"Faire mourir un patient en pleine conscience reste un homicide" : généraliste, il livre son expérience de la fin de vie

18/11/2023 Par Mathilde Gendron
Bonnes feuilles
Alors que le Gouvernement doit débattre du projet de loi sur la fin de vie en Conseil des ministres en décembre prochain, le Dr Jean-Jacques Erbstein, médecin généraliste, raconte ces instants où il a vu, dans sa pratique, la mort de près : un confrère qu’il a visité jusqu’à la fin, un enfant “parti trop tôt”, une patiente qui n’a pas pu mourir chez elle, malgré ce qu’il lui avait promis... Dans son ouvrage intitulé “Je ferai tout pour soulager les souffrances”, sorti le 15 juin, le praticien assure que la loi Claeys-Leonetti lui “apporte déjà toutes les réponses aux différentes situations de la fin de vie”. Egora vous en livre les bonnes feuilles. 
 

“Je ferai tout pour soulager vos souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément”. Ces mots, provenant du serment d’Hippocrate, le Dr Jean-Jacques Erbstein, généraliste à Créhange (Moselle), aimerait les voir gravés "en lettres d’or” dans les cabinets médicaux. Il souhaiterait que chaque médecin puisse “les relire régulièrement” car “ces principes sont la sève de notre métier”, écrit-il dès le premier chapitre de son livre.  

Âgé de 58 ans, le généraliste a un avis tranché sur la fin de vie, “aider à mourir ? Certains le feront. Je ne serai jamais d’entre eux”. Dans son ouvrage, il relate plusieurs histoires où il a touché du doigt la mort ; celle d’un confrère, de son père et celle de patients. 

Lorsque Martine, une patiente, une amie qu’il connaissait “sans doute trop bien”, condamnée par un cancer, qu’il surnomme un “crabe”, le questionne sur sa fin prochaine, le médecin ne sait quoi répondre. “Qui devrait s’exprimer ? L’homme ? Le médecin ? Le vieux pote ?” Après lui avoir tant “menti”, lui assénant des “tant qu’il y a de vie, il y a de l’espoir”, il parvient à être “sincère”. Dans un dernier échange, Martine le supplie de “faire le nécessaire” pour qu’elle puisse rentrer chez elle. La patiente ne voulait pas mourir “dans cette chambre [d’hôpital] si triste et glauque”. Malheureusement, le “crabe” a été trop rapide... 

 

 

 

 

 

La suite de l'extrait en page 2

 

 

Si le généraliste a vu la mort de près chez ses patients et ses proches, le Dr Jean-Jacques Erbstein se questionne aussi sur sa propre fin de vie, atteint lui-aussi d’un “crabe”. Il n’imagine pas se rendre à l’étranger pour “provoquer” sa mort et encore moins imposer ce geste définitif à un de ses confrères. 

 

 

7 débatteurs en ligne7 en ligne
Photo de profil de ANGELIQUE SENTILHES MONKAM
219 points
Médecins (CNOM)
il y a 2 ans
Merci d'appeler un chat un chat. L'euthanasie et le suicide assisté sont des homicides. Et ceux qui les mettent en œuvre des assassins. Ce n'est pas une loi qui changera quoi que ce soit à cela. Tout au plus peut elle décider de recréer la fonction de bourreau Une loi peut décider que ça pourrait se faire dans certaines circonstances. Elle pourrait aussi décider que pour ce faire il ne saurait être envisageable que ce soit dans les lieux mêmes du soins ni par ceux la mêmes qui soignent et en qui on a encore confiance. Donc un homicide par un bourreau dans un lieu distinct. La loi devrait aller jusqu'au bout pour ne pas installer de confusion. Bravo collègue pour votre réflexion. Il n'y a que ceux qui n'ont pas vécu la casuistique qui peuvent vous contredire ou vous insulter. On devrait être plus nombreux à nous exprimer...
Photo de profil de Michel Rivoal
10,7 k points
Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 2 ans
Cela fait déjà plusieurs fois que j'émets une opinion (j'espère la plus nuancée possible) sur le sujet. Sérions les problèmes! Les soins palliatifs sont insuffisamment développés en France. Il faut faire mieux et notamment dans les équipes mobiles et l'HAD. La loi Claeys Léonetti est un vrai progrès et il faut s'en féliciter. Cependant elle n'est pas suffisante pour tous les problèmes. L'obstination déraisonnable est de mieux en mieux gérée dans les services hospitaliers bien qu'il reste des progrès à faire. Le problème des directives anticipées n'est pas encore assez compris ni répandu dans la population et bien des familles s'estiment "dépositaires" de la décision et se présupposent "personne de confiance" "de fait" sans avoir été réellement désignée par le patient. Gros travail encore à faire par l'information et les professionnels de santé. Et au bout de tout ça, il reste des résistances idéologiques, politiques et/ou religieuses qu'il faut combattre pour les deux premières et sans doute respecter pour la troisième si elle vient explicitement du patient lui même (pour lui même). En tout dernier vient la vérité. Les statistiques n'ont jamais fait une vérité individuelle. Si la loi C.L. résout la plupart des situations il y a toujours le cas singulier, le handicap insurmontable, la maladie dégradante, la dépendance insupportable, le pronostic non engagé à cout terme mais ses conditions inenvisageables par le patient. Il faut pouvoir répondre non pas "à tous" mais à "chacun". C'est sans doute là la place de l'euthanasie et/ou du suicide assisté. Qu'on les encadre par une loi ou des recommandations, qu'on respecte les clauses de conscience: bien sûr. Mais il faut arrêter de les considérer comme des homicides ou des assassinats. Il faut pouvoir accéder à la demande réfléchie et réitérée du patient qui refuse cette échéance, pour lui, dégradante, et qui ne serait accessible qu'aux plus fortunés et à l'étranger (pays voisins) .
Photo de profil de Éric Delmas
1,7 k points
Débatteur Passionné
Autre
il y a 2 ans
Ce débat est impossible à trancher. Pour autant nous devons nous interroger sur ce qu'il induit forcément. Certains ont cru élégant de tenter de rapprocher ceux qui sont contre l'euthanasie (quel mot surprenant pour une situation dont nous ne saurons jamais rien) de ceux qui sont contre l'IVG. Comme si quelques cellules en cours de développement avaient un lien direct avec une vie développée et consciente. Dans le même ordre d'idée je suis tenté de me demander si la société pro-vie n'est pas devenue pro-mort. Mais je sais que la vie ouvre des portes quand la mort les ferme toutes. Donc, je pense qu'il faut éviter tout ce qui peut donner l'impression qu'on peut se passer de faire des efforts d'accompagnement parce que cela coûte cher, alors qu'il suffit de suivre la volonté du patient qui se voit face à la souffrance ou à la déchéance et qui ne réagit que parce qu'on ne lui a jamais proposé quoi que ce soit qui lui permette d'affronter sereinement ces états. La souffrance ? On peut la traiter efficacement pour peu qu'on s'en donne les moyens. La déchéance ? Michel Petrucciani et Steven Hawkings étaient-ils dans la déchéance ? Peut-être ont-ils croisé un jour quelqu'un qui leur a dit que leur apparence physique n'était rien en regard de leur profonde réalité artistique et intellectuelle. Mais dans un monde où le modèle est d'avoir une apparence fine, musclée, jeune, riche, belle, etc. que vaut la vie quand on a tiré le mauvais numéro ? Je vous invite à relire un petit roman d'un certain Vernon Sullivan : Et on tuera tous les affreux. PS : Pour les amateurs (trices) de raccourcis douteux, qu'attendez-vous pour militer pour le rétablissement de la peine de mort ?
 
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