"Qu'on nous laisse faire du soin utile" : la supplique du président du Collège de la médecine générale 

24/03/2022 Par A.M.
Le Pr Paul Frappé a ouvert ce jeudi 24 mars le 15e Congrès médecine générale France, placé sous le thème du jeu. Alternant légèreté et gravité, le président du collège a brossé le tableau des défis auxquels la spécialité est confrontée, du Covid à la certification périodique en passant par les chamboulements du parcours de soins. 
 

C'est par une évocation des dramatiques "jeux de guerre" qui se déroulent actuellement à l'Est de l'Europe que le Pr Paul Frappé a entamé son discours d'ouverture du CMGF, qui se tient à Paris jusqu'au samedi 26 mars. "Nous pouvons aujourd'hui avoir une pensée particulière pour nos confrères ukrainiens. Ils nous ont fait part de leurs difficultés à poursuivre leur métier de généraliste en l'absence d'accès aux médicaments de base tels que l'insuline ou les hormones thyroïdiennes", a-t-il témoigné, indiquant que le Collège de médecine générale relayait sur son site un appel aux dons.  

En France, c'est contre le monstre "Covid" que les généralistes ont livré bataille. "La médecine générale ne fait pas de bruit mais la médecine générale a fait son travail", a-t-il lancé, avant d'inviter les généralistes de l'assemblée à écouter ces "applaudissements que vous n'avez pas eus". 

D'autres défis se présentent, telle la mise en place de la certification périodique en 2023. Le CMG a pour mission, dans les mois qui viennent, d'élaborer le référentiel de certification de la spécialité. "Cette certification n'abordera plus seulement l'acquisition de connaissances et l'analyse des pratiques comme dans le parcours triennal de DPC, a expliqué Paul Frappé. Elle ajoute une dimension sur la relation aux patients et une dimension sur la santé du médecin." Alors que cette dernière est "encore du registre du tabou", "espérons que cette certification permettra d'aborder toutes les dimensions de la santé du médecin : santé physique, psychologique, familiale, gestion des changements de carrière et pourquoi pas la préparation de sa retraite!" 

Chargé de définir les orientations prioritaires de DPC pour la spécialité, le CMG s'est élevé contre l'exclusion des médecins remplaçants du dispositif. "Face à l'enjeu de la continuité des soins qui n'est possible que grâce à la disponibilité de remplaçants de qualité, il faut rappeler que ce n'est pas parce qu'ils sont plus jeunes que les remplaçants n'ont pas besoin de se former", a lancé le président du collège. La restriction du financement de la formation à la maitrise de stage est tout aussi problématique à ses yeux : "Face à l'enjeu de l'installation de nouveaux médecins, quand on voit comment les maitres de stage s'investissent pour un salaire de pièces jaunes, on ne peut continuer à tester leurs convictions en rendant toujours plus difficile leur engagement", a déploré Paul Frappé. 

La profession subit également les assauts d'entreprises qui font ce que le généraliste appelle "du primary care whasing", "ce système de chacal où chacun se régale de la démographie médicale en venant y retirer les morceaux qui lui plaisent : téléconsultations tous azimuts, ou du sans rendez-vous frénétique". "Ils cachent mal leur motivation purement commerciale, sans aucun souci de la pertinence de leur offre ou de savoir s'ils saccagent au passage une démarche programmée, individualisée ou négociée, a-t-il regretté. Qu'on nous laisse faire du soin utile, et plutôt que d'alimenter ce tourisme humanitaire en médecine générale que l'on vienne réellement soulager notre charge mentale en encourageant ceux qui s'inscrivent dans une démarche coordonnée réellement utile pour les patients. Développer sans logique les soins non programmés ne fait qu'attiser la demande de soins et l'anxiété qui l'entoure." 

Quant aux "mélanges de compétences" (skill mix) dont relèvent les protocoles de coopération, l'accès direct aux kinés, orthophonistes et orthoptistes (qui sera bientôt expérimenté dans six départements), l'élargissement des compétences (vaccination par les pharmaciens par exemple) ou encore la pratique avancée, s'il est "nécessaire", "ne doit pas aboutir à une purée illisible de l'offre de soins", a-t-il alerté. "Au-delà des intérêts corporatistes, notre collège fait son maximum pour que cette évolution des compétences n'aboutisse pas à une confusion des rôles comme quand on voit la Poste en arriver aujourd'hui à vendre des trampolines..."  

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