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Suppression du service médical de la Cnam : les médecins-conseils craignent pour leur indépendance

Alors que la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam) planche sur un projet de réorganisation du service médical, les praticiens-conseils craignent pour leur avenir et leur indépendance. Leurs syndicats ont appelé à la grève ce jeudi 3 octobre.

03/10/2024 Par Chloé Subileau
Assurance maladie / Mutuelles
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Article modifié à 17h17 : ajout de la réaction de Thomas Fatôme

 

Les médecins-conseils vont-ils perdre leur indépendance ? C'est en tout cas ce que craignent ces derniers, alors qu'un projet de réorganisation du service du contrôle médical est en discussion. Les 1 500 praticiens-conseils – médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes – que comptent la France dépendent pour l'heure des 16 directions régionales du service médical, et bénéficient d'une totale autonomie.

Alors que le coût total des arrêts de travail a bondi de 8,5% au premier semestre de l'année 2024, un projet de réorganisation prévoit la suppression, à compter d'avril 2025, du service médical pour le passer sous la direction des caisses primaires. "Nous aurons comme supérieur hiérarchique le directeur de la caisse primaire. Il pourra [alors] faire pression sur nous pour refuser des prestations", s'indigne auprès du Canard Enchaîné le Dr Yvan Martigny, élu CFE-CGC. Ce projet doit être présenté par la Cnam aux organisations syndicales ce jeudi 3 octobre ; ces dernières ont appelé à la grève massive ce même jour.

"C'est gravissime"

L'Assurance maladie, elle, assure que "l'indépendance technique des médecins-conseils, dans l'exercice de leurs fonctions est d'ores et déjà garantie par les codes de déontologie [voir encadré]. Par ailleurs, l'accès aux données médicales par les personnels s'opérera toujours sous l'autorité d'un praticien-conseil." Mais cette justification peine à convaincre. "Récemment, un directeur départemental a exigé d'un médecin-conseil qu'il lui communique un listing des patients en affection longue durée. C'est interdit. Le praticien a donc refusé. Avec cette réforme, il sera obligé de la donner !", a ainsi lancé la Dre Emmanuelle Soustre, élue CFDT, au Canard.

De plus, "jusqu'à présent, les données médicales des assurés étaient ultra-protégées, mais jusqu'à quand ?", s'interroge la Dre Anne Matillo, médecin au service médical de l'Assurance maladie de Montpellier, citée par France 3.

"A l'heure ou la Cnam envisage une politique de sensibilisation concernant les arrêts de travail, les prescriptions médicales de transport ou les ordonnances bizones, voir disparaître à très court terme le service médical pose question", avance, de son côté, la CSMF dans un communiqué, diffusé ce jeudi. Le syndicat demande, par ailleurs, à la Cnam de "clarifier sa position et d'assurer les patients et les médecins du respect absolu du secret médical et des entretiens confraternels".

L'organisation Médecins pour demain se dit, elle, "inquièt[e]". "Il nous sera impossible de travailler avec l'Assurance maladie si nous n'avons pas la garantie que le secret médical est protégé par son service médical [et] si les prescriptions d'arrêts de travail ne sont plus respectées pour nos patients", prévient-elle.

Sur le réseau social X, le Dr Jérôme Marty, a aussi réagi. "C’est gravissime : la suppression du service médical de l’Assurance maladie est la porte ouverte au viol du secret médical ! A l’accession à vos données médicales de gens qui n’ont pas à y accéder ! A l’économie sur le soin et sa logique comptable jusqu’à la violence administrative…", a lancé le président de l'UFML.

[avec Le Canard Enchainé et France 3]

 

 

"Il ne s'agit en aucun cas d'une suppression", défend Thomas Fatôme

"Le projet présenté ce jour en Comité social d’entreprise central, et concernant l’organisation du service médical, réaffirme le rôle majeur des médecins-conseils pour le bon accomplissement de l’ensemble des missions de l’Assurance maladie, assure le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme, dans une réaction transmise en fin d'après-midi à Egora. C’est tout le sens de la dynamique engagée de faciliter l’exercice de leurs missions, de renforcer la coordination avec le personnel administratif et ainsi l’efficacité des actions menées. Il s’agit de conforter sa pérennité et d’élaborer une organisation répondant aux enjeux actuels, notamment la raréfaction des effectifs médicaux, et en aucun cas d’une suppression du service médical. Cette logique qui rapproche les équipes médicales et administratives existe déjà dans beaucoup d’organisations (caisses de MSA, ARS, agences sanitaires)."
Le directeur de la Cnam se dit "très attaché aux missions réalisées chaque jour par les praticiens-conseils de l’Assurance maladie, essentiels à nos actions auprès de nos publics, assurés et professionnels de santé. Leur indépendance, condition indispensable à l’exercice de la profession et garantie par les codes de déontologie, est pleinement préservée dans ce projet. Les praticiens conseils resteront gérés dans un cadre national, avec une convention collective qui restera spécifique, et des mécanismes d’évaluation qui resteront aussi nationaux.  J’en serai le garant."

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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 an
jusqu'aux années 1968 ( environ) le service médical dépendait des CPAM et de leurs Directeurs. Nos politiques actuels doivent se poser la question sur la ou les raisons qui ont fait décider en 1968 de passer les médecins conseils hors la hiérarchie des CPAM et de leur conseil d'administration .... Je n'en dirai pas plus même s'il est vrai qu' actuellement les caisses n'ont plus un conseil d'administration mais un simple conseil qui a moins de pouvoir , et en particulier celui de nommer les Directeurs. Le souci de cette organisation est que les assurés des différentes CPAM n' avaient pas le même traitement.Il y avait aussi des injonctions des administrateurs parfois très limites. C'est donc à cette époque que les échelons médicaux ont été créés avec des médecins conseils dépendant de la CNAMTS via un intermédiaire régional et des agents administratifs dépendant administrativement des CARSAT ( en théorie). C'est ainsi que les échelons médicaux sont devenus PRES les CPAM et non pas DES CPAM. Revenir en arrière sera certainement une cause de diminution de l'indépendance des médecins conseils dans leur décision, en contradiction donc avec les dispositions du code de déontologie qui protége médecin, patients et assurés. Ce n'est pas une bonne nouvelle non plus pour les médecins libéraux, car je constate que depuis quelques années les Directeurs de CPAM sont, en cas de fraude, appétents de plainte pénale et pas seulement ordinale comme pouvait parfois en faire les services médicaux par l'intermédiaire de leur médecin-chef en dernier recours en cas de récidive de fraudes avérées.
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Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 1 an
Leur indépendance, condition indispensable à l’exercice de la profession et garantie par les codes de déontologie, est pleinement préservée dans ce projet. J’en serai le garant. Ça me rappelle l’histoire du loup qui jurait aux moutons que s‘ils votaient pour lui, dès qu’il serait élu, il deviendrait végétarien…
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 1 an
Le secret médical ne sera plus sanctuarisé, et soyons honnêtes, la secu est l'assurance qui a le plus de données médicales sur ses assurés, probablement beaucoup plus que ce qui est nécessaire. Comment est-il possible de continuer à communiquer le motif médical d'un arrêt ou d'un transport dans ces conditions ?
 
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