"Les jeunes médecins généralistes relèvent le défi de l’accès aux soins"

16/06/2023 Par Dre Elise Fraih
A l’occasion des 11e Rencontres nationales du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants dont Egora est partenaire, la présidente du syndicat livre une tribune dans laquelle elle plaide pour des “moyens conséquents placés dans la santé, l’enseignement supérieur, la formation des professionnels de santé et l’éducation de la population”. Soulignant qu’il faudrait le double de généralistes de premiers recours, la Dre Elise Fraih formule plusieurs propositions pour soulager les médecins en exercice et ceux qui vont s’installer. Nous livrons son texte en intégralité.

  "Les débats politiques sur l’accès aux soins battent actuellement leur plein, et les jeunes médecins sont directement impactés par les conséquences des décisions prises sans les concerter. Qui va devoir exercer, les trente prochaines années, dans un système de santé qui s’effondre faute de soignants et de moyens, alors que les enjeux de santé humaine et planétaire sont immenses, et les réponses politiques au mieux balbutiantes et au pire, déconnectées du terrain ?  Nous, jeunes universitaires, médecins généralistes remplaçant(e)s et installé(e)s depuis moins de cinq ans, réclamons des moyens conséquents placés dans la santé, l’enseignement supérieur, la formation des professionnels de santé et l’éducation de la population, soit l’inverse de la politique menée ces dernières décennies. Nous refusons le procédé qui présente les médecins comme des professionnels souhaitant si peu s’engager dans les soins qu’ils doivent y être contraints, dressant la population contre ses soignants. Nous souhaitons faire parler les faits, démarche garante d’une rigueur intellectuelle qui devrait régir toute proposition de loi et toute prise de position politique.  Actuellement, nous sommes 59523 médecins généralistes de premier recours. Pour une population de presque 68 millions de personnes qui augmente, vieillit et souffre de pathologies de plus en plus complexes, il en faudrait le double.    Pour pallier ce déficit, il faut d’abord soutenir les médecins en exercice : 

●      faire gagner du temps médical en supprimant les certificats inutiles, en plaçant la confiance enfin au bon endroit : du côté des patients, en leur permettant une auto-déclaration des arrêts de travail de courte durée, comme vient de le faire le Portugal ;

●      accompagner les projets de coordination et d’aménagements des locaux en collaboration avec les territoires ;

●      donner les moyens aux médecins d’engager du personnel sans remettre en cause l’équilibre économique de leurs cabinets, réelle entreprise médicale ;

●      investir là où c’est nécessaire : soutien à la personne âgée, en situation de handicap, médecine du travail, médecine scolaire, centres médico-psychologiques, protection maternelle et infantile. 

  Il faut aussi s’intéresser aux médecins qui vont s’installer : 

●      favoriser le recrutement de profils plus divers, venant de tous les territoires, et ce même avant le début des études ;

●      favoriser (et non contraindre) les stages, le plus tôt possible, dans les territoires ruraux ou éloignés en facilitant le transport et l’hébergement des étudiants ;

●      investir dans l’enseignement supérieur en augmentant le nombre d’enseignants et de maîtres de stage ambulatoires ;

●      développer les guichets uniques départementaux d’accompagnement à l’installation en faisant travailler ensemble les acteurs universitaires, territoriaux et institutionnels et les médecins étudiants, remplaçants et installés ;

●      soutenir les médecins remplaçants, qui s’installent en moyenne en trois ans, participant à la continuité et à la permanence des soins : leur donner les mêmes droits que leurs confrères en les conventionnant, recenser leur activité pour faire cesser les fantasmes et comprendre ce qu’ils font, de quoi ils ont besoin pour les accompagner dans la construction d’un projet d’installation pérenne. 

  Enfin, il faut offrir à la population un investissement de qualité dans des services de santé dont elle a vraiment besoin : 

●      développer un programme d’éducation en santé avec un investissement sur la prévention ;

●      faire cesser cette ubérisation des soins qui promet un médecin à toute heure du jour et de la nuit, mais à distance, par internet ou via une plate-forme.   Il est grand temps de sortir de cette vision politique et économique essorant les soignants sans prendre en compte leurs propositions et retours du terrain. La dernière pandémie l’a montré : les patients ont besoin de moyens humains, de proximité, dans leurs territoires. Ils ont besoin d’un État courageux qui assure ses fonctions régaliennes et investit massivement dans l’éducation et la santé. Nous souhaitons être écoutés et pouvoir mettre en œuvre nos propositions dans un dialogue harmonieux et surtout sincère, car nous sommes déterminés à nous engager auprès des patients pour relever ces défis à leurs côtés."

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