Gouvernance des CPTS : les médecins de moins en moins aux manettes, selon une étude
Près de huit ans après la création des premières CPTS sur son territoire, l'URPS médecins libéraux Grand Est a publié un état des lieux des gouvernances de ces organisations. En s'appuyant sur les données de 50 CPTS, l'étude révèle une féminisation croissante des fonctions exécutives, ainsi qu’une montée en responsabilité des professions paramédicales.
Article initialement publié sur Concourspluripro
"La gouvernance des CPTS a évolué. Elle s’est diversifiée et équilibrée. Si les médecins généralistes demeurent les piliers des instances, ils s’inscrivent désormais dans des gouvernances plus partagées." Dans une étude publiée hier soir, l'URPS médecins libéraux Grand Est met en lumière l'évolution de la place du médecin au sein de la gouvernance des CPTS. Comment se redessinent les équilibres professionnels ? Quelles sont les nouvelles logiques de représentativité ? Quels défis pose une gouvernance partagée ? Autant de questions auxquelles répond l'enquête, qui s'est appuyée sur les données de 50 CPTS du territoire, sur la période allant de la validation des premiers projets de santé à juillet 2025. "Une étude vraiment exhaustive où on voit qui représente l'organisation territoriale, à quel poste, quelle est la composition de la gouvernance…", assure Xavier Grang, vice-président de l’URPS médecins libéraux Grand Est et responsable de la commission CPTS, contacté par Concours pluripro.
Zoom sur les principaux enseignements à retenir de cette enquête que nous avons pu consulter.
• Le nombre de médecins gouvernants "stable" :
Si les CPTS interrogées comptaient dans leurs bureaux, au moment de la validation du projet de santé, quelque 352 professionnels de santé – dont une majorité de médecins généralistes, d'infirmières et de pharmaciens – l'URPS en recense 386 (soit +9%) à juillet dernier. Avec toujours une part majoritaire pour ces trois professions. La part des médecins généralistes et spécialistes affiche, elle, une présence stable au fil des années, "reflet d’un ancrage historique dans la gouvernance", note l'URPS.
Notons au passage la bonne progression de la représentativité des usagers au sein des CPTS : de 9 à 16%.
L'étude démontre aussi qu'au fil des années, "les gouvernances deviennent davantage plurielles et partagées, avec une ouverture aux métiers du médico-social et aux usagers. La médecine générale conserve un rôle structurant, en articulation avec les autres professions et acteurs du territoire".

• Près d'un médecin sur deux président ou coprésident de sa CPTS :
Que ce soit à la validation du projet de santé ou plus récemment, les médecins généralistes occupent majoritairement les postes de président et de co-président de la CPTS, avec une petite baisse notée au fil des années : de 49,76% à 48,72%. Viennent ensuite les pharmaciens (de 5,8% au démarrage à 6,9% en juillet 2025), les infirmières (4,6% à 7,10%) ou encore les kinés (2,3% à 3,4%). L'URPS note ainsi "une ouverture progressive [de cette fonction] vers d’autres profils" au fil des années.
Cette présidence ou co-présidence était majoritairement assurée, au moment de la validation du projet de santé de la CPTS, par un homme (67% contre 33% de femmes). Mais en juillet dernier, on observe une petite baisse de la part des hommes (-3%) et une progression de celle des femmes (+3%). "Cette évolution traduit une féminisation progressive des fonctions exécutives, encore incomplète mais bien engagée. Elle interroge les leviers à renforcer pour poursuivre cette dynamique vers davantage de parité : repérage et soutien de futures présidentes, sécurisation du temps dédié au mandat, et valorisation des parcours féminins dans les instances de gouvernance", analyse l'URPS médecins libéraux Grand Est.
La vice-présidence de la CPTS est aussi largement confiée aux médecins généralistes, mais dans une répartition plus diversifiée. Ainsi, à la validation du projet de santé, 27,36% des vice-présidents étaient des médecins généralistes. Ils n'étaient plus que 19,28% en juillet 2025. "Dès l’origine, les fonctions de vice-présidence sont presque paritaires : 51 % d’hommes contre 49 % de femmes, note l'URPS. En juillet 2025, l’équilibre bascule légèrement en faveur des femmes" : 54% contre 46 % d’hommes. Une dynamique qui "confirme que la vice-présidence constitue un espace plus ouvert à la féminisation que la présidence" et qui "peut être vue comme un levier de préparation et de montée en responsabilité des femmes vers les fonctions exécutives les plus exposées au sein des CPTS".
