"Aller vers une rémunération au patient plutôt qu'à l'acte" : Macron remet la capitation sur le tapis

17/01/2024 Par Sandy Bonin
Lors de sa grande conférence de presse tenue ce mardi, Emmanuel Macron a fait une allusion au système de paiement par capitation qui permettrait "de mieux intégrer la prévention". Une simple phrase au cours de près de 2h30 d'allocution, mais qui a mis le feu aux poudres du côté des médecins sur le réseau social X.

  "La FMF s’étonne grandement d’une nouvelle immixtion du Président de la République dans les négociations conventionnelles la veille même d’une séance de négociations et d’une nouvelle promotion de la capitation totalement contraire à l’esprit de la médecine libérale", s'est indigné le syndicat sur X (anciennement Twitter). 

En effet, dans ses propositions pour libérer du temps médical, le Président a jugé qu'il fallait "aller vers une rémunération plus intelligente, sans doute au patient plutôt qu'à l'acte, ce qui permettra de mieux intégrer la prévention". Aujourd'hui, les médecins sont "incités à faire un maximum d'actes", a-t-il ajouté. Cette référence au paiement par capitation a enflammé X où les médecins ont massivement rejeté ce mode de rémunération "à l'anglaise". Le National Health Service (NHS) repose effectivement sur ce système. Les médecins y sont essentiellement payés par l’administration sanitaire de leur district. Il s’agit d’un versement trimestriel calculé pour chaque patient en fonction de l’âge de la personne, le taux de mortalité du secteur et des indicateurs socio-économiques (niveau de pauvreté dans la région, chômage…).

Aujourd'hui doit justement se tenir au siège de l'Assurance maladie une séance de négociations conventionnelles lors de laquelle l'expérimentation du "paiement en équipe de professionnels de santé en ville" (Peps) doit être abordée. Il s'agit d'un projet qui permet aux équipes volontaires d’être rémunérées, pour toute ou partie de leur patientèle, non pas à l’acte mais en fonction d’un forfait proportionnel au nombre de personnes suivies. Le Peps n'a "pas vocation à être un modèle unique remplaçant le paiement à l’acte pour l’ensemble des équipes", expliquait en décembre 2022, Ayden Tajahmady, directeur adjoint à la direction de la stratégie des études et des statistiques, et responsable "article 51" pour l’Assurance maladie dans le Concourspluripro.

Les syndicats ont également réagi aux propos d'Emmanuel Macron. Le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, s'est dit "ouvert aux différents modes de rémunération". Mais la capitation semble faire exception. "La capitation, pour chacun d'entre nous, raisonne comme NHS et médecine anglaise dans un système qui a montré ses limites. S'il fait peut-être bon sur le plan de la rémunération à être médecin en Angleterre car la rémunération des médecins anglais est nettement supérieure à la nôtre, la situation sanitaire de cette capitation est catastrophique. Aujourd'hui c'est plus de deux ans d'attente", a rappelé le Dr Devulder. De son côté, l'UFML-S demande que le paiement à l’acte soit "protégé et développé". “L’UFML-S vous demande de ne pas favoriser la financiarisation par des réformes qui ouvriront à
la multiplication de centres de santé, sous des modes de rémunérations souhaités par des structures financières et autres fonds de pension”.

29 commentaires
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Photo de profil de Francois Cordier
1,4 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 11 mois
Cher jeune Président, nous attendions bien mieux d'un homme intelligent comme vous semblez l'être; votre proposition de capitation pour lrémunérer les soignants de ce pays implique logiquement un décrochement complet entre la faculté de demande (ou d'exigence) de soin du patient et la possibilité d'offre du médecin; Cette dérogation à la loi de l'offre et de la demande me surprend de la part d'une autorité réputée compétente en économie. Vous serez bien-sûr très vite suivi dans cette initiative par la caisse d'assurance-maladie qui, à l'instar des grandes et prospères compagnies d'assurances, s'applique à collecter un maximum de cotisations pour restituer à son parc de clients captifs le minimum de prestations, mais qui s'est donné un levier supplémentaire de manipulation du contrat en choisissant d'étrangler d'abord le prestataire de soin pour masquer le plus longtemps possible à son client direct le rationnement qu'il lui inflige dans les faits, à savoir la restriction progressive du temps disponible pour chaque entretien auprès de son soignant. Déjà en 1986, un directeur régional de CPAM avouait (certes indirectement après reformulation de la question) que le tarif unitaire de la consultation de l'époque correspondait à la cadence de 7 rendez-vous par heure (soit 8 minutes et 30 secondes par consultation). En suivant la courbe de l'érosion monétaire corrélée à celle de l'inflation des charges et à celle des non-revalorisations de l'acte de soin depuis cette époque, la durée actuelle de consultation préconisée par la même autorité (CPAM) devrait approcher les 5 minutes. Pourquoi avoir esquivé cette simple vérité mathématique devant votre public de journalistes "spécialisés" ? Comment ceux-ci ont-ils choisi de garder le silence devant pareille insulte à l'humanité du soin ? S'agit-il d'une ignorance technique partagée ou d'un hypocrisie complice ? Je suis indigné de devoir vous préciser qu'un forfait par patient fixé indépendamment de la durée de soin que nécessitera son état revient à décapiter à terme l'objectif sanitaire individuel et collectif. Comme vous le projetez pour l'uniforme à l'école publique, je vous propose de créer immédiatement quelques centres de soins pour y vérifier la pertinence économique et sanitaire de votre proposition; une année de fonctionnement devrait suffire à l'évaluer définitivement . Si vous daignez comprendre que la majorité des professionnels de terrain a déjà anticipé cette évaluation et ne participeront pas à cette mise en scène digne de la haute époque communiste, j'attire votre attention sur une alternative économique qui a déjà largement fait ses preuves dans les 3 grands secteurs de l'économie depuis plus d'un siècle où l'on a abandonné le paiement à la tache ou à la pièce en raison du travail bâclé et de l'insatisfaction des clientèles, pour étalonner les rémunérations à proportion du temps passé; Le tarif horaire d'une prestation quelle qu'elle soit reste encore aujourd'hui le seul mode équitable de transaction pour tous types de services; Et si vous refusez d'en convenir pour le très complexe et responsable domaine du soin humain, les usagers et les soignants comprendront pour qui vous roulez.
Photo de profil de Jacques Briand
2,3 k points
Débatteur Passionné
Médecine générale
il y a 11 mois
Chers ami(e)s, Vous connaissiez les ROSP,, voici venir le PEPS (cf l'article ci-dessus), c'est exactement ce qui nous attend avec les CPTS. Ce sera alléchant au début, puis les tarifs de nos actes ne seront pas revalorisés à cause des PEPS, puis comme pour les ROSP les règles pour l'obtention des PEPS changeront constamment et bien sûr seule la sécu saura si votre "équipe de professionnels de santé" aura ou non atteint ses objectifs, etc, etc, etc. Je nous souhaite bonne chance.....
Photo de profil de Georges Fichet
5,1 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 11 mois
Un système à l'anglaise : la maman de mon gendre écossais est morte à 70 ans d'une occlusion intestinale non diagnostiquée à temps faute d'avoir pu consulter précocement un médecin compétent. Elle repartait à chaque fois avec du paracétamol alors qu'une échographie aurait permis de faire le diagnostic. Mais les médecins prescrive le moins possible d'examens complémentaires , surtout si la personne est âgée, pour ne pas être sanctionnés financièrement.
 
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