"Depuis des mois nous travaillons sans pouvoir nous verser un Smic" : un infirmier libéral raconte le naufrage de son cabinet

06/02/2024
Témoignage
Charges en hausse, trop faible rémunération, absence de reconnaissance… À l'image de nombreuses professions de santé, les infirmières alertent depuis des années sur la dégradation de leurs conditions de travail. Éreinté, un infirmier libéral a décidé de quitter la profession. Avec ses associés, ils vont prochainement fermer leur cabinet. Un choix que cet infirmier explique sur le réseau social X.

 

  “Pincement au cœur ce soir.  Après avoir reçu mon caducée infirmier 2024, qui sera sans doute le dernier. En effet, aujourd’hui, c’était réunion avec les collègues, pour envisager la fermeture du cabinet. Après avoir fermé mon premier cabinet au mois d’août 2023, car il n’était plus viable, j’avais rejoint en septembre un cabinet qui recherchait un nouvel associé suite au départ d’une de leur collègue. Mais la problématique est la même : au fil des ans, nous travaillons plus, pour gagner moins… Actuellement, les charges deviennent insoutenables (en 2024, une hausse de 115% pour la prévoyance, de 44% pour l’électricité en deux ans…), surtout que nos honoraires n’ont pas été revalorisés depuis 2009 ! "Je ne peux plus cautionner ces conditions" Une obole de 25 centimes brut vient de nous être octroyée pour nos déplacements, qui passent de 2,50€ à 2,75€ brut. Quel professionnel se déplace pour intervenir à domicile en 2024 ? L’inflation cumulée depuis 2009 frôle les 37% selon l’OCDE. Notre perte de pouvoir d’achat est énorme. En s’amusant à calculer notre taux horaire, nous sommes depuis des mois entre 6€ et 9€ de l'heure. J’aime mon métier, j’aime soigner, j’aime mes patients, mais je ne peux plus cautionner ces conditions. Depuis des mois nous travaillons sans pouvoir nous verser un SMIC, avec un Bac+3 et des horaires de dingue. Est-ce que le gouvernement pense que nous sommes encore au temps où les infirmières étaient des nonnes, et que nous travaillons bénévolement ? Nous devons nous loger, nous nourrir, nous vêtir, nous chauffer, payer nos crédits, utiliser du carburant, assumer les études des enfants…

Nous nous étions habitués à être des travailleurs pauvres, mais là, travailler en étant dans la misère, ce n’est plus acceptable. Alors la décision est prise. Pas facile à prendre, à accepter de notre côté, et cela sera très difficile pour nos patients et leurs familles. Également difficile à comprendre pour les élus des communes où nous étions seuls à intervenir. Mais voilà, il nous faut aussi penser à nous et à nos proches. "J'ai baissé les bras" Cela fait trop longtemps que l’on alerte, que l’on tire la sonnette d’alarme, et que l’on se fait envoyer sur les roses par les politiques qui nous rétorquent que tout va bien. Je ne crois plus à une amélioration rapide. Moi j’ai baissé les bras, mais force et courage à ceux qui continuent la lutte. Je ne crois plus à un impact quelconque des manifs, des rencontres avec les élus, députés et sénateurs, des opérations escargots… Je me dis même que cette fermeture, ainsi que les autres qui se sont produites avant et celles qui vont arriver, sont peut-être finalement ce qu’il faut pour qu’enfin les gens se rendent compte de la situation et que cela fera peut-être évoluer les choses pour ceux qui restent et les prochains qui s’installeront. Espérons ! Pour nos anciens, et pour nous qui le seront un jour."

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

1 débatteur en ligne1 en ligne
Photo de profil de Georges FICHET
6,3 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 ans
Il y a 5 ans, en déplacement en métropole, j'avais dû appeler une infirmière libérale pour faire retirer de points après une blépharoplastie. Lorsque je lui ai demandé combien je lui devais, j'ai été choqué d'entendre "8 euros". Je lui ai remis 20 euros en lui disant de garder la monnaie. Mais elle était tellement "formatée" à des honoraires insignifiants qu'elle s'est sentie gênée d'accepter. J'ai dû lui expliquer que moi-même, étant médecin, j'avais dû revaloriser mes honoraires à coups de DE systématiques.
Photo de profil de Dominique SOUVESTRE
2,6 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 2 ans
Bizarre, bizarre, j'ai ouvert mon cabinet de médecin généraliste en avril 1984. Voici le nombre d'actes "PAR MOIS" cette même année 1984: 53 en avril, 58 en mai, 63 en juin, 42 en juillet, 45 en aout, 55 en septembre, 82 en octobre, 77 en novembre et 51 en décembre. J'ai pu survivre grâce à de nombreuses gardes de nuit et de WE. Et j'ai finalement pu faire mes 37 ans de carrière à ce même cabinet jusqu'en mars 2021. L'activité à la fin n'avait rien à voir avec celle de mes débuts. Désolé, mais les professionnels surchargés qui n'arrivent pas à payer leurs charges, j'ai beaucoup de mal à comprendre.
Photo de profil de CHARLES HANLET
1,4 k points
Débatteur Passionné
Oto-rhino-laryngologie
il y a 2 ans
Il est grand temps de se rendre compte que le conventionnement était un piège socialiste pour tous les professionnels de santé. Mais il est devenu aussi "naturel" que l'air qu'on respire... Quand le secteur 2 a été inventé, beaucoup ont eu la pétoche d'y passer, et l'ont amèrement regretté. Avant de mettre la clé sous la porte, cet infirmier pourrait peut-être tester le déconventionnement ?
 
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