Suivent ensuite : les infirmières (de 20,26% à 15,22%), les pharmaciens (6,8% à 10,15%) ou encore les kinés (10,13% à 7,10%). Ainsi, révèle l'enquête, "la présidence [de la CPTS] conserve un ancrage médical, tandis que la vice-présidence devient un espace de partage des responsabilités et d’ouverture interprofessionnelle, en cohérence avec la dynamique des CPTS".
À la validation du projet de santé de la CPTS, les pharmaciens occupaient, pour 17,30 %, le poste de trésorier, contre 12,24% en juillet 2025. Les médecins, eux, n'occupent que faiblement cette fonction : en moyenne 8% des généralistes et 3% des spécialistes. De plus, 32,57% des trésoriers étaient des hommes au départ du projet, contre 26,49% en juillet dernier. La part des femmes connait une légère hausse : de 24,43% à 27,51%.
Et pour le secrétariat ? Au sein des CPTS en Grand Est, ce poste était occupé à près de 19,5% par des infirmières – chiffre stable en juillet 2025. A la validation du projet de santé, 9,17% des postes étaient assurés par des médecins généralistes (et 6,13% en juillet dernier). Une fonction majoritairement occupée par des femmes : elles sont 37,67% au démarrage du projet et 43,81% en juillet 2025. "Ce déséquilibre (…) invite à s’interroger sur les représentations associées à ce rôle (organisation, tâches administratives, coordination) et sur les leviers à activer pour y diversifier davantage les profils", précise l'URPS.
- Au sein des bureaux, du pluripro dès 2021 :
Si les 4 CPTS créées en Grand Est en 2018 comptaient en moyenne 6 membres au sein de son bureau (dont 11,46% de médecins généralistes), on en recensait 5.25 membres en juillet 2025 (soit 7,33% de généralistes). L'URPS note un pic par CPTS d'environ 6.5 entre 2021 et 2024. Et "après une forte représentation en 2018-2021 [des médecins généralistes], leur poids relatif recule ensuite, avec un point bas observé en 2024 (≈ 20 %)", note celle-ci. En revanche, les infirmières continuent à être très présentes au sein des bureaux – jusqu’à 38% en 2025 – alors que les pharmaciens s'impliquent de plus en plus : jusqu'à 28% en 2023. Si "la médecine générale est toujours présente mais moindre selon les années", "la diversification s’amorce dès 2021 et s’affirme jusqu’en 2024, avec une ouverture vers d’autres métiers et vers les usagers/établissements, encore limitée à ce stade", précise l'URPS.
L'enquête met en lumière que si "la place du médecin au sein des bureaux de CPTS est prépondérante", notamment à la création où ils sont "systématiquement présents, avec une part variable d’une année à l’autre", on observe "un rééquilibrage interprofessionnel : d’autres métiers, tels que les infirmier(ère)s, les pharmacien(ne)s, ou les masseurs-kinésithérapeutes, etc.) prennent aussi des responsabilités, sans remettre en cause le rôle du médecin dans la cohérence médicale des projets et dans l’articulation des parcours".
Ainsi, en analysant la création des CPTS entre 2018 et juillet 2025, l'URPS médecins libéraux Grand Est note "une évolution progressive mais nette vers des gouvernances davantage pluriprofessionnelles dès la phase constitutive". D'ailleurs, si la présidence est 100 % médicale jusqu’en 2021, elle chute à 50 % en 2024. Une baisse qui s’accompagne, à partir de 2022, d’une montée des co-présidences médicales/paramédicales. "Ce format devient un levier d’équilibre : il préserve la légitimité clinique tout en distribuant charges et responsabilités", observe l'URPS.
• Renouvellement, le grand chamboulement :
Le renouvellement des bureaux des CPTS marquant "une étape structurante dans leur évolution", quels sont ses effets sur la composition des instances ? Après au moins un renouvellement, l'enquête révèle que les bureaux s’ouvrent davantage aux métiers et partenaires du territoire : infirmières, kinés, sages-femmes, orthophonistes ou pharmaciens, tout comme les représentants d'établissement ou les usagers/associations ou les élus.
