C’est un cas de figure inédit auquel fait face le Conseil constitutionnel. Saisie par la famille d’un patient hospitalisé en fin de vie à l’hôpital de Valencienne, l’instance va devoir se prononcer sur la question du caractère impératif des directives anticipées.
En juin 2020, le patient en question, un homme âgé de 43 ans, est transporté à l’hôpital de Valencienne dans un état critique, en arrêt cardio-respiratoire. Il présente de multiples fractures et son pronostic vital est engagé. Il vient d’être écrasé par le camion qu’il réparait.
Alors qu’il est dans le coma, l’équipe de réanimateurs qui le prend en charge décide de lui refaire passer des examens approfondis et de consulter une autre équipe de réanimateurs, conformément à la procédure collégiale prévue par la loi Claeys-Leonetti de 2016. Tous estiment alors qu’il est "inutile" et "disproportionné" de poursuivre les traitements qui n’ont d’autres effets que de le maintenir artificiellement en vie, "sans aucune perspective d'amélioration". La poursuite des soins ne permettrait qu’une "qualité de survie (…) catastrophique", estiment alors les médecins, relate Le Monde.
La loi Claeys-Leonetti permettant de suspendre les traitements lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable, la décision d’arrêter les soins, en particulier la ventilation mécanique, la nutrition et l’hydratation artificielle, est donc prise le 15 juillet. Problème : l’homme avait rempli, deux ans avant son accident, des directives anticipées dans lesquelles il indiquait très clairement souhaiter être maintenu en vie "même artificiellement" s’il venait à être plongé dans un coma irréversible.
Pour pouvoir passer outre, l’hôpital s’est appuyé sur l’article L. 1111-11 du code de la santé publique, dont l’alinéa 3 prévoit que les directives anticipées s’imposent au médecin sauf lorsqu’elles "apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale". Mais la famille, elle, s’est vivement opposée à cette décision…
Immédiatement, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lille contre cette décision d’arrêt de soins, qui a été rejetée avant d’être examinée en appel par le Conseil d’Etat. A cette occasion, une question prioritaire de constitutionnalité a été transmise au Conseil constitutionnel qui devra se prononcer sur la conformité de cette décision à l’article du code de la santé publique cité plus haut.
Pour l'avocat de la famille, une telle décision "n’est pas conforme à la Constitution"et "viole les principes de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ainsi que la liberté de conscience et la liberté personnelle garanties par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen". De son côté, l’avocate de l’hôpital rappelle que la relation médecin-patient n’est pas contractuelle et que les médecins n’ont pas l’obligation d’accepter un soin demandé. Elle ajoute, consciente que ses propos peuvent heurter, que la situation économique des hôpitaux pourrait pâtir "d'une injonction à un maintien indéfini dans une vie artificielle". "Un hôpital qui se pose la question de savoir comment il affecte ses moyens matériels et humains fait bien", assume-t-elle.
La réponse du Conseil constitutionnel est attendue le 10 novembre.
[avec Le Monde]
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