"Les jeunes médecins exigent trop" : un maire de désert confie son désespoir

24/10/2017 Par A.M.
Démographie médicale

Noël Cozic a tout essayé : les petites annonces, la vidéo qui fait le buzz, le speed dating organisé par l'ARS… En vain. Depuis près de cinq ans, sa commune de 1400 habitants, Landudec (Finistère), demeure sans médecin généraliste. Pour ce maire, les villages ne peuvent rivaliser avec les collectivités plus aisées dans la guerre des déserts, où la concurrence fait rage pour offrir aux médecins les meilleures conditions d'installation possibles.

"Notre docteur est parti à la retraite il y a 4 ou 5 ans. A l'époque, il avait encore l'espoir de monnayer sa patientèle… Je pense que ça a pu décourager certains candidats. Mais quand il s'en est rendu compte, il était trop tard. Les deux médecins de la commune voisine sont partis à la retraite presque au même moment, ce qui fait que le manque de médecins s'est très vite fait ressentir à Landudec. En l'absence de médecin sur place, c'est très vite le Samu.   Une fortune   Déjà avant son départ, nous avions entrepris les démarches pour trouver un successeur. Nous avons rencontré l'ARS, la communauté de communes, l'Ordre des médecins. Nous avons envoyé 250 prospectus à la faculté de médecine de Brest et acheté quelques placards dans la presse. Ça coûte une fortune ! Quant au chasseur de tête, pour lequel on aurait dû débourser dans les 10.000 euros, on y a renoncé. En juillet 2016, nous avons tourné une vidéo*, pour laquelle nous avons dépensé 2000 euros. Puis la commune a participé au "Généraliste dating" organisé par l'ARS à la fac de médecine de Brest. Là-bas, on a eu une touche avec un jeune médecin, qui venait de valider sa thèse. Nous avons eu des contacts très approfondis avec lui. Ça a été une négociation difficile…   "Vous exigez trop de nous!"   Il demandait à ce qu'on prenne en charge le loyer du cabinet, un local rénové situé dans l'ancien collège. Nous étions prêts à payer les 700 euros mensuels pendant un an, mais pas pour une période indéterminée comme il semblait le vouloir… Il souhaitait aussi que la mairie finance le salaire d'une secrétaire médicale. Chargé, cela représente dans les 3000 euros par mois ! On a fini par lui répondre : "Vous exigez trop de nous!" Alors il est allé voir ailleurs, sans doute dans une commune qui a pu surenchérir…  

A lire également: Agnès Buzyn : "Il ne faut pas tout miser sur l'installation d'un médecin par village"

  Je pense qu'il est parti pour deux raisons. La première, c'est qu'on ne répondait pas à ses exigences. Il ne faut pas oublier quand même que comme la commune se trouve en zone sous-dense, il y a aussi des aides de l'Etat pendant deux ans. Et si au bout de deux ans, un médecin n'est pas capable de s'autosuffire, c'est inquiétant. Mais il avait sans doute aussi la peur d'exercer seul… Peur des responsabilités, de la charge de travail. Il y a largement le potentiel pour deux médecins à Landudec, avec les villages de 400-500 habitants qui se trouvent à côté. Sans compter que les médecins.... de la ville voisine ont tous la soixantaine et s'approchent de la retraite. En fait, beaucoup de médecins des alentours se sont installés dans les années 60-70 et ceux qui nous gouvernent n'ont pas anticipé leur départ… L'ARS nous pousse à promouvoir des regroupements de médecins. Moi je veux bien, mais il faudrait déjà qu'on trouve le premier ! Et c'est pas parce qu'on va construire une maison de santé qu'un médecin viendra s'y installer…"   *Cette vidéo humoristique, qui a cumulé 150 000 vues, a été reprise par de nombreux médias régionaux et nationaux.   

La surenchère des collectivités

Pour attirer un médecin, les maires des communes situées en zone sous-dense ont bien compris qu'offrir un an de loyer était la moindre des choses. Le maire de Saint-jean-de-Maruéjols (Gard), village de 810 habitants confrontée à plusieurs départs en retraite, a décidé de doubler la mise, en prenant en charge deux ans de loyer.
Placée en zone de "vigilance" par l'ARS Centre -Val de Loire, la ville de Châteauroux (44 000 habitants), dans l'Indre, prend les devants. La municipalité vient de voter un dispositif d'aide à l'installation des médecins. Dix médecins généralistes nouvellement installés dans le département recevront la somme de 10.000 euros par an, pendant cinq ans. S'ils ne vont pas au terme des cinq ans, ils devront rembourser les sommes versées dans l'intervalle.
Quant au Conseil général de Saône-et-Loire, il s'apprête à recruter 30 équivalents temps plein de médecin généraliste. Salariés de la collectivité, ils viendront prêter main forte aux libéraux déjà installés dans le département. Les conditions sont alléchantes : un CDD de 3 ans renouvelable pouvant déboucher sur un CDI; 35 heures hebdomadaires; la mise à disposition d'un secrétariat médical et d'une équipe administrative; une rémunération selon l'âge et l'expérience adossée à la grille de la fonction publique hospitalière. Un budget de 2 millions d'euros a été débloqué.
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Les négociations conventionnelles entre les médecins et l'Assurance maladie doivent-elles reprendre?

Jerry Tulassan

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La négociation est une série d'entretiens, de démarches entreprises pour parvenir à un accord, pour conclure une affaire ou mettre... Lire plus

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