En Ile-de-France, il faudrait former le double d'internes pour compenser les départs de généralistes

Une simulation réalisée par l'URPS-ML d'Ile-de-France, et présentée lundi 30 juin lors d'un séminaire au Sénat, montre que, pour compenser les départs des généralistes franciliens, il faudrait ouvrir 1182 postes d'internat dans la spécialité chaque année. Plus du double de ce qui est proposé aujourd'hui aux étudiants en médecine à l'issue de leur 6e année. 
 

02/07/2025 Par Louise Claereboudt
Internat

1182. C'est le nombre de postes d'internat en médecine générale qu'il faudrait ouvrir aujourd'hui en Ile-de-France pour compenser les départs* de généralistes, d'après les calculs de l'URPS-ML de la région. L'instance représentant les médecins libéraux franciliens organisait, lundi 30 juin, un séminaire au Sénat consacré au numerus apertus. Parlementaires, institutions, syndicats d'étudiants en médecine et d'internes, étaient invités à réfléchir à une approche pour évaluer les besoins en médecins dans les années futures et à leur répartition sur le territoire. Un enjeu crucial alors que les besoins de soins vont exploser du fait du vieillissement de la population et de la hausse des maladies chroniques.  

Face à ces besoins qui vont "s'amplifier", l'enjeu est de trouver "une réponse adaptée", a insisté la Dre Valérie Briole, présidente de l'URPS médecins libéraux d'Ile-de-France. "Pour cela, nous avons besoin d'avoir des stratégies de réflexion plurielles", a poursuivi la rhumatologue à l'initiative de ce séminaire. "Il y a une réelle importance de maintenir une offre équilibrée, par spécialité, pour éviter les errances de parcours, les retards au diagnostic, les pertes de chance, et les surcoûts liés au faible effectif de spécialistes. Dans ma pratique, il ne se passe pas un jour sans que je voie devant moi des patients qui ont passé des semaines, des mois voire des années, avec une problématique non résolue", a-t-elle témoigné.  

Une situation qui implique un "surcoût" pour la nation, causé notamment par une accumulation d'examens médicaux, souvent injustifiés, mais aussi en matière d'indemnités journalières, actuellement dans le viseur du Gouvernement.  

Si aujourd'hui les besoins en futurs médecins sont, "surtout", décidés en fonction "des capacités de formation", "il faut sortir de ce schéma", a appelé Valérie Briole, préférant "adapter l'offre aux besoins des territoires". A ce jour, la répartition des internes par spécialité se fonde, entre autres, sur les besoins des chefs de service hospitaliers et les capacités d'accueil des établissements, les besoins de santé de la population, les départs à la retraite prévus. Elle se fait par ailleurs au "prorata des affectations antérieures" (la répartition des postes est aussi basée sur les répartitions des années précédentes), indique la présidente de l'URPS, "ce qui fait que parfois on a l'impression que certaines spécialités sont abandonnées".

L'URPS a donc mené une réflexion sur la répartition des postes pour les nouveaux internes qui vont arriver et sont issus de la réforme du numerus apertus, qui a remplacé le numerus clausus à la rentrée 2020. "Cette réforme va apporter en moyenne 38% d'internes en plus sur le territoire national", avance Valérie Briole. L'URPS-ML Ile-de-France a estimé que la région pourrait accueillir en moyenne 2122 internes par an, contre 1540 en moyenne chaque année en période de numerus clausus. Une bonne nouvelle sur le papier. Reste qu'il faudra les garder sur le territoire une fois leurs études terminées. "On a un déficit croissant des installations, qui porte surtout sur les jeunes médecins généralistes et les médecins en secteur 1", explique la rhumato. Et ce, notamment à cause de problématiques immobilières. "Les banques ne suivent pas un jeune médecin qui veut acheter des murs et s'installer en secteur 1 en Ile-de-France."

"On appuie donc la décision de renforcer le nombre de postes en médecine générale"

L'union régionale a réalisé une stratégie de simulation capacitaire, spécialité par spécialité, avec l'objectif de maintenir le maillage des médecins libéraux existants. 2019 a été choisie comme année de référence pour le maillage libéral, ce qui, souligne Valérie Briole, est loin d'être la panacée. L'URPS a identifié, pour 13 spécialités médicales**, combien de postes d'internat seraient souhaitables pour compenser les départs de praticiens sur le territoire, et a mis cette donnée en perspective avec les postes réellement ouverts aujourd'hui. En rhumatologie, cette simulation démontre "un écart abyssal entre les besoins" (61 postes d'internes) et "ce que l'on fournit" (14 postes), a indiqué la présidente de l'URPS-ML IDF. Et de remarquer que 50% des rhumatologues libéraux actifs ont plus de 60 ans.  

