Particules fines : un impact négatif sur l’asthme infantile, mais pas seulement

19/09/2019 Par Corinne Tutin
Pédiatrie

Les preuves de l’influence des polluants de l’air sur la santé respiratoire, cardiovasculaire et sur la mortalité s’accumulent. Les effets négatifs de la pollution sur la santé sont de plus en plus manifestes. Une étude de pédiatres et pharmacologues parisiens a ainsi confirmé l’existence d’une relation entre l’exposition aux particules fines de moins de 2,5 microns de diamètre (PM 2,5) et la fréquence des crises d’asthme infantile. Cette vaste étude a été réalisée à partir d’une base de données rassemblant 1 264 585 consultations pédiatriques, dont 47 107 motivées par une exacerbation d’asthme, qui avaient eu lieu durant la période 2010-2015 dans les services d’urgences de 20 établissements de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP) (1). Les jeunes patients avaient 3,5 ans en moyenne (1,3-8,8 ans) et 55,4 % étaient de sexe masculin. Le niveau d’exposition aux différents polluants atmosphériques : particules fines 2,5 et 10, dioxyde d’azote (NO2), ozone (O3) a été évalué à partir des stations de mesure du réseau Airparif, les données étant recueillies sur une base horaire. De plus, l’analyse a pris en compte d’autres paramètres environnementaux pouvant influencer l’évolution de l’asthme comme les données météorologiques, l’exposition aux pollens, l’évolution au cours du temps des infections provoquées par le virus respiratoire syncytial (VRS). Le seul polluant atmosphérique associé de façon indépendante aux consultations pour exacerbation d’asthme était représenté, dans cette étude, par les particules de moins de 2,5 microns de diamètre (p < 10-4) avec une relation de type sigmoïde, le nombre de consultations pour asthme augmentant progressivement avec la concentration de PM 2,5 pour atteindre un plateau. La moitié de cet effet maximal était atteint pour une concentration de PM 2,5 de 13,5 µg/m3. Ces résultats n’étonnent guère le Pr Jean-Marc Tréluyer, qui a participé à cette étude et dirige l’unité de recherche clinique de l’hôpital Cochin de Paris, « car de plus en plus de travaux cliniques mettent en évidence l’impact des particules fines sur la survenue de l’asthme. On mesure des particules de plus en plus fines, qui exercent des effets négatifs car elles pénètrent au fond de l’arbre pulmonaire et il a même été montré que des nanoparticules ont des effets défavorables sur la fonction respiratoire ».  Les particules de moins de 2,5 microns ont aussi l’inconvénient de demeurer plus longtemps...

dans l’atmosphère que les plus grosses. « Pour autant, ce n’est pas parce que cette étude pédiatrique ne l’a pas mis en évidence que les autres polluants atmosphériques n’interviennent pas sur l’asthme », estime le Pr Tréluyer. « L’absence de seuil et l’observation d’une augmentation des exacerbations d’asthme pour de faibles concentrations de PM 2,5 laissent en tout cas penser que les recommandations européennes et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de rester en dessous d’une concentration annuelle moyenne de respectivement 25 µg/m3 (Europe) et 10 µg/m3 (OMS) de PM 2,5 sont inadaptées ». De fait, ces chiffres correspondent à respectivement 65 % et 42 % de l’effet délétère maximal des PM 2,5 vis-à-vis des exacerbations d’asthme au vu de l’étude francilienne. Le seul élément positif, mis en évidence par cette étude, est qu’à Paris la tendance est à la baisse pour l’exposition aux particules fines - 20,5 % et - 25,1 % pour les PM 10 et PM 2,5 entre 2011 et 2014 (- 6,6 % pour le NO2, + 5 % pour l’O!). Mais sur les 5 ans de l’étude, les concentrations moyennes de PM 10 et 2,5 atteignaient tout de même 29,4 et 18,4 µg/m3 à Paris (contre 41,8 µg/m3 pour le NO2, et 45,5 µg/m3 pour l’O3). Des conséquences sous-estimées Le Pr Tréluyer s’étonne et regrette « les discordances qui persistent entre des connaissances scientifiques de plus en plus étoffées concernant l’impact négatif de la pollution atmosphérique, et notamment des particules fines, dans toutes les tranches d’âge (fœtus, enfants, adultes) sur la santé respiratoire, cardiaque, et même la survenue d’accidents vasculaires cérébraux et de démences, et l’absence de prise en compte du danger par le public et beaucoup de médecins ». « L’étude publiée dans le New England Journal of Medicine le 22 août 2019 par Cong Liu et coll., qui a pris en compte 652 villes de 24 pays et de plusieurs continents vient d’ailleurs de confirmer la relation entre PM 2,5 et PM 10 et mortalité globale, cardiovasculaire et respiratoire », indique-t-il. Les taux s’élèvent ainsi respectivement de + 0,68 %, + 0,55 % et + 0,74 % pour toute augmentation de 10 µg/m3 des PM 2,5 ; et de + 0,44 %, + 0,36 %, et + 0,47 % pour les PM 10. Le niveau moyen est de de 56,0 µg/m3 pour les PM 10 dans 598 villes, et de 35,6 µg/m3 pour les PM 2,5 dans 499 villes, NDLR) (2). Comme il n’existe pas de seuil, il est difficile de se protéger même s’il faut être particulièrement prudent lors des pics de pollution : éviter de promener les enfants lors des gros axes de circulation, se rappeler qu’on est particulièrement exposé en voiture... « Il est utile de s’informer sur le niveau de pollution sur les applications de Airparif ou Plume Labs lorsqu’on envisage de faire du sport », recommande le Dr Tréluyer, « ce d’autant que les stades à Paris sont tous près du périphérique ! »

  1. Bouazza N, et coll. Arch Dis Child 2018 ; 103 : 828-31.
  2. Liu C, et coll. N Engl J Med, 2019 ; 381 : 705-15.
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