Vessie

ECBU, antibiorésistance, bandelettes sous-urétrales... Un expert fait le point sur les nouveautés en urologie

ECBU, prescription raisonnée des antibiotiques, abandon progressif des bandelettes sous-urétrales, mais aussi place de l’intelligence artificielle… Le 119e Congrès français d’urologie, qui s'est tenu du 19 au 22 novembre à Paris, a mis en lumière les défis auxquels la discipline est confrontée. Le Pr Yann Neuzillet, vice-président de l’Association française d’urologie et chirurgien urologue à l’hôpital Foch à Suresnes (Hauts-de-Seine), fait le point pour Egora. 

08/12/2025 Par Romain Loury
Interview 119e Congrès français d’urologie Urologie
Vessie

Egora : Quels ont été, selon vous, les moments marquants de ce 119e Congrès français d’urologie ?

Pr Yann Neuzillet : Comme chaque année, le point d’orgue aura été la présentation du rapport du congrès, consacré cette fois-ci à l’utilisation du laser en urologie. De manière très didactique, il explique ce qu’apporte le laser par rapport aux techniques de référence, que ce soit pour le traitement des calculs, la prise en charge des tumeurs de la vessie ou l’hypertrophie bénigne de la prostate.

Autre moment important : la présentation de recommandations, tout juste achevées, sur le recours à l’examen cytobactériologique des urines (ECBU). Avant la fibroscopie, il est désormais recommandé de ne pas en faire. La littérature montre, en effet, qu’il n’y a pas de bénéfice à traiter un patient asymptomatique ayant un ECBU positif avant une fibroscopie. Cette pratique conduit à administrer des traitements antibiotiques en l’absence de symptômes, donc sans bénéfice pour le patient, et au risque de perturber l’écologie bactérienne. Cette recommandation constitue une nouveauté importante, parce qu’il demeurait chez certains médecins une crainte, avant tout assurantielle, d’être inquiété si un ECBU n’était pas pratiqué. 

Quant à la chirurgie, l’ECBU demeure nécessaire avant résection endoscopique, notamment de prostate, de vessie et a fortiori pour les traitements rénaux. Dans ces cas-ci, il faut s’assurer de la stérilité des urines, et au besoin traiter, y compris les patients asymptomatiques. Le risque de diffusion de la bactérie est beaucoup plus important que lors d’un simple geste diagnostique, tel que la fibroscopie.

Également présentées au congrès, des recommandations sur les infections urinaires masculines. Quelles en sont les grandes lignes ? 

Ces infections se définissent par la présence de signes cliniques, un ECBU positif, l’absence de fièvre – contrairement à la prostatite et la pyélonéphrite. Le traitement est le même que chez la femme, à savoir un traitement per os à base de fosfomycine. En revanche, il ne s’agit pas d’une prise unique comme chez la femme, mais d’un sachet à J1, J3 et J5. 

Pour les pyélonéphrites aiguës, il a été rappelé la nécessité d’un traitement de sept jours à base de bêtalactamines, de fluoroquinolones ou de triméthoprime-sulfaméthoxazole, mais de dix jours en cas de traitement oral. Quant aux prostatites, le traitement est de quatorze jours.

Pour la deuxième fois, l’Association française d’urologie (AFU) a consacré une matinée à une session pour les médecins généralistes. Quel est son objectif  ? Y a-t-il des points sur lesquels la prise en charge urologique par les généralistes mérite, selon vous, d’être améliorée ?

Il ne s’agit pas tant de préoccupations qu’auraient les urologues vis-à-vis des généralistes, mais plutôt des questions que les généralistes se posent et auxquelles les urologues peuvent répondre. C’est la même logique qu’avec notre journée "patients", dont c’était la troisième édition, conçue avec les associations de patients, qui indiquent quels sujets les intéressent.

La question de l’antibiorésistance, particulièrement fréquente avec les infections urinaires, pose toutefois la question d’une meilleure coordination entre généralistes et urologues.

Il est certain que l’écologie bactérienne est une question primordiale. Notamment l’épargne de l’usage des fluoroquinolones : celles-ci sont une solution de facilité, mais cela revient à tirer avec un bazooka pour tuer une mouche ! La surprescription engendre un risque de sélection de bactéries résistantes, et des patients qui ne pourront plus recevoir de fluoroquinolones au cours des six mois suivants. L’emploi de ces antibiotiques est justifié pour une prostatite ou une pyélonéphrite, pour lesquelles il faut un antibiotique de très bonne pénétration tissulaire. Il est en revanche inadéquat quand il s’agit d’une infection urinaire basse chez la femme. Il y a donc besoin de formation médicale continue, car c’est un domaine qui évolue beaucoup.

L’AFU a la charge d’un registre, Prostate-AFU, sur la prise en charge des cancers de la prostate à partir de la réalisation des biopsies. Est-ce un premier pas vers un dépistage généralisé ?

Non, car à ce jour il n’y a pas lieu de faire de dépistage généralisé, qui ne correspondrait pas aux besoins de la population. Il existe des groupes à risque, tels que les hommes apparentés à des patients atteints de cancers de la prostate, de l’ovaire, de l’endomètre ou du sein [porteurs de mutations dans les gènes BRCA, NDLR], ainsi que des sujets porteurs de certaines caractéristiques ethniques, par exemple les Afro-Caribéens, notamment lorsqu’ils ont été exposés au chlordécone [insecticide utilisé jusqu’en 1993 dans les bananeraies antillaises, NDLR]. Dans ces populations, il faut avoir une attitude diagnostique beaucoup plus proactive, car ces personnes peuvent développer des cancers plus fréquents et plus agressifs. Plutôt qu’une approche systématique, il est préférable de s’adapter aux besoins et d’informer au mieux le patient, ce qui n’est pas forcément le cas dans le cadre d’un dépistage.

L’objectif du registre, c’est avant tout de disposer de données en vie réelle, et ce pour deux raisons. D’une part, parce qu’elles nous permettront d’évaluer correctement nos pratiques, donc d’optimiser la prise en charge de ce cancer. D’autre part, parce qu’elles offrent à nos tutelles la possibilité de mieux connaître l’épidémiologie du cancer de la prostate en France, et ainsi de mieux adapter les besoins selon les régions. 

Selon une étude que j’ai présentée au congrès, menée sur la base des données du SNDS, il demeure des disparités quant à la mortalité liée au cancer de la prostate en France. La Guadeloupe et la Martinique sont les deux départements les plus touchés. Parmi les facteurs associés à la mortalité, nous avons identifié le nombre d’urologues au niveau départemental. Ce qui témoigne du fait que, quand la population a un meilleur accès au traitement précoce, elle a moins de risques de décéder d’un cancer de la prostate.

Lors du précédent Congrès français d’urologie, en novembre 2024, les experts semblaient très préoccupés pour l’avenir du traitement de l’incontinence urinaire d’effort chez la femme, en raison d’un possible retrait d’homologation des bandelettes sous-urétrales. Un an plus tard, qu’en est-il ?

En vertu d’arrêtés publiés en avril, la pose de bandelettes fait désormais l’objet d’un encadrement resserré, de même qu’a été fixée une liste de 27 centres autorisés à procéder à leur ablation [chez les femmes présentant de fortes douleurs après la pose de ce dispositif, NDLR]. Si le nombre de bandelettes synthétiques posées diminue, et qu’en même temps le retrait ne peut plus être effectué partout, l’activité a tendance à se concentrer sur les centres qui savent faire. Cela conduit forcément à une réduction de l’accès aux soins, avec des patientes qui devront se déplacer à grande distance pour être traitées.

Avant cela, tout urologue ou gynécologue proche de chez vous pouvait pratiquer la pose de bandelettes. Maintenant, il faut être pris en charge dans un centre expert qui remplit le cahier des charges, aussi bien en termes de quantité d’actes réalisés que d’encadrement médical. À défaut de quantité, c’est désormais la qualité qui prévaut, mais en tant que médecins, nous pouvons difficilement prôner le contraire !

De manière générale, il est probable que nous devrons, à terme, nous passer des bandelettes synthétiques. On pourrait croire qu’il s’agit d’un retour en arrière, si ce n’est que la chirurgie robotique est désormais bien installée. Elle ouvre la voie à des techniques moins invasives et tout aussi efficaces que les bandelettes. C’est ce que permettra de montrer un futur rapport de l’AFU, dont la publication est prévue pour notre congrès de 2027.

Les congrès médicaux accordent une place croissante au développement durable et à l’intelligence artificielle. Les sessions consacrées à ces sujets ont été particulièrement nombreuses au cours du Congrès français d’urologie. Comment expliquer ce phénomène ?

L’urologie a été leader des considérations environnementales dans sa pratique, notamment parce que nous utilisons beaucoup de dispositifs médicaux, souvent à usage unique, lors des examens de fibroscopie et d’urétéroscopie. Peut-être est-ce un sentiment de culpabilité qui a poussé certains confrères à mener des analyses du cycle de vie de ces dispositifs ? Cela donne lieu à des recherches visant à mieux comprendre comment optimiser l’usage de nos ressources. C’est une démarche vertueuse, aussi bien d’un point de vue écologique qu’économique.

Quant à l’intelligence artificielle, il devient évident que nous ne pourrons pas en faire abstraction. Soit nous décidons d’accompagner le mouvement et de nous en servir intelligemment, soit il risque de nous échapper, et nous serons remplacés ! La situation n’est pas sans évoquer l’aéronautique, où l’informatique et le pilotage automatique ont diminué le nombre d’accidents d’avion. Comme le pilote, le chirurgien doit rester maître de la situation et reprendre la main en cas d’imprévu, car l’IA ne se nourrit que de situations de routine. D’autant que l’imprévu est beaucoup plus fréquent en médecine qu’en aéronautique !

*Le Pr Neuzillet déclare n’avoir aucun lien d’intérêts. 

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Claire FAUCHERY

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