Traumatismes, pathologies.. Quels risques pour la santé des skippers du Vendée Globe ?
Si les skippers paraissent, à l’heure où nous écrivons, relativement préservés sur le plan physique, les nouveaux bateaux, plus rapides, font porter des risques aux concurrents, et posent ainsi la question des limites de la course.
Plus grande course à la voile autour du monde, en solitaire, sans escale et sans assistance, le Vendée Globe est une épreuve qui met à rude épreuves les bateaux, mais aussi les organismes des skippers qui y participent. Neuf éditions de ce que le grand public nomme "l'Everest des mers" ont déjà eu lieu depuis 1968. Deux cents concurrents y ont pris part ; mais seuls 114 d'entre eux ont réussi à le terminer, soulignant ainsi l'extrême difficulté. Les marins font, en effet, face à de multiples dangers : froid glacial, vagues démesurées... Le record est détenu par Armel Le Cléac'h qui a bouclé sa course en 74 jours. Ce dixième Vendée Globe s’est élancé des Sables-d'Olonne le 10 novembre dernier.
Les marins sont en relation régulière avec les quatre médecins de la course, disponibles 24 heures sur 24. Ces derniers les connaissent bien - et en particulier leurs points de faiblesse – étant donné qu'ils les ont suivis lors d’autres courses. Sur cette édition, plus de la moitié des skippers ont déjà appelé pour un conseil. "Bien formés en amont, pleins de bon sens, ils nous alertent rapidement pour éviter qu’un traumatisme ne prenne des proportions qui les limitent à bord et/ou les obligent à l’abandon", se réjouit la Dre Laure Jacolot, médecin du sport et de l’activité physique adaptée au Centre hospitalier de Cornouaille Quimper Concarneau, médecin de course au large pour la Fédération française de voile et médecin du Vendée Globe.
Prise en charge à distance
Les genoux, le rachis cervical sont ici particulièrement exposés. "Le bruit créé par les foils, les chocs induits par une plus grande vitesse ont dégradé la qualité de vie à bord", observe Damien Seguin, skipper de Groupe Apicil. Et parce que ce groupe sponsor est particulièrement concerné par les problèmes de santé, le skipper a été équipé en amont de capteurs embarqués pour la mesure de ses constantes (oxygène, pression artérielle, nombre d’heures de sommeil, etc.) et des paramètres de l’environnement (température, accélérations, alimentation, luminosité et bruits notamment) tout au long de la course. L’objectif étant de diminuer le décalage entre le moment où un éventuel problème de santé est signalé et sa prise en charge ; le délai avec l’examen à l’arrivée étant trop grand.
Les données colligées quels que soient les aléas de la navigation et leur traitement scientifique sont bienvenus puisqu’ils permettent de poser les bonnes questions et de dessiner des pistes pour une amélioration des conditions de vie à bord. L’ergonomie de l’intérieur du bateau est à l’évidence perfectible. "C’est ainsi que mon matelas a été travaillé pour faciliter la décontraction musculaire, que le siège de veille, moulé sur moi, a été placé dos à la route", décrit Damien Seguin. Il reste beaucoup à faire : on est au tout début de cette démarche, à la préhistoire de ce qu’il est possible de faire pour le bien-être du marin qui est en quelque sorte aujourd’hui "le maillon faible du bateau". "Par exemple, indique le skipper, à l’issue du Vendée Globe, nous perdons 60% de notre capacité musculaire au niveau des jambes ; nous devrions tirer des enseignements des spationautes pour ce problème spécifique, ou des coureurs automobiles en matière de protection vis-à-vis des bruits et des chocs."
Romain Attanasio, skipper de Fortinet-Best Western, - un "vagal" selon la Dre Jacolot parce qu’il fait souvent des malaises vagaux – estime, lui aussi, qu’il est sans doute temps d’accepter d’aller moins vite… "Les vibrations des foils et les chocs liés aux ricochets sur les vagues à grande vitesse rendent cette édition du Vendée beaucoup plus inconfortable", regrette-t-il.
Des traumatismes et pathologies multiples
"Effectivement, les vols planés sur le bateau lors de la première partie de la course ont provoqué un nombre non négligeable de traumatismes, chocs directs sur les coudes, les poignets, les doigts, etc., ou des lésions dues aux mouvements du bateau, de décélération, qui s’apparentent à ce que vivent les bébés secoués…", décrit la Dre Jacolot. Autre motif d'intervention cette année , - et le conseil médical est alors souvent collégial tant l’enjeu est déterminant -, une entorse grave de cheville qui en l’occurrence a contraint un skipper à l’abandon, douleur et instabilité étant incompatibles avec la conduite d’un bateau en solitaire.
Lors de la descente de l’Atlantique, chaude, le médecin est habituellement sollicité pour des problèmes de peau, brûlures, éruptions, etc. et à l’entrée dans l’Océan Indien, il est appelé pour des infections facilitées par la fatigue, le stress, la météo et une relative immunodépression. Les vibrations produites par les foils sont aussi à l’origine de maux de tête, de ventre.
A visiter : "En solitaire autour du Monde", exposition consacrée à la course autour du monde en solitaire, en résonance avec la dixième édition du Vendée Globe (2024-2025), exposition temporaire au Musée national de la Marine, à Paris, jusqu’au 2 mars 2025.
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