Didier Raoult

Capture BFMTV (2021)

Du blâme à l'interdiction d'exercice : l'Ordre durcit sa sanction contre le Pr Raoult

Trois mois après l’audience en appel, la sanction est tombée : le microbiologiste marseillais est finalement interdit d’exercer pour une durée de deux ans. En première instance, il n’avait reçu qu’un blâme.  

03/10/2024 Par Louise Claereboudt
Déontologie
Didier Raoult

Capture BFMTV (2021)

Sanction alourdie en appel pour le Pr Didier Raoult. Le microbiologiste controversé, qui s’était vu infliger un blâme en première instance en décembre 2021, vient d’être interdit d’exercice pour une durée de deux ans par la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, révèle Le Parisien. Une information confirmée par Egora, qui était présent lors de l’audience en appel, le 21 juin dernier. La sanction prendra effet le 1er février prochain. 

En décembre 2021, à la suite d’une plainte du CDOM des Bouches-du-Rhône, le directeur de l'IHU Méditerranée Infection de Marseille était sanctionné d’un blâme par la chambre disciplinaire de première instance de Nouvelle-Aquitaine pour avoir communiqué sur l’hydroxychloroquine, "traitement insuffisamment éprouvé", "sans accompagner sa communication de réserves", et pour avoir déconsidéré la profession en s'exprimant de manière "peu correcte, discourtoise voire agressive", notamment à l'encontre de confrères médecins.

Une sanction jugée "trop indulgente" par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), qui avait décidé de faire appel. L’avocat du Pr Didier Raoult, Me Di Vizio, dénonçait quant à lui une décision infondée "ni en fait, ni en droit", "symbolique", et résultant d'une "pression médiatique", et avait demandé, lors de l’audience de juin dernier, son annulation et la relaxe de l'ensemble des charges pesant sur son client. 

Dans sa décision du 2 octobre qu’Egora a pu consulter, la chambre disciplinaire nationale a considéré que le Pr Raoult a bel et bien contrevenu à plusieurs articles du code de la santé publique, notamment au respect des "principes de moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine" ou à son devoir d’"apporter son concours à l'action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l'éducation sanitaire", notamment en remettant en cause la vaccination.

Le microbiologiste a également manqué de "prudence" en promouvant un "traitement insuffisamment éprouvé" par les données de la science, a-t-elle jugé. Il a également méconnu le code de la santé publique en persistant à "prescrire" de l’hydroxychloroquine contre le Covid "malgré les avis répétés et concordants des autorités sanitaires", qui avaient conclu à "l’absence de bilan bénéfice/risque favorable". Dès le 23 mars 2020 d’ailleurs, un arrêté réservait l'HCQ aux formes les plus graves de Covid traitées dans un cadre hospitalier, puis un décret du 26 mai 2020 était venu interdire son utilisation hors AMM.

La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre a néanmoins estimé que le professeur marseillais n’a pas contrevenu à son obligation d’informer clairement les patients qu’il a traités durant l’épidémie (article R4127-35 du code de la santé publique). "Les patients traités à l’IHU contre le Covid-19 [près de 30 000] ont été dûment informés des risques associés à l’hydroxychloroquine et du fait que la dispensation de cette spécialité y était effectuée hors AMM", peut-on lire dans la décision. 

De même, "en ne traitant que 30 000 patients sur les 200 000 qui s’étaient présentés à l’IHU, le Pr Raoult a sciemment écarté du traitement par hydroxychloroquine les patients qui présentaient les facteurs de risque les plus élevés". Le protocole de l’IHU de l’époque contre-indiquait l’HCQ aux patients à haut risque cardiovasculaire. En outre, la "posologie adoptée (quantité et durée) respectait les seuils indiqués dans le protocole d’utilisation thérapeutique de l’ANSM" (du 30 mars 2020) ", écrit la chambre disciplinaire nationale. 

Pour ces raisons, "le Pr Raoult ne peut être regardé comme ayant fait courir aux patients qu’il traitait un risque injustifié". 

