité à s’endormir et difficulté à se réveiller aux horaires nécessaires. La qualité et la durée du sommeil sont améliorées lorsque les horaires de prédilection du patient sont respectés. Il s’agit d’une plainte fréquente avec une inertie du sommeil au réveil et une somnolence diurne suite à une dette de sommeil. Il est favorisé par un chronotype vespéral et l’utilisation d’écrans le soir. Il est particulièrement fréquent chez les adolescents et jeunes adultes, et chez environ 10 % des patients consultant pour insomnie. Dans ce syndrome, la mélatonine à libération immédiate peut être utilisée pour son action chronobiotique (1 mg, de six heures jusqu’à deux heures avant l’heure du coucher). Une dose plus élevée (2 à 5 mg environ, 15 à 30 minutes avant l’heure du coucher permet de faciliter l’endormissement par l’action soporifique. Une durée minimum de quatre à six semaines de traitement est nécessaire avec une réévaluation du traitement, une prolongation de celui-ci avec fenêtre thérapeutique d’au minimum une semaine en cas de récidive, et une réévaluation minimum une fois par an. Dans l’insomnie non comorbide (en particulier sans trouble du rythme circadien) seule la mélatonine LP est indiquée, une heure avant le coucher, et permet de diminuer la latence d’endormissement et d’augmenter le temps total du sommeil. Elle peut être utilisée en première intention.   Troubles liés au décalage horaire Il s’agit d’une insomnie ou somnolence diurne excessive avec réduction du temps de sommeil total en lien avec un vol transméridien d’au moins deux fuseaux horaires, plus fréquente en cas de voyage vers l’est. Les experts recommandent 2 à 5 mg de préparation à libération immédiate, une gélule le jour du départ vers 16 heures heure locale.   Chez l’enfant Sur les prescriptions de préparations magistrales tout compris, 50 % environ concerne l’enfant et l’adolescent. Dans toutes les indications reconnues chez l’enfant, les experts recommandent de débuter systématiquement par de petites posologies puis d’augmenter si nécessaire. Il faudra aussi être particulièrement prudent avec les effets secondaires dans cette population, ce d’autant plus que le traitement doit être souvent envisagé à long terme. La mélatonine ne doit pas être débutée avant l’âge de un an (absence de données) et doit être utilisé avec précautions avant l’âge de deux ans (peu de données). La mélatonine LP n’est pas indiquée en première intention chez l’enfant. Moyennant ces réserves la mélatonine est efficace dans les troubles du spectre autistique. Elle peut être également recommandée dans le Trouble Déficit de l'Attention / Hyperactivité (Tdah) associé à des troubles du sommeil. Enfin, elle n’est pas contre-indiquée dans l’épilepsie de l’enfant mais peut avoir des interactions avec les traitements antiépileptiques. Le compte rendu complet de ce groupe de travail devrait être publié au cours des prochains mois.

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