Covid long… ou séquelles post-Covid, de quoi parle-t-on ?

04/11/2020 Par Brigitte Blond
Infectiologie

"Déconditionné/dénutri ", " stressé/anxieux", symptômes directement liés à l’infection, le Dr Nicolas Barizien, chef du service Réadaptation fonctionnelle de l’Hôpital Foch (Suresnes), en charge de l’unité Rehab-Covid, et président de la Société Ile-de-France du Sport Santé, identifie plusieurs profils de patients présentant des symptômes de Covid sur le long terme. Le reconditionnement à l’effort apparaît comme une solution efficace. 

 

Egora-Le Panorama du médecin  : Existe-t’il un réel “Covid long“ ?  

Dr Nicolas Barizien : L’observation des patients adressés dans notre service pour une réadaptation fonctionnelle suite à l’infection Covid, montre qu’il y a des patients qui souffrent d’une convalescence longue et que d’autres semblent effectivement garder des séquelles longues de l’infection virale aigue. Les patients graves atteints de cicatrice cardiaque (myocardite, péricardite), pulmonaire (fibrose), ORL (anosmie, agueusie) ou neurologique (AVC, méningo-encéphalite) sont déjà suivis par les services hospitaliers spécialisés. Mais au décours du déconfinement, de nombreux patients ayant fait une infection Covid modérée “à la maison“ sont venus consulter aux urgences avec des symptômes récidivants ou persistants, identiques à ceux de leur infection aiguë, parfois même de la fièvre. Ils ont alors craint un retour en force du virus ou une complication.  

Ces sujets “non graves“ sont à l’évidence limités, essoufflés au moindre effort, se plaignant d’oppression voire de douleurs thoraciques, de malaises ou de vertiges, de paresthésies des membres, d’une perte de l’odorat et du goût, et surtout d’une grande fatigue. Les douleurs thoraciques potentiellement graves ont été explorées aux urgences où le bilan cardiovasculaire et pulmonaire a permis d’éliminer un problème sérieux tel qu’un infarctus, une péricardite ou une embolie pulmonaire. 

 

Qui sont ces patients toujours gênés à distance de leur Covid ?  

Ce sont des sujets jeunes majoritairement des femmes de 40 à 60 ans, parfois de 25 à 35 ans, plus rarement des hommes de 30 à 50 ans. De mon expérience, 3 profils se dégagent: les déconditionnés, les anxieux et ceux qui souffrent effectivement de séquelles, inexpliquées, semblant liées à l’infection virale à Sars-CoV-2.  

Les premiers sont les "Déconditionnés/Dénutris ". Ils ont perdu de 5 % à 10% du poids de leur corps en quelques semaines. Cette perte de poids rapide s’est faite au détriment de leur masse musculaire. Après plusieurs semaines d’alitement, leur convalescence s’est faite confiné à domicile avec un niveau d’exercice physique quotidien minimaliste. Ils n’ont donc pas pu récupérer leur masse musculaire. Ce qui les dote, pour une même carrosserie, d’un plus petit moteur. Ils sont donc logiquement déconditionnés, et vite fatigués. Avec un programme de rééducation de 4 jours par semaine et une alimentation adaptée (légèrement hyper protéinée), ils récupèrent 80 à 90% de leurs capacités en 2 mois.  

La deuxième catégorie, les “Stressé/Anxieux", ont fait une infection Covid modérée à la maison et...

ont parfois perdu des proches. Ces éponges émotionnelles, très sensibles à ce qui les entoure, ont été débordées par l’overdose d’angoisse ambiante et prolongée. Ils ont développé un syndrome anxieux et, pour certains, un véritable syndrome de stress post-traumatique. L’intervention d’un psychologue clinicien est alors requise. 

Enfin, le troisième groupe est constitué de sujets dont les symptômes semblent plus directement liés à l’infection de certains organes par le virus. Les uns avec un cortège de signes plus volontiers respiratoires (essoufflement au moindre effort, oppression thoracique) chez qui l’on retrouve un syndrome d’hyperventilation (SHV). Leurs gaz du sang montrent une hypocapnie (alors que la pO² est normale) pouvant allez jusqu’à l’alcalose respiratoire. Cette hyperventilation s’est probablement installée au cours de l’infection pulmonaire aigue, mais reste présente malgré la disparition du virus et des lésions pulmonaires au scanner. D’autres présentent une variabilité de leur fréquence cardiaque anormale les faisant passer de 60 à 100 pulsations "sinusales" par minute au repos. Aucune arythmie cardiaque n’est constatée lors de ces électrocardiogrammes de repos. On constate également à l’effort une inadéquation de la réaction tensionnelle à l’effort qui reste basse malgré l’augmentation de la fréquence cardiaque en accord avec l’intensité de l’effort. Ceci provoque essoufflement, oppression et sensation de malaise. 

Je développe depuis le mois de juin, suite à ces premières constatations l’hypothèse d’une dérégulation du système nerveux autonome. Cette dysautonomie neuro-végétative que j’explore plus spécifiquement depuis plus d’1 mois, permettrait d’expliquer à la fois les signes respiratoires et cardiaques, mais aussi la fatigue. La solution semble encore ici le reconditionnement à l’effort avec un kinésithérapeute pour réapprendre au cœur à travailler en fonction de l’effort demandé. Ces techniques sont bien connues par les entraîneurs sportifs. Pour ce groupe de sujets, la récupération est plus lente que celle des “déconditionnés“ mais à chaque mois qui passe, nous les voyons s’améliorer. 

 

Toutes ces séquelles disparaîtront-elles un jour ? 

 Même si ce virus émergent semble être un grand “farceur“ et la convalescence possiblement longue pour certains, j’ai bon espoir car on commence mieux à comprendre le mécanisme à l’origine des symptômes.  Afin d’aider nos collègues médecins généralistes à trier et orienter ces 3 profils de patients, nous avons mis en ligne* des autoquestionnaires validés et des ordonnances « type » pour l’aide au diagnostic et l’orientation de ces patients.  

 

Le Dr Barizien déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.  

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La consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans et/ou handicapés est-elle une bonne mesure ?

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