 

"Protocole de recherche"

Toutefois, l’Ordre considère que le microbiologiste a enfreint le code de la santé publique en menant une recherche "interventionnelle" sans respecter les règles en vigueur. En 2020 et 2021, le Pr Raoult et l’équipe de l’IHU ont traité environ 30 000 patients contre le Covid, avec de l’hydroxychloroquine, associée ou non à l’azithromycine et l’ivermectine. "Eu égard à son ampleur, à son caractère organisé et au mécanisme de suivi et d’analyse des résultats qui ont donné lieu à l’étude ainsi publiée, une telle opération ne peut être qualifiée de simple analyse rétrospective de l’administration d’une spécialité hors AMM mais doit être regardée comme la mise en œuvre d’un protocole de recherche", peut-on lire dans la décision. Or, le directeur de l’IHU n’avait pas obtenu l’avis favorable des autorités sanitaires.

Enfin, la chambre disciplinaire nationale a jugé que le Pr Raoult avait tenu publiquement à l’égard d’autres établissements ou confrères des propos "dépassant le cadre de la liberté d’expression et empreints d’absence de confraternité". "Des propos tels que ceux où le Pr Raoult mettait en avant les bons résultats de l’IHU, en les opposant à ceux des hôpitaux parisiens où ‘ils comptaient les morts’", rapporte la décision, citant des propos datés du 7 novembre 2020.

Ces manquements ont ainsi valu au profession marseillais une sanction plus sévère qu’en première instance. Dans les faits, la suspension qui lui a été infligée ne changera rien à la vie du Pr Raoult qui, depuis son départ à la retraite, s’était désinscrit du tableau de l’Ordre, ne souhaitant pas "faire partie de cette bande". La sanction infligée est ainsi essentiellement symbolique.  

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Claire FAUCHERY

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3 débatteurs en ligne3 en ligne
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 an
 "en ne traitant que 30 000 patients sur les 200 000 qui s’étaient présentés à l’IHU, le Pr Raoult a sciemment écarté du traitement par hydroxychloroquine les patients qui présentaient les facteurs de risque les plus élevés" Il faudrait quand-même savoir s'il devait traiter ou non par ce produit qu'on lui reproche en même temps d'avoir utilisé et de n'avoir pas utilisé !
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Débatteur Passionné
Biologie médicale
il y a 1 an
Didier a eu tort! Il aurait du faire comme Institut Pasteur de Lille qui en mai 2021 annonce ses résultats prometteurs sur le Clofoctol (in vitro et chez la souris: Clofoctol inhibits SARS-CoV-2 replication and reduces lung pathology in mice PLOS Pathogens May 19, 2022 ). Ils veulent ensuite faire un essai dans les règles de l'art: Résultat donné par l'IPL en décembre 2021: Un essai clinique a été initié pour tester l’efficacité du clofoctol dans le traitement de la Covid-19. ... De nombreuses procédures ont malheureusement retardé le début possible de cet essai clinique. Les délais d’obtention des autorisations sont à l’origine de difficultés très importantes pour recruter des volontaires, puisque le début de l’essai clinique a eu lieu alors que les possibilités de recrutement étaient drastiquement réduites par la nécessaire et massive campagne vaccinale. Les conséquences financières de ces difficultés ont amené la direction de l’Institut Pasteur de Lille à prendre la décision de ne plus recruter de patients afin de reconfigurer le projet pour l’adapter à l’évolution de la pandémie. La direction de l’Institut Pasteur de Lille ...remercie profondément tous les donateurs et entreprises mécènes, et particulièrement le groupe LVMH, pour leurs soutiens dans ce projet de recherche. Merci qui?
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Médecine générale
il y a 1 an
"des propos "dépassant le cadre de la liberté d’expression et empreints d’absence de confraternité" Voilà un scoop : la liberté aurait à présent "un cadre" ! ! ! ! ? ? ? Il s'agirait plutôt d'un oxymore qui, curieusement, ne semble nullement déranger les journalistes si prompts à manifester bruyamment et sans partage sur ce délicat sujet de la liberté d’expression .
 
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