
Migraine : les comorbidités guident la prise en charge
Des recommandations françaises et internationales ont récemment rappelé la place des derniers antimigraineux, et celle des comorbidités dans la décision thérapeutique. Un point a été fait aux dernières Journées de neurologie de langue française, qui se sont déroulées à Clermont-Ferrand du 15 au 18 avril.

Fin 2024, la Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC) a publié une prise de position visant à intégrer les dernières données scientifiques dans les principes de prise en charge de la migraine. Le Pr Xavier Moisset (neurologue, CHU de Clermont-Ferrand) en a résumé l’un des principaux messages aux Journées de neurologie de langue française (Clermont-Ferrand, 15-18 avril), lors de la session « Actualités migraine et céphalées post-traumatiques » : les quatre anticorps et les deux traitements oraux (dont le rimégépant, uniquement dans la migraine épisodique) ciblant la voie du peptide lié au gène de la calcitonine (calcitonin gene-related peptide [CGRP]) « peuvent être proposés en première intention chez les patients ayant besoin d’un traitement préventif, comme le reconnaît l’Agence européenne du médicament ». Mais, pour des raisons économiques, « la SFEMC est favorable au remboursement uniquement dans le cadre de la migraine sévère, si au moins deux des autres traitements de référence (bêtabloquants, candésartan, amitriptyline, topiramate) sont inefficaces, non tolérés ou contre-indiqués », ce qui n’est toujours pas le cas en France. Ce positionnement diffère de celui que l’International Headache Society a adopté en août dernier : leurs recommandations 2024 suggèrent que les traitements spécifiques de la migraine soient systématiquement proposés en première ligne, sauf si le patient, en cas d’existence d’une comorbidité, peut tirer bénéfice d’une autre classe thérapeutique — par exemple le candésartan ou le propranolol chez un patient migraineux hypertendu. « Cette vision a toutefois suscité de réelles controverses lors du dernier Congrès américain de neurologie, en raison du coût élevé de ces traitements, même dans des pays qui ont accès au remboursement. »
Autre spécificité du texte international, il propose de privilégier les combinaisons thérapeutiques à l’augmentation posologique lorsqu’un premier traitement est partiellement efficace. Cela peut être intéressant en présence de certaines comorbidités. Dans ce contexte, « les traitements ciblés et la toxine botulinique ne présentent que peu ou pas d’interactions médicamenteuses, et sont donc faciles à combiner à d’autres molécules ».
Si le traitement de fond est préconisé chez les patients souffrant d’au moins huit crises migraineuses mensuelles depuis plus de trois mois, avec quinze jours de céphalées par mois, le texte de la SFEMC insiste pour que cette éligibilité soit élargie à ceux dont la symptomatologie, moins fréquente, est sévère (score HIT-6 d’au moins 60 ou 65, selon la définition utilisée) ou lorsqu’il existe une incapacité fonctionnelle la moitié du temps. Et, dans la migraine chronique, il rappelle l’importance d’écarter le topiramate chez les femmes en âge de procréer, compte tenu des risques neurodéveloppementaux. Le propranolol ou les médicaments ciblant le CGRP – si le patient est prêt à financer le traitement – doivent être privilégiés ou, à défaut, l’amitriptyline ou le candésartan, hors AMM. Après l’échec de deux traitements, la SFEMC recommande les médicaments ciblant la voie du CGRP ou la toxine botulinique.
Forte prévalence de la dépression et des troubles anxieux
Le risque de comorbidité psychiatrique est élevé chez les migraineux (1 sur 2), car « la migraine est la seule maladie neurologique à avoir une héritabilité avec les autres pathologies psychiatriques », ie, pour laquelle les études génétiques ont mis en évidence un lien héréditaire partagé avec des troubles psychiatriques, a rappelé le Dr Hugues Magne (psychiatre, CHU de Clermont-Ferrand) lors de la session « Migraine et co-morbidités : vers une personnalisation de la prise en charge ».
Concernant la dépression, elle entretient des liens bidirectionnels avec la migraine. Elle renforce le risque de souffrir de migraine sévère, de migraine chronique et de pharmacorésistance aux antimigraineux. Elle doit donc être systématiquement recherchée, notamment lorsque survient une modification de la sémiologie céphalalgique ou une augmentation du recours au traitement de crise. « Traiter la dépression ne diminue pas le risque de migraine, mais réduit le risque d’évolution vers une forme chronique », a rappelé le Dr Magne. Quel traitement préconiser ? « La plupart des molécules antidépressives sont compatibles avec les traitements antimigraineux, hormis les Imao. Le topiramate, dépressiogène de façon dose-dépendante, doit être évité dans ces situations. En revanche, la toxine botulinique et les anticorps anti-CGRP semblent améliorer la dépression. »
Existe-t-il un risque vasculaire lié à ces traitements ? Aucune alerte n’a été identifiée concernant les médicaments ciblant la voie du CGRP. De larges études ont par ailleurs conclu à l’absence de sur-risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) chez les sujets migraineux traités par triptans. Seules certaines personnes (> 60 ans, facteurs de risque vasculaires) auraient un risque légèrement accru lors des toutes premières semaines de traitement, justifiant la prudence chez ces derniers.
Mais d’une manière générale, les migraineux ont un profil et un risque vasculaire spécifique. En particulier, la migraine avec aura est associée à un doublement du risque d’AVC ischémique, a fortiori chez les femmes, les jeunes, les fumeurs et les utilisatrices de contraception orale œstroprogestative. « Lorsque tous ces facteurs sont combinés, le risque d’AVC est multiplié par 10 ! », a alerté le Dr Cédric Gollion (neurologue, CHU de Toulouse). D’autres risques vasculaires sont également accrus (infarctus du myocarde, fibrillation atriale, flutter, athérosclérose, ischémie rétinienne, démence vasculaire...), parfois influencés par la fréquence et/ou la sévérité de la migraine ainsi que par la précocité de l’apparition des auras dans l’histoire de la migraine.
Selon un large travail prospectif mené dans son service auprès de plus de 700 patients ayant survécu à un AVC, l’événement est bien moins souvent imputable à l’athérosclérose chez les patients migraineux avec aura que chez les patients non migraineux : chez eux, le foramen ovale perméable et, plus encore, la fibrillation atriale sont beaucoup plus fréquemment retrouvés. Ce qui justifie une adaptation des explorations post-AVC et d’évaluer plus systématiquement le profil vasculaire des migraineux, notamment ceux avec aura. Dans ce contexte, les sujets migraineux doivent autant que possible entreprendre un sevrage tabagique et utiliser des alternatives à la contraception hormonale.
Références :
D’après les sessions « Actualités migraine et céphalées post-traumatiques », « Migraine et co-morbidités : vers une personnalisation de la prise en charge » lors des Journées de neurologie de langue française (Clermont-Ferrand, 15-18 avril).
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