Pour un nouveau plan de lutte contre la douleur

03/12/2020 Par Corinne Tutin
Algologie
La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) et 12 autres organisations* proposent dans une feuille de route 22 pistes d’action à mettre en œuvre dès 2021 pour mieux lutter contre la douleur.
 

A l’occasion de son 20e congrès national, qui a eu lieu du 18 au 20 novembre derniers, la Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) a appelé, avec 12 autres organisations de professionnels de santé et de patients*, les Pouvoirs publics à améliorer la prise en charge de la douleur dans notre pays. La SFETD rappelle, en effet, que seulement 30 % des patients douloureux reçoivent un traitement approprié et que moins de 3 % d’entre eux sont pris en charge dans des structures douleur chronique (SDC), dont un tiers pourraient disparaître prochainement faute de financement. Le dernier plan douleur date aussi de 2012. Or, la crise sanitaire a encore aggravé la situation, en raison de douleurs liées à la Covid-19, de la multiplication des situations de précarité, d’une réduction de l’offre de soins dans les centres spécialisés, liée par exemple à la baisse de disponibilité de certains spécialistes comme les anesthésistes. « Pour renverser la table », la SFETD et les 12 autres organisations ont proposé le 19 novembre, avec le soutien institutionnel des Laboratoires Grünenthal, « une feuille de route comportant 22 pistes d’actions concrètes selon 5 axes prioritaires », a expliqué le Pr Frédéric Aubrun qui préside la SFETD : « amélioration de la reconnaissance sociétale de la douleur, renforcement de la formation des professionnels de santé et des patients experts , pérennisation des structures douleur chronique, optimisation du parcours de soins du patient douloureux, amélioration de la prise en charge des publics vulnérables ».

  Une spécialité médicale La SFETD et les autres signataires souhaitent qu’un nouveau plan national de lutte contre la douleur soit mis en place, que la douleur « aujourd’hui souvent encore ignorée et sous-évaluée » devienne « une grande cause nationale » avec mise en œuvre d’une campagne de sensibilisation et qu’elle puisse être reconnue, en cas de chronicité, comme une affection de longue durée. « Il est aussi essentiel », a insisté le Pr Aubrun « que la médecine de la douleur soit reconnue...

comme une spécialité médicale avec la création d’un diplôme d’études spécialisées (DES)». « Les professionnels des SDC vieillissent. Il y a nécessité de former et recruter des plus jeunes ». Non oubliés, les pharmaciens et médecins généralistes pourront bénéficier d’actions de formation. « Des e-learnings pour prévenir le mésusage aux opioïdes sont en préparation à leur destination », a expliqué le Pr Aubrun. La France est l’un des rares pays à proposer une formation sanctionnée par un diplôme universitaire pour devenir patient expert. La feuille de route propose d’intégrer un module douleur à leur formation.   Pérenniser le financement des centres Surtout, la SFETD et ses partenaires souhaitent que le financement des SDC et les postes de professionnels, qui y exercent, soient pérennisés. « Au nombre de 243, ces structures, qui se composent de consultations de la douleur et de centres d’évaluation et de traitement de la douleur (CETD) assurent un maillage territorial avec une prise en charge pluriprofessionnelle unique en Europe », a mentionné le Pr Aubrun. Cependant, leur fonctionnement n’est encadré que par une circulaire et leur financement dépend d’un forfait annuel (mission d’intérêt général ou MIG) distribué par les agences régionales de santé. Beaucoup de SDC sont actuellement fragilisées en raison de difficultés financières ou d’un manque de remplacement des personnels, et « le délai moyen pour consulter dans les SDC est de 13 semaines en moyenne mais peut aller jusqu’à 1 an ». Il faudrait, indique la feuille de route, que ces structures soient reconnues dans la loi comme un dispositif pluriprofessionnel de soutien des équipes de soins primaires, que les consultations d’évaluation de la douleur en SDC, complexes, soient mieux rémunérées et les consultations des psychologues mieux prises en compte, que les infirmiers ressource douleur puissent devenir des infirmiers de pratique avancée pour soulager les médecins dans leurs tâches.

  Renforcer la coordination avec les différents acteurs Une autre priorité mise en avant est d’améliorer le parcours de soins grâce à une meilleure coordination hôpital-ville, les échanges avec les médecins généralistes pouvant être facilités par la création d’une hotline qui les aidera à savoir où adresser leurs patients douloureux chroniques. La feuille de route insiste aussi sur...

la nécessité de faire des patients un partenaire de leur traitement, de renforcer les liens avec les médecins du travail, de l’Assurance maladie, des maisons du handicap, ou les médecins scolaires. L’évaluation de la douleur devra être systématique chez les personnes vulnérables, malades psychiatriques, enfants ou personnes âgées, handicapées, ou sujets incarcérés. Leur prise en charge pourra demander aux professionnels des SDC de se déplacer « hors les murs « pour travailler avec les équipes d’Ehpad, de foyers médicalisés et sociaux, de prisons, des unités pédiatriques.« Le nombre de structures de prise en charge des douleurs chroniques des enfants, trop faible actuellement – 38 - , devra être augmenté », a insisté le Pr Aubrun. Les liens avec les équipes de soins palliatifs seront également renforcés pour mieux traiter la douleur des patients atteints de cancer, qui concerne sous stades confondus 50 % d’entre eux.

  Vigilance avec les opioïdes Enfin, l’utilisation des médicaments antalgiques devra être sécurisée. « Si l’épidémie d’abus d’opioïdes n’a pas été constatée en France à la différence des États-Unis », une augmentation de 161 % des décès imputables aux opioïdes et de 128 % des hospitalisations par overdose a tout de même été rapportée entre 2004 et 2015.« Conscients de ce risque de mésusage, les spécialistes de la douleur développent des outils de détection pour repérer les patients développant un mésusage », a mentionné le Pr Aubrun. Pour réduire le nombre des overdoses aux antalgiques opioïdes de plus de 50 % en 5 ans, la feuille de route insiste sur l’importance de développer une action de santé publique nationale en lien avec l’Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA), de créer des campagnes d’information répétées à destination des professionnels et des usagers, notamment vulnérables ».   *Les 13 organisations de professionnels de santé et de patients signataires de la feuille de route :
Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD) - Association Française de Lutte Antirhumatismale (Aflar) - Association Francophone pour Vaincre les Douleurs (AFDV)- Association Nationale pour la Promotion des Soins somatiques en santé mentale (ANP3SM) - Douleurs sans frontières (DSF)- EFICEurope - Fibromyalgie France - Société savante pour le traitement de la douleur chez l'enfant (Pédiadol) - Société Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP) - Société française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) - Société Française d’Etudes des Migraines et Céphalées (SFMEC) - Société Française de Médecine d'Urgence (SFMU) - Société Française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer)

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