En dermatologie, il conviendrait d'ouvrir 134 postes d'internes chaque année, alors que nous sommes à 16 postes actuellement ouverts en Ile-de-France, d'après les calculs de l'URPS. En ophtalmologie, 204 postes seraient nécessaires chaque année, contre 29 postes proposés aujourd'hui. En cardiologie, il faudrait 48 postes d'internes par an, contre 36 actuellement. En endocrinologie, 25 contre 13 postes aujourd'hui ouverts en Ile-de-France. En gastroentérologie, 47 postes d'internes permettraient de maintenir le maillage libéral, mais seuls 21 postes sont aujourd'hui proposés dans la région. En ORL, il en faudrait 81 postes contre 17 postes ouverts. En pédiatrie, 166 contre 93 postes ouverts aujourd'hui. En pneumologie, 46 contre 19.  

La psychiatre, particulièrement sinistrée, nécessiterait 493 postes d'internes chaque année d'après les calculs de l'URPS. Mais on ne compte à ce jour que 111 postes d'internes en Ile-de-France. L'anesthésie est "la seule spécialité" identifiée par l'URPS pour laquelle "le rapport est inversé", a indiqué Valérie Briole. "79 postes suffiraient à combler [les départs] contre 29 postes proposés aujourd'hui."

Un focus a également été fait sur la médecine générale. En 2024, l'Ile-de-France comptait 8 166 médecins généralistes actifs. Leur âge moyen était de 54 ans ; 41% avaient plus de 60 ans et 23% plus de 65 ans. D'après l'URPS, "1182 postes d'internes en médecine générale seraient requis pour compenser les départs actuels", contre 539 postes ouverts aujourd'hui en Ile-de-France. "On appuie donc la décision de renforcer le nombre de postes en médecine générale" qui a été décidée, a déclaré Valérie Briole.

Au total, pour les 13 spécialités analysées, il conviendrait d'ouvrir 2 573 postes d'internes chaque année, alors que l'on dénombre à ce jour 1 020 postes ouverts. "Et tout cela, juste pour revenir à un niveau d'exercice de 2019, a précisé Valérie Briole. Cela augure du marasme que l'on va rencontrer dans les cinq prochaines années…" Le Pr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), a toutefois appelé à "anticiper" autant que faire se peut les besoins futurs en médecins.  

"Si on attend de ne plus être en [pénurie] pour s'interroger sur une nouvelle régulation, peut-être un peu plus marquée, du nombre de médecins qu'on [forme et que l'on met dans les territoires], on risque de reproduire en miroir ce qu'on a fait dans les années 1990 […] Tout le monde a eu la pensée unique de dire 'il faut réduire le nombre de médecins'. Aussi bien côté pouvoirs publics que côté médecins, chacun y voyait son intérêt", a rappelé le généraliste. Ce qui a eu les effets indésirables que l'on connaît tous aujourd'hui. Or, selon la Drees, "dans 10 ans, le nombre de médecins va être nettement plus élevé qu'aujourd'hui", a poursuivi le généraliste, conscient que son discours est "à contre-courant". "Mais c'est une pierre qui doit être posée dans le débat aujourd'hui."

*toutes les raisons de départ sont intégrées dans cette définition, "avec une prépondérance pour les départs en retraite", précise la Dre Briole

**cardiologie ; dermatologie ; endocrinologie ; gastro-entérologie ; médecine générale ; neurologie ; ophtalmologie ; ORL ; pédiatrie ; pneumologie ; psychiatrie ; rhumatologie ; anesthésie.  

Faut-il ouvrir plus largement l'accès direct à certaines spécialités médicales ?

Avocat  Du Diable

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Oui

Il y aura moins d'hypochondriaques dans nos cabinets et on pourra si nécessaire leur conseiller de consulter toutes les spécialist... Lire plus

4 débatteurs en ligne4 en ligne
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 9 jours
Mouais, je ne pense pas que mon avis intéresse qui que ce soit! Mais je le donne quand même vu l'absurdité de la situation et l'absence d'anticipation. Un vrai cauchemar quand j'y réfléchis encore. Il
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905 points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 4 jours
Nos têtes pensantes sont-elles sûres que les étudiants formés en Ile de France resteront dans cette zone ?
Photo de profil de Henri Baspeyre
13,9 k points
Débatteur Passionné
Chirurgie générale
il y a 9 jours
"gouverner c'est prévoir" "la politique est l'art de rendre possible ce qui est nécessaire" RICHELIEU
 
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