"J'ai du mal à dire non" : ces demandes de certificats qui mettent les médecins à la peine
A l'occasion de son dernier Café FMF, organisé jeudi 29 août, le syndicat recevait le Dr Michaël Rochoy, responsable au sein du Collège de médecine générale (CMG) du groupe de travail sur les certificats absurdes. En ce début de "septembre violet", mois de sensibilisation à ce gaspillage de temps médical, les médecins ont pu partager leurs galères au quotidien et discuter de moyens d'action pour en finir avec la paperasse inutile.
C'est un jeu auquel se prêtent volontiers les médecins : citer le certificat le plus absurde qu'ils aient jamais eu à rédiger. "Moi c'était un 10 mars, se lance la Dre Patricia Lefébure, présidente de la FMF, lors d’un Café FMF consacré à la question, jeudi 29 août. Un patient m'a demandé un certificat pour son bailleur HLM, comme quoi il était toujours en vie." La généraliste se prête à l'exercice et rédige un insolite "certificat de vie", daté du jour de la consultation. Mais le patient "revient" : l'office HML n'est pas satisfait, il exige un document certifiant que le locataire était en bien en vie… au 1er janvier. "J'ai repris le certificat en disant que je voyais le patient le 10 mars et que donc j'en déduisais qu'il était en vie le 1er janvier", ironise-t-elle. Deux consultations chronophages dont la généraliste se seraient bien passées.
Libérer du temps de soin... ou du temps libre
Dénonçant le gaspillage de temps médical que représentent ces certificats administratifs, sportifs, scolaires ou encore les arrêts de travail courts qui ne visent qu’à justifier d’une absence auprès de l’employeur, le Collège de médecine générale (CMG) a décidé de passer à l'offensive. En ce mois de septembre, il s'est donné pour objectif de sensibiliser le grand public et les décideurs à la question, au moyen d'une campagne d'affichage dans les cabinets et d'une série de courriers. Une lettre vient d’être envoyée à France assurance, une autre au président de l'Association des maires de France, indique le Dr Michaël Rochoy, responsable du groupe de travail dédié au CMG. "Qu'on libère du temps de soin, ou qu'on libère du temps libre aux médecins, dans les deux cas, ça va dans le bon sens, insiste le généraliste installé à Outreau. Ça enverra un message positif aux remplaçants et aux jeunes qui ne s'installent pas à cause de la surcharge administrative."
Une surcharge difficile à quantifier, reconnaît-il : d’après les quelques thèses qui ont porté sur le sujet, l'ensemble des tâches administratives représenteraient "15 à 20%" du temps de consultation. De rapides calculs suffisent à démontrer l’ampleur du problème : "Il y a 400 000 places en crèche, 60 000 généralistes, ça fait 6 à 7 consultations pour un certificat d'aptitude à l'entrée en collectivité par médecin", illustre le généraliste. A chaque rentrée, ces derniers signeraient "2 à 3 millions" de certificats sportifs, les clubs non affiliés à des fédérations restant libres de fixer leurs exigences en la matière.
A ce sujet, un médecin se montre plus réservé. Les consultations pour certificat de non contre-indication à la pratique sportive sont "un moment important en termes de prévention", soutient-il. "Ma source d'irritation principale reste les nounous et les cantines." Un confrère, médecin agrée de l'administration, témoigne quant à lui de la lourdeur de cette activité. En la matière, dénonce-t-il, "on atteint un certain sommet dans l'absurdité…" Ces demandes de certificat étant "cadrées légalement", il est "plus compliqué" de changer les choses, concède Michaël Rochoy.
Boycott
"Peut-être que je n'arrive pas à dire non, mais j'ai du mal à m'y mettre…", confesse un autre médecin. "Qu'est-ce qu'on fait si le patient n'a pas son prêt ? Si le parent ne peut pas inscrire son gamin parce qu'on refuse tous de faire le certificat ? Peut-être que je lâche facilement, pour une question d'obtention des droits."
Il faut convaincre le patient que ce refus est dans son intérêt, lui répond Michaël Rochoy. "Si vous voulez qu’on accepte d’aller voir votre mère en Ehpad, plutôt que d’essuyer 20 refus, il faut nous libérer du temps", plaide le généraliste. "Et le certificat enfant malade, ça embête tout le monde, le médecin, mais aussi les parents."
"On ne s'en sortira pas sans une action conjointe", insiste le Dr Richard Talbot, trésorier de la FMF. "Si tout le monde boycotte le certificat pour la marche des séniors du coin, ils vont plier. Je suis très fier d'avoir fait plier la mairie : maintenant, ils demandent une décharge de responsabilité pour les cours de natation."
Pour aider les médecins à refuser ces demandes médicalement infondées, voire illégales, le CMG a mis en place un générateur de courriers. "Ces refus argumentés peuvent dissuader la crèche de faire la demande l'année suivante ou éviter que les parents ne sollicitent tous les confrères du coin", insiste Michaël Rochoy. Un travail de longue haleine.
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