Insuffisance cardiaque : les patients âgés sont sous-traités

03/11/2022 Par A.V.
Cardio-vasculaire HTA

Chaque année en France, l’insuffisance cardiaque (IC) touche plus d'un million de personnes, dont 75 % ont plus de 75 ans. Cette classe d’âge représente la moitié des hospitalisations, potentiellement évitables. Or, plus le patient est âgé et moins il accède à toutes les classes médicamenteuses.   « Lorsque nous traitons des patients âgés pour IC, nos problématiques sont les risques d’hypotension orthostatique, chutes, insuffisance rénale, atteintes cognitives mais aussi leur polymédication. Leur prise en charge globale en est conditionnée. Or les traitements indiqués pour les patients âgés (IC à FR réduite / moyennement réduite et à fraction d'éjection préservée) sont les mêmes que pour les sujets plus jeunes mais avec une balance bénéfice / risque évaluée en tenant compte de leur fragilité », rappelle la Pre Laure Joly, cardiologue, et professeure en gériatrie (CHRU Nancy). Le Dr Amaury Broussier, gériatre (CHU Henri Mondor) ajoute que « nous avions jusqu’à présent peu de données observationnelles par classe d’âge. Aujourd’hui, dans les différents registres observationnels internationaux, nous voyons qu’avec l’âge, les patients sont de moins en moins correctement traités. Les traitements de l’IC leur sont moins prescrits. La réadaptation cardiaque leur est moins accessible. De même, nous n’avions pas encore de données d’efficacité des traitements chez ces patients. Or, les dernières publications montrent une efficacité des traitements de l’IC persistant à travers les âges de façon globale ». Ainsi, l’étude rétrospective d’une cohorte de 295 500 patients ayant plus de 85 ans (Gilstrap et al., JAGS 2021) montre que la mortalité de ceux traités correctement baisse de façon satisfaisante. Des essais récents prennent désormais en compte la fragilité des patients. Celle-ci est un outil d'évaluation multi-domaines (motricité, nutrition, cognition, autonomie). L’évaluation globale (Index de fragilité de Rockwood) ou motrice (critères de Fried) permet de classer les patients entre robustes, très fragiles ou fragiles. Selon le Dr Broussier, « cette approche lève un frein à la prescription des traitements de l’IC. Une méta-analyse (Yang et al., J Am Heart Assoc. 2018) avait déjà montré que la fragilité est un élément pronostic majeur indépendant. Les patients âgés IC fragiles sont bien plus hospitalisés et meurent bien plus que les autres. Mais nous ne savions pas si la fragilité jouait un rôle dans l'efficacité du traitement. Nous avons des éléments de réponse avec les iSGLT2. L’étude pilote Dapa-HF (avec la dapagliflozine) sur l’IC à fraction d'éjection (FE) réduite a permis d’avoir des résultats stratifiés sur le niveau de fragilité des patients. Ils montrent que l’efficacité du médicament augmente avec le niveau de fragilité des patients. C'est un élément majeur car c’est un paradigme différent de l’HTA ». L’essai Paragon-HF a montré les mêmes résultats avec le sacubitril-valsartan. L'efficacité a été prouvée dans l’IC à FE réduite, mais non dans l’IC à FE préservée. Une publication en sous-groupes sur le niveau de fragilité, montre une efficacité chez les patients âgés les plus fragiles. L’étude Deliver, présentée au congrès de l’European Society of Cardiology (ESC 2022), testant la dapaglifozine, a effectué des analyses stratifiées par classe d’âge et par niveau de fragilité. Les résultats ont également montré une efficacité dans l’IC à FE préservée persistant chez les plus de 75 ans, une efficacité spécifique sur les ré-hospitalisations, persistant chez les patients très fragiles, avec un niveau supérieur dans ce groupe. De même pour les scores de qualité de vie.   Des effets secondaires à surveiller « Au niveau de la sécurité des traitements, concernant le sacubitril-valsartan, l'hypotension orthostatique, plus présente chez les plus de 75 ans, sera recherchée. Pour les iSGLT2 dans l’IC à FE réduite et préservée, aucune alerte n’a été mise en évidence chez les patients les plus âgés et les plus fragiles, ce qui est rassurant. Il faut néanmoins contrôler les risques d'infection urinaire et mycosiques de la sphère génitale et proposer une éducation en termes d’hygiène intime et de toilette ou un accompagnement pour les patients ayant des troubles cognitifs. En critère secondaire, les iSGLT2 dans l’IC ont des effets natriurétique et néphroprotecteur. À l’introduction du traitement, la créatine augmente légèrement et rediminue après. C’est un atout majeur », indique le gériatre qui conclut : « Nous devons mettre en place un traitement optimum en développant une filière hospitalière et surtout ambulatoire derrière pour suivre les patients âgés dans la période la plus critique après l'IC aiguë. Dans le mois suivant l’hospitalisation, les traitements de l'IC chronique doivent être rapidement mis en place (bêtabloquants, IEC ou inhibiteurs du système rénine-angiotensine II ou association sacubitril/valsartan, antagonistes de l’aldostérone, iSGLT2) avec l'objectif d’avoir au moins une petite dose de ces molécules avec une titration progressive jusqu'à la dose maximale tolérée ».   Fardeau des aidants : les femmes sont les plus impactées
La France compte près de 11 millions d'aidants familiaux dont les 3/4 apportent une aide régulière et bénévole à des malades en perte d’autonomie ou en situation de handicap (Fondation April et BVA, 2017). Présentée par la Dre Lamia Kesri-Tartière, cardiologue (CH Toulon La Seyne-sur-Mer), l’étude nationale EFHiCA’S a notamment évalué le fardeau des aidants auprès de 1398 soignants, 1049 patients et 595 aidants, à l’aide de questionnaires. Les résultats montrent que la prise en charge de l’IC d’un proche est ressentie par les aidants comme un fardeau. Les femmes, le plus souvent les épouses, sont les plus impactées. De façon attendue, lorsque l’IC était sévère, la qualité de vie de l’aidant était diminuée et la sensation de fardeau était augmentée. Pour la Pre Laure Joly, « les aidants n'ont pas conscience de leur rôle. Ils ont un véritable engagement en assurant le suivi de la personne malade. Eux-mêmes auront des conséquences sur leur propre santé physique et mentale ainsi que sur leur vie professionnelle et personnelle. Ce constat est à l’émergence de nouveaux travaux de recherche afin de soulager leur fardeau. Nous pouvons, d’ores et déjà, conseiller des soutiens par des associations de malades. Par ailleurs, certaines structures proposent des suivis médicaux des aidants ».
D’après un entretien avec le Pr Laure Joly (CHRU Nancy)

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