Plan d'Edouard Philippe : les médecins se montrent critiques

13/02/2018 Par Catherine le Borgne & F. Na.
Politique de santé

Les réactions sont vives après les annonces, ce mardi matin, d'Edouard Philippe et d'Agnès Buzyn. Le Premier ministre a présenté sa "Stratégie de transformation du système de santé" et promet 100 millions par an pour la financer.

     

"A l'hôpital, les personnels sont en souffrance, ils ne trouvent plus de sens à leur travail. Tout ceci est à mettre en perspective avec la T2A et la course à l'acte qui en résulte", rappelle Jacques Battistoni, le président de MG France. Pour lui, cette réforme entend redonner du sens et "il est intéressant de noter le parallèle entre le mode de rémunération à l'activité, unique, à l'hôpital, et la rémunération en ambulatoire qui commence à être diversifiée", relève-t-il. "Nous avons tous des difficultés à mesurer les transformations qui vont toucher rapidement nos univers professionnels, liés aux nouvelles technologies et à l'intelligence artificielle, tant à l'hôpital qu'en ville. Ce plan affronte ces interrogations, tout en mettant l'accent sur les organisations territoriales, les équipes de soins primaires, les plateformes territoriales d'appui qui devront être les plus actives possibles", estime-t-il. Sujets que MG France défend et travaille depuis longtemps. "Les réalisations les plus pertinentes du terrain pourront trouver à s'exprimer grâce à l'article 51 du budget de la sécurité sociale 2018 [qui permet à des expérimentations dérogatoires y compris organisationnelles de se mettre en place, NDLR]", envisage le Dr Battistoni.  

"100 millions, c'est de l'homéopathie"

  La CSMF, qui se réjouit que le gouvernement ait "pris conscience de l'urgence de mener la refonte d'un système de santé à bout de souffle", rappelle que rien ne peut se faire sans les médecins libéraux, "qui sont les acteurs de terrain au plus près des patients". L’organisation territoriale des soins "ne doit plus être centrée sur l’hôpital, mais sur l’ensemble des acteurs de santé dans les territoires, et tout particulièrement reposer sur les médecins de proximité libéraux, généralistes et spécialistes", insiste la Confédération dans un communiqué. Si les médecins libéraux "sont prêts à s’engager dans une démarche de qualité et de pertinence des soins", ils tiennent à préserver les caractéristiques de leur exercice, "notamment la prépondérance du paiement à l’acte", souligne le communiqué. Les libéraux ne pourront s'impliquer que dans une réforme d'ampleur, insiste le syndicat, "qui leur permettra de prendre toute leur place dans un système de santé décloisonné, qui resituera l’hôpital comme recours de performance et de référence, et qui leur donnera enfin les moyens d’assurer le virage ambulatoire". Une réforme conduite avec et par les acteurs de terrain car, sinon, elle serait "vouée à l'échec". "Particulièrement déçu", le SML relève que ce plan contient une série de mesures "dont certaines risquent de remettre en cause la médecine libérale (...) C'est à la médecine libérale que l'on s'en prend", s'irrite le syndicat. Car pour lui.. le plan Philippe met en pièce le mode de rémunération, qui serait détourné ver une "rémunération collectiviste", avec des risques de retour d'une "maîtrise comptable" et un "parcage" des médecins dans des structures. "Le gouvernement exprime sans détour sa volonté de faire disparaître l'exercice isolé, lequel concerne aujourd'hui 80 % des médecins libéraux" s'affole le SML. Qui refuse "un scénario où la seule voie possible serait  la MSP,  qui plus est, là où la puissance publique le décide". Au résultat, le syndicat s'interroge sur l'avenir du "pacte de confiance" noué entre le gouvernement et la médecine libérale, tant il redoute un "bricolage" ou un "rapiéçage" de trop dont le sacrifié sera la médecine libérale". "Edouard Philippe annonce 400 millions pour moderniser l'informatique de l'hôpital ! Alors que 20 millions d'euros permettraient à tous les professionnels de santé de communiquer en moins de 6 mois par Apicrypt !", tacle le Dr Jean-Paul Hamon, le président de la FMF. Et quand ce dernier lit que le gouvernement va continuer de tisser des liens entre la ville et l'hôpital, "on va rebaptiser Agnès Buzyn, Pénélope… " ironise-t-il. "On nous a joué de la flûte à bec !", s'est indigné Jérôme Marty, président de l'UFML en réponse aux annonces d'Edouard Philippe. "100 millions, c'est de l'homéopathie", a-t-il regretté en référence au budget annuel débloqué pour financer les transformations annoncées. D'autres n'ont pas manqué de rappeler que 100 millions par an ne représentaient guère que "0,05%" du budget annuel de la Sécurité sociale. Pour le reste, Jérôme Marty a déploré les mises en cause du paiement à l'acte. "Le paiement à l'acte est désigné comme non adapté, quelles études montrent cela ? Ce qui n'est pas adapté, c'est l'absence de volonté de miser sur les soignants en bloquant les tarifs des actes", a-t-il notamment commenté. Il a aussi moqué les "indicateurs, mesures, audits, études, commissions" promis par le gouvernement : "Le malade se meurt, lançons une mesure de satisfaction !", a ironisé Jérôme Marty.  

"A quand la disparition des fax à l'hôpital?"

  Du côté de la FHF, Frédéric Valletoux se montre satisfait mais prudent. Selon lui, le discours d'Edouard Philippe ce mardi matin est "à la fois concret et prometteur". "L'ensemble des sujets relatifs au système de santé ont été abordés, le calendrier est resserré. Maintenant, la FHF attend d'en discuter les détails", a précisé la Fédération hospitalière de France. "On attendait des pouvoirs publics de donner du sens, de la force aux politiques du secteur. On sait désormais qu'on pourra juger de la qualité des réponses en mai", a ajouté Frédéric Valletoux. Le gouvernement s'est en effet donné trois mois pour élaborer une feuille de route détaillée des actions à venir. "A quand la disparition des fax à l'hôpital ?", a réagi avec ironie Yanis Merad, président de l'Anemf à l'annonce d'Edouard Philippe concernant le chantier numérique. Pour le reste, le président des étudiants en médecine espère que les jeunes seront entendus par le gouvernement. "Nous sommes les professionnels de demain", a rappelé Yanis Merad, qui souligne l'urgence d'une réforme de la Paces qui devrait se traduire dans la loi dès 2019. La création d'un Observatoire de la qualité de vie au travail des soignants a été saluée par les étudiants. "La souffrance des professionnels et des étudiants ne soit plus être niée ou ignorée !", a commenté l'Anemf.

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