Sur écran ou sur le fil : psychiatres et psychanalystes s’emparent de la téléconsultation

12/02/2021 Par Corinne Tutin
E-santé
La télépsychiatrie ne semble être ni une psychiatrie augmentée ni une psychiatrie diminuée. Elle ne remplace pas la relation présentielle avec le praticien mais offre des avantages pratiques et peut faciliter la verbalisation des émotions chez certains patients. Ce sujet a été abordé lors du récent congrès digital de l’Encéphale (20-22 janvier 2021).

« En raison de la crise sanitaire, beaucoup de psychiatres se sont mis à la téléconsultation alors qu’ils n’étaient auparavant que 2 % à la pratiquer régulièrement », a expliqué le Dr Fanny Jacq, psychiatre travaillant chez Qare, une société de téléconsultations. « En octobre 2020, 40 % de psychiatres avaient ainsi arrêté ou diminué leur activité de cabinet au profit de cet acte et, avec 6,4 % des téléconsultations, la psychiatrie, représentait la 2e profession médicale ayant adopté cette pratique après la médecine générale. » Ce n’était pas gagné pourtant. Car, en 2017, bien que les études randomisées aient plutôt débouché sur des résultats positifs en termes d’alliance thérapeutique, de fiabilité du diagnostic, d’observance des psychothérapies, 25 % des psychiatres étaient réfractaires à la téléconsultation et 50 % dans l’expectative*. L’expérience de Qare suggère que les patients adeptes de la télépsychiatrie sont plutôt atteints de pathologies légères. Certains étaient déjà suivis tandis que d’autres ont consulté pour de nouveaux troubles : hypochondrie, phobie de contamination, burn-out, troubles anxio-dépressifs et du sommeil, problèmes de rechute addictive. Les patients apprécient, outre la réduction des déplacements, le fait de pouvoir accéder plus rapidement à un psychiatre, et éventuellement à un expert de leur pathologie. Un bon outil pour les plus jeunes Chez l’enfant (qui est connecté dès le plus jeune âge) et ses parents, les échanges numériques sont faciles et peuvent même favoriser l’accès à des outils de guidance, des fiches pratiques d’information (adaptation au confinement chez un enfant autiste, gestion des comportements d’opposition...), a ajouté le Dr Benjamin Landman au vu de son expérience à l’hôpital Robert Debré de Paris. Pour les psychothérapies en face-face chez adolescents et adultes, les échanges sur écran peuvent aussi s’organiser. Certes conserver actif le processus « d’attention flottante », indispensable à l’écoute psychothérapique et psychanalytique n’est pas forcément facile pour le praticien qui découvre le lieu de vie de ses patients. « Mais, il est possible de reconstruire le cadre ensemble avec eux », a admis le Dr Serge Hefez, psychothérapeute à Paris. Beaucoup de psychothérapeutes et psychanalystes ont choisi de travailler par téléphone. Chez certains patients qui étaient déjà suivis, cela a été bénéfique « en relançant une certaine intimité », en favorisant l’expression de traumatismes sexuels, a indiqué le Dr Hefez. « Débuter par une écoute téléphonique chez un nouveau patient semble en revanche plus difficile, car il faut laisser la place au silence, à la suspension ». D’autres patients ont aussi souffert de ne plus avoir leur place dans l’univers de l’autre, de ne plus être accueillis chez leur praticien. Si les psychanalystes ont malgré tout hâte de retrouver leurs patients au cabinet, l’expérience laissera des traces. Et, par exemple, « lorsque les patients ne peuvent se déplacer, les rendez-vous ne seront plus annulés mais organisés par téléphone », a cité le Dr Emmanuelle Chervet, psychanalyste à Lyon.

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La consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans et/ou handicapés est-elle une bonne mesure ?

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