Mésentente entre associés : quand un médecin peut-il demander une dissolution anticipée ?

29/11/2021

En cas de mésentente entre associés, paralysant le fonctionnement d’une SCI, d’une SCP, d’une SCM…., un associé peut demander au tribunal la dissolution anticipée de la société.   Si la dissolution anticipée d’une société civile peut être décidée, d’un commun accord, par ses associés selon les règles prévues par leurs statuts, elle est souvent le résultat d’une profonde mésentente entre associés paralysant le fonctionnement même de la société. Un ou plusieurs associés peuvent alors demander au tribunal la dissolution anticipée de leur société face à l’impossibilité de prendre les décisions sociales. Toutefois, un associé ne saurait créer de lui-même une paralysie de la société dans le but d’en obtenir la dissolution. Plusieurs décisions de jurisprudence ont ainsi jugé que l’auteur d’une mésentente grave entre associés ne pouvait s’en prévaloir pour demander la dissolution de sa SCM ou de sa SCP. En effet, la mésentente grave entre associés dont l’un d’eux est seul responsable ne peut pas constituer pour celui-ci un juste motif l’autorisant à demander la dissolution anticipée de la société.

  Justes motifs  Cette règle a pour but d’empêcher qu’un associé ne crée une paralysie de la société dans le but d’en obtenir la dissolution. La dissolution judiciaire pour justes motifs est une des causes de dissolution (en dehors de l’arrivée du terme de la société, de la décision des associés…). La Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 17 février 2003, a ainsi prononcé la dissolution d’une société civile de moyens au motif que la mésentente entre associés suite à la désorganisation de l’activité sociale due à la maladie de l’un d’eux rendait impossible la poursuite de l’objet social. Autre exemple de conflits entre associés justifiant une dissolution anticipée de leur société : deux associés ouvrent leur SCM à une nouvelle consoeur et lui cèdent un tiers des parts. Les relations se tendent au bout de quelques mois : les deux associés lui reprochent la non-exécution de ses obligations et réclament la dissolution de la SCM. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 21 juin 2011, la jugera légalement justifiée car cette mésentente entre associés avait engendré un blocage absolu des mécanismes sociaux. Dans un autre arrêt du 23 juin 2015, la Cour de Cassation a considéré que la grave mésentente existant entre les associés égalitaires d’une SCM qui ne s’entendaient pas, notamment, sur la répartition des charges et du fait de l’évincement de l’un par l’autre de la comptabilité et de l’accès aux comptes, constituait un juste motif de dissolution. Dans une autre affaire, plus récente, deux associés à 50/50 au sein...

d’une SCI étaient en conflit permanent. L’un des associés était gérant de cette société civile immobilière et n’arrêtait pas d’engager des procédures judiciaires contre son associé tout en ayant pris des engagements sans l’accord de ce dernier. Par ailleurs, aucune décision collective n’avait été prise sur l’affectation des résultats depuis plusieurs années : autant d’éléments qui conduiront l’associé non gérant à demander la dissolution judiciaire de la société. Dans un arrêt du 23 février 2017, la Cour de Cassation lui donnera raison en prononçant cette dissolution. Pour cette juridiction, « la mésentente patente et grave existant entre les associés depuis maintenant quatre ans, sans qu’elle puisse être imputée plus à l’un des deux associés, démontre la disparition de l’affectio societatis et paralyse le fonctionnement de la société, notamment en raison de la répartition égalitaire du capital ».

Des exemples parmi d’autres devant lesquels certains médecins pourront reconnaître des situations vécues au quotidien. Il convient toutefois d’envisager une décision de dissolution anticipée qu’en dernier recours, après avoir épuisé les voies de recours amiable prévues par ses statuts. Car chacun sait qu’un mauvais arrangement vaut parfois mieux qu’un bon procès.    

Par Nicolas Loubry, juriste. 
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