Covid : plusieurs psychotropes pourraient avoir un intérêt préventif

Ces données sont issues de la constatation que les patients atteints de maladies mentales ont présenté relativement peu fréquemment une infection par Covid-19. Les unités spécialisées mises en place spécifiquement pour ces cas « sont restées relativement vides, laissant entrevoir que les malades suivis en psychiatrie pourraient être 'protégés' de l’infection et/ou du développement de la maladie », affirme ainsi la Fondation FondaMental. A partir de là, des équipes françaises de chercheurs et de cliniciens (Inserm, AP-HP, Universités de Lille, de Paris, de Paris-Est Créteil et de la Fondation FondaMental) ont émis l’hypothèse que certains médicaments largement prescrits en psychiatrie pouvaient avoir un rôle « protecteur » contre l’infection. Pour pouvoir identifier les traitements susceptibles d’avoir un intérêt, ils ont tout d’abord recensé les 18 traitements les plus utilisés, puis ont recherché ceux qui avaient une activité antivirale, et ont analysé les mécanismes qui pouvaient expliquer ce phénomène : action sur la pénétration du virus dans la cellule et/ou modulation du trafic intracellulaire, et/ou interaction avec des récepteurs spécifiques importants pour le développement et la multiplication du virus… Enfin, ils ont complété avec une analyse chimio-informatique sur les similitudes de leur structure chimique entre ces psychotropes et des médicaments ayant une activité antivirale identifiés dans plusieurs bases de données. Il en ressort que « les études in silico ont permis de mettre en évidence des mécanismes d’action communs à ces psychotropes qui contribueraient à empêcher la pénétration du virus dans la cellule, explique le Dr Bruno Villoutreix, directeur de recherche à l’Inserm. Nous disposerions ainsi de médicaments déjà connus, utilisables à large échelle et pouvant potentiellement permettre une prévention de la maladie dans la population générale ». Plus précisément, parmi les 18 médicaments psychotropes les plus couramment prescrits, dix étaient documentés pour avoir des activités antivirales in vitro, tandis que quatre des huit composés restants se sont révélés structurellement très similaires à des composés ayant une activité antivirale in vitro connue Par exemple, aucune publication sur l'activité antivirale n'a été trouvée pour l'alimémazine et la cyamémazine, mais ces molécules sont apparues « très similaires » à la prométhazine, qui agit sur Ebola et le Mers, et à la chlorpromazine, qui agit sur le Mers et le Sras. Selon les auteurs, ces effets pourraient passer par « la modulation de la voie endo-lysosomale, la fusion membranaire, et des interactions encore à caractériser avec des récepteurs spécifiques (par exemple, nAChR , Récepteurs ACE2 et Sigma) ». Le Pr Philippe Beaune, toxicologue à l’Inserm, précise que « des travaux sont actuellement réalisés in vitro pour pouvoir sélectionner les meilleures molécules en vue de la réalisation d’études cliniques de prévention contre l’infection chez l’homme ». Le Pr Marion Leboyer, directrice de la Fondation FondaMental, conclut : « Ces résultats, réalisés à partir d’une observation inattendue qui a été la relative moins grande fréquence d’infection par la Covid chez des patients porteurs de maladies mentales, constituent une avancée inédite. Il nous reste du chemin à faire mais si ces données sont confirmées, elles pourraient permettre de repositionner des médicaments déjà développés dans le domaine clé de la prévention de l’infection par le Covid-19 ».