Cours d'anatomie en 3D, opération en direct... deux professeurs de médecine proposent une formation sur le métaverse en santé
Lorsque le Pr Patrick Nataf se forme à la santé numérique, dans les années 2010, il fait face à un triste constat. «J’ai remarqué que les cours étaient donnés uniquement par des ingénieurs ou des entrepreneurs. Or, ça ne répondait pas aux besoins des médecins. Je me suis demandé pourquoi ce n’était pas les médecins qui venaient présenter eux-mêmes les projets qu’ils ont en santé», relate-t-il.
Convaincu que les innovations doivent venir de ceux qui travaillent dans la santé, le Pr Nataf décide de lancer, en 2017, avec le Pr Boris Hansel, un premier diplôme universitaire pluridisciplinaire sur la santé connectée. «On s’est retrouvé avec des centaines d’étudiants par année», se souvient-il. Mais les deux professeurs s’aperçoivent que la technologie évolue très vite. «Quand on parlait de santé connectée [en 2017], on parlait des applications qu’on a maintenant sur nos smartphones. Mais entre temps, l’intelligence artificielle s’est développée et les technologies dites immersives aussi», pointe le Pr Nataf.
Face à cette évolution du numérique, de nombreux étudiants en santé ressentent le besoin de se former sur ces nouveaux sujets. Alors, il a choisi avec le Pr Hansel de lancer un nouveau diplôme universitaire, intitulé métaverse en santé. Depuis deux ans, les progrès de la technologie permettent de créer de nouveaux univers ou de reproduire au mieux la réalité, notamment grâce aux casques de réalité mixte, qui fusionnent les environnements réels et virtuels.
Dans la pratique, l’utilisation du métaverse pourrait être utile à plusieurs égards, notamment pour la formation. «Grâce à la simulation, on peut avoir un cours d’anatomie en 3D. Ce n’est pas pareil que de devoir tourner les pages d’un livre pour voir les rapports anatomiques entre différents organes. Là, on pourrait les avoir presque dans notre main et on pourrait les tourner dans tous les sens», explique-t-il.
En plus de la formation, le chirurgien évoque l’expertise à distance. «Pendant un geste technique, un chirurgien pourrait être guidé à distance par un médecin expert, assure le Pr Nataf. Il peut gérer avec ses mains les différents mouvements que l’autre doit faire et lui dire ‘là, il faut tourner ta main comme ça’ ou ‘tu prends ton instrument et tu fais ça’.»
«Il reste encore toute une réglementation à créer»
Ces techniques ne sont, pour l’heure, pas encore utilisées en France. «On fait uniquement de la recherche sur les technologies immersives». Car si la technologie se développe vite, on ne peut pas en dire autant de la réglementation qui l’entoure. «Il y a des enjeux de responsabilités, d’éthique, de protection de la personne et de ses données. Tout est réalisable, mais tout n’est pas utilisé, il reste encore beaucoup de choses à faire et toute une réglementation à créer, précise le professeur. On soigne des gens donc on doit être très précautionneux et responsable avant d’utiliser ces technologies.»
Le DU métaverse en santé permet donc, en 71,5 heures, d'aborder à la fois une partie théorique avec la description de ces nouveaux outils, mais aussi des notions de réglementation, de protection des données… ainsi qu’une partie pratique. Certains étudiants qui participent à ce cursus ont une idée de projet à mettre en place en lien avec la technologie et la santé. Selon ces idées, des groupes de deux à cinq étudiants sont formés. «Ils ont un an pour faire en sorte que leur projet se développe comme s’ils étaient en train de développer leur propre start-up», présente le Pr Nataf. À l’issue de l’année, un mémoire ainsi qu’une soutenance par groupe seront effectués.
Face à l'engouement, les deux professeurs ont dû limiter le nombre de places. «On a du mal à canaliser toutes les idées, donc on limite à 40-50 étudiants par an pour avoir quelque chose d’un peu plus simple et construit», reconnaît-il. Pour s’inscrire, il faut avoir un «avis pédagogique» favorable, envoyer un curriculum vitae ainsi qu’une lettre de motivation. 300 euros de frais de dossier sont demandés (les étudiants de l’université Paris Cité en sont exemptés) ainsi que 1 400 euros pour la totalité de l’année. Les étudiants, internes et faisant fonction d’interne doivent quant à eux régler la somme de 810 euros pour l’année entière.
Une capsule de téléportation
Le Pr Nataf mise beaucoup sur l’utilisation de la technologie pour former les étudiants. Il a dans son bureau de l’Hôpital Bichat un outil unique dont il se sert avec ses internes et ses jeunes infirmières : une capsule de téléportation. «C’est comme une capsule spatiale, on rentre dedans, et on est transposé en direct dans mon bloc opératoire. C’est-à-dire que tout ce qui se passe dans mon bloc opératoire, ça se passe en même temps dans la capsule», poursuit le professeur.
Car dans un bloc opératoire, il a des codes, «des choses qu’on ne touche pas, des endroits où il ne faut pas aller…», explique le professeur. «Quand on veut comprendre comment se fait une opération, on rentre dans cette capsule, on découvre cet univers. On comprend les interactions entre les différents intervenants, c’est quelque chose qu’on ne peut pas comprendre si on ne rentre pas dans ce bloc opératoire», assure-t-il. Les étudiants qui pénètrent dans la capsule peuvent également dialoguer avec les personnes présentes dans le bloc. «Dans le cadre d’une opération, il ne vaut mieux pas, mais techniquement, ils pourraient même interagir par la gestuelle. On a la capacité de faire à peu près tout ce que les personnes qui sont à l’intérieur font», affirme le chirurgien. Pour le Pr Nataf, cette technique est très intéressante pour les étudiants, car «pour apprendre le métier, il faut le vivre, il faut y être», que ce soit en vrai ou grâce à la technologie.
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