Ainsi, sur les 34 CPTS de Grand Est concernées, la part des médecins président ou coprésident de CPTS connaît une baisse significative après un renouvellement : de 91% à 79%. Une baisse également observée pour la vice-présidence (de 40% à 29%) et le secrétariat (de 22% à 15%). En revanche, la présence médicale connaît une légère hausse au poste de trésorier : de 22% à 24%.
Au renouvellement du bureau, note l'URPS, les rôles "se partagent davantage entre métiers", notamment au poste de vice-président où la part médicale chute (de 40% à 29%), mais avec une montée des infirmières et des pharmaciens (environ 17%), des kinés (environ 10 %), et l’arrivée d’orthophonistes et de représentants d’établissements. Ainsi, lors des renouvellements, "la présidence garde un socle clinique fort, tandis que la vice-présidence devient le levier principal de diversification. [Et] trésorerie et secrétariat confirment le partage interprofessionnel", précise l'enquête.
En valeurs absolues, note l'enquête, le nombre de médecins généralistes reste identique avant ou après un renouvellement de bureau (28), mais leur poids relatif diminue (de 82% à 74%) du fait de co-présidences qui s’installent.
Pour l'URPS médecins libéraux Grand Est, entre 2018 et 2025, les créations de CPTS "montrent une progression régulière vers des gouvernances davantage plurielles". Si la taille des bureaux reste globalement stable (entre 5 et 7 membres), la part des médecins, très élevée au démarrage, passe de 46% en 2018 à 20% en 2024. En parallèle, les professions paramédicales prennent plus de place dès l’amorce des projets : 37% d'infirmières en 2022 et 38 % en 2025 ; 28% de pharmaciens en 2023… tout comme les kinés, les orthophonistes et les biologistes, plus régulièrement présents. Les médecins spécialistes, eux, restent minoritaires (entre 1 et 3 membres).
- Une gouvernance plus collégiale :
"L’ouverture interprofessionnelle se confirme" au moment du renouvellement de bureau qui s'étoffe en nombre : une moyenne de 7,21 par bureau contre 5,93 avant. "En 2025, l’état des lieux confirme ce mouvement" vers plus de pluriprofessionnalité, précise l'URPS. Les CPTS s'orientent donc vers "une gouvernance plus collégiale", qui permet de "[répartir] la charge de décision et [de faciliter] l’entrée de profils variés au sein des bureaux de CPTS". Ce qui permet d'alléger "la charge symbolique du 'chef'" et aide à "réduire la réticence des médecins à s’impliquer, notamment chez celles et ceux qui refusent les fonctions perçues comme trop politiques ou administratives", poursuit-elle. Aussi, "en l’absence de président, chaque voix pèse également, ce qui peut attirer des médecins sensibles à une gouvernance horizontale". De plus, cela permet aux médecins de participer à des tâches – parcours de soins, relations avec les confrères, communication médicale – sans assumer l’ensemble des responsabilités qui revient à ce poste exécutif. Enfin, en instaurant une implication collective, cette collégialité peut rassurer les médecins libéraux qui évitent cette fonction "par peur de l’exposition, de conflits ou de gestion de ressources humaines".
En revanche, ajoute l'enquête, "sans poste clairement identifié (tel que président ou vice-président), le médecin peut ne plus incarner le visage politique ou institutionnel de la CPTS, ce qui peut fragiliser son poids dans les relations avec les ARS, l’Assurance maladie, les élus locaux ou les autres partenaires". Et "la voix du médical peut être [aussi] perçue comme affaiblie voire absente, surtout si les missions sont assurées majoritairement par des paramédicaux ou des gestionnaires".
Consolider cette "gouvernance réellement partagée, tout en garantissant une mobilisation des médecins libéraux afin d’éviter leur désengagement", c'est le "défi des prochaines années", assure Xavier Grang. Ainsi, "pour rester efficace" dans ces instances un peu plus larges et diversifiées, il est nécessaire de mieux "clarifier les périmètres de fonction, de formaliser les délégations et les passations, et de suivre la qualité du pilotage à l’aide d’indicateurs simples", assure l'URPS.
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