Les députés ont voté : les rémunérations hors plafond des médecins intérimaires seront bloquées
"On