Un expert psychiatre condamné au civil après la récidive d'un détenu remis en liberté

24/10/2018 Par Aveline Marques
Faits divers / Justice

Le tribunal de grande instance de Lille a récemment condamné pour faute un psychiatre qui avait été sollicité pour une expertise dans le cadre d'une demande de liberté conditionnelle d'un violeur en 2009. L'expert a reconnu ne pas avoir consulté les antécédents criminels du détenu, qui a agressé mortellement une jeune femme quelques mois plus tard. Pour ses confrères, cette décision de justice pourrait avoir de graves conséquences.

L'affaire remonte à juillet 2009. Alain Penin, un homme condamné à 10 ans de prison à Lille pour viols avec armes, fait une demande de libération conditionnelle, relate Hospimedia. Le juge d'application des peines confie l'expertise psychiatrique à un médecin exerçant dans un EPSM. Sur la base de son rapport, la demande de libération est acceptée, et assortie d'un suivi socio-judiciaire de trois ans et d'une injonction de soins. Mais en septembre 2010, l'homme récidive et tue une jeune femme. En janvier 2014, il est condamné à la réclusion à perpétuité. L'expert psychiatre est poursuivi au civil par la famille de la victime. La décision rendue le 21 septembre par le tribunal de grande instance de Lille est inédite. Les juges ont en effet estimé que la responsabilité personnelle du psychiatre était engagée. Sa faute ? Avoir "manqué, d'une manière la plus élémentaire qui soit, à ses obligations" en omettant de "prendre connaissance du dossier pénal et des précédentes expertises" avant de rendre son rapport, et en ne le "spécifiant pas à l'autorité requérante". Le juge a donc suivi l'avis de l'expert "dans l'ignorance de l'erreur dans son rapport" : l''expert qualifiait les risques de récidive de "limités". Ces deux "fautes, chacune d’une particulière gravité, sont de nature à engager la responsabilité civile [du praticien] vis-à-vis des tiers victimes", poursuivent les juges, qui n'ont toutefois pas accepté la demande de réparation financière des parents, estimant que ces derniers avaient déjà obtenu réparation lors de précédents jugements. Pour le Syndicat des psychiatres des hôpitaux, qui a voté une motion le 3 octobre lors de son assemblée générale, cette décision de justice "pourrait être lourde de conséquences". "L'expert ne donne qu'un avis qui n'a aucune fonction de prédictibilité", rappelle le syndicat. L’autorité décisionnaire est le juge et "donc l’expert ne peut être responsable en lieu et place des décisions prises par ce dernier". Face au risque de voir leur responsabilité civile mise en cause à la suite d'une expertise judiciaire, la tentation sera grande pour les psychiatres de rendre des avis défavorables à des remises en liberté, prévient le syndicat. Ou tout simplement de ne plus accepter de participer à ces missions, et ce alors que le nombre de psychiatre experts judiciaires a chuté ces dernières années. [Avec Hospimedia]

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Claire FAUCHERY

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