Cabines de bronzage : nouveau scandale sanitaire ?

11/10/2018 Par Marielle Ammouche
Dermatologie

La dangerosité de l’exposition aux rayonnements UV émis par les cabines de bronzage ne date pas d’hier. Mais l’examen de nouvelles données confirmant le risque avéré de cancer cutané, a fait que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a décidé de taper du poing sur la table pour faire interdire ces cabines de bronzage à visée esthétique, réaffirmant que le durcissement de la réglementation ne suffit pas.

Devant la multiplication des appareils de bronzage artificiel ces dernières années, le ministère de la santé a sollicité l’Anses pour réaliser une mise à jour des connaissances scientifiques sur les effets sur la santé des rayons ultraviolets délivrés par ces appareils. Les experts rappellent d’abord que les rayonnements émis sont de forte intensité, "équivalant à l’exposition à un soleil tropical", soit un indice UV maximum de 12, une valeur particulièrement élevée étant donné que les indices UV relevés en France sont au maximum de l’ordre de 8 ou 9. En outre, les doses reçues lors des séances de bronzage artificiel se cumulent à celles reçues naturellement. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le bronzage artificiel ne prépare pas la peau aux rayons du soleil car la coloration provoquée par l’exposition aux UV artificiels suit un mécanisme différent de celui du bronzage naturel. Au contraire, les personnes peuvent, à tort, se croire protégées, et s’exposer ensuite d’autant plus. L’effet cancérogène est connu depuis longtemps et même reconnu par les autorités sanitaires internationales : ainsi en 2012, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé les l’exposition aux rayonnements UV solaire et aux lampes émettrices d’UV artificiels comme "cancérogènes certains" pour l’Homme. Les UV agissent en provoquant des dommages de l’ADN qui augmentent le risque de tumoral. Et, même si on a longtemps pensé que les UVA étaient inoffensifs, en tout cas beaucoup moins dangereux que les UVB, il est maintenant bien établi que les lésions induites sont de même ordre. Or les doses d’UVA émises par les cabines sont beaucoup plus importantes que celles des rayonnements solaires.   Un effet lié à l’âge   Les auteurs de l’avis de l’Anses soulignent qu’il n’existe aucune valeur limite d’irradiance ou de dose qui pourrait être fixée pour protéger les utilisateurs. Le risque est majeur en particulier pour les jeunes. En 2014 déjà, l’Anses avait mis en avant que le risque de survenue d’un mélanome cutanée augmentait de 59% pour les personnes ayant eu recours au moins une fois aux cabines de bronzage avant l’âge de 35 ans. Dans la synthèse qui vient d’être publiée, deux études épidémiologiques récentes réalisées aux États-Unis et en Norvège ont conforté le niveau de preuve du risque cancérogène lié à l'utilisation de ces appareils, et en particulier l’influence de l’âge à la première exposition. La première étude (Lazovitch et al. 2016. Jama Dermatology 152 (3):268-275), a ré-analysé les données d’une étude cas-témoins qui a comparé 681 patients présentant un mélanome, âgés de 25 à 49 ans, diagnostiqués entre 2004 et 2007, à 654 témoins. Les résultats ont montré que le risque de mélanome associé à l’utilisation du bronzage en cabine est augmenté chez les femmes de toutes catégories d’âge, avec des odds ratios (OR) ajustés allant de 2,3 [1,4 – 3,6] pour les femmes de 40-49 ans, à 3,5 pour celles 30-39 ans), et 6 (OR brut) pour celles de moins de 30 ans. Les plus jeunes avaient une fréquentation des cabines de bronzage artificielle plus précoce et plus importante. Et il existait un effet de dose quel que soit l’âge. Chez les hommes, en revanche, les résultats en fonction de l’âge étaient incohérents. L’étude norvégienne (Ghiasvand et al. 2017. American Journal of Epidemiology 185 (3):147-156) a étudié le risque de mélanome chez 141 045 femmes, âgées de 34 à 64 ans à l’inclusion, suivies pendant 13,7 ans. 861 mélanomes sont apparus au cours de cette période. Les résultats ont montré que le risque de mélanome augmente avec le nombre cumulé de sessions de bronzage (RR ajusté = 1,32 [1,08 – 1,63] pour le tertile le plus élevé par rapport à aucune exposition). "Mais surtout, les femmes qui avaient débuté les séances de bronzage avant l’âge de 30 ans étaient en moyenne 2,2 ans [0,9 – 3,4] plus jeunes au moment du diagnostic que les femmes qui n’avaient jamais utilisé le bronzage artificiel" rapporte l’Anses. Par ailleurs, le Scientific Committee on Health, Environmental Emerging Risks (Scheer) a estimé, dans un avis de 2016, qu‘en Europe, chaque année, 3 438 (5,4 %) des 63 942 nouveaux cas de mélanome étaient attribuables à l’utilisation d’appareils de bronzage à tous les âges, et que 43 % en France et 76 % en Australie des cas de mélanomes chez des sujets jeunes pouvaient être attribués à une exposition avant l’âge de 30 ans. Le comité souligne, en outre qu’ "il n’est pas possible de définir une dose de sécurité pour les expositions UV des appareils de bronzage" rappellent les auteurs du rapport. Enfin, pour la France, une étude récente (Alnold et al. 2018. Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology) a estimé que chez les adultes de plus de 30 ans, 10 340 cas de mélanomes (83 % des mélanomes et 3 % de l’ensemble des cancers) pouvaient être attribués à l’exposition solaire, et 382 cas de mélanomes pouvaient être attribués à l’exposition aux appareils de bronzage (1,5 % des cas de mélanomes chez les hommes et 4,6 % chez les femmes).   Accélérateur du vieillissement cutané   L’Anses fait part, en outre, d’autres effets liés à l’exposition UV artificiels. Ainsi, ils entrainent un vieillissement accéléré de la peau, estimé 4 fois plus rapide qu’avec le soleil, une addiction au bronzage en cabine, et une immunosuppression locale et systémique "qui peut se traduire par une diminution de l’élimination des lésions précancéreuses". Enfin, l’Anses souhaite lutter contre les idées reçues concernant la vitamine D en rappelant que "l’utilisation de cabines de bronzage ne permet pas un apport significatif de vitamine D". En conclusion, l’Anses confirme que les effets cancérigènes des UVA et UVB "sont parfaitement connus et documentés". En conséquence, elle 'recommande toute mesure de nature à faire cesser l’exposition de la population aux UV artificiels'. Elle renouvelle donc sa position édictée dans ses avis précédents dans lesquelles elle soulignait que 'l’encadrement réglementaire constituait une réponse partielle et insuffisante au regard du risque avéré de cancers cutanés pour les utilisateurs de cabines de bronzage".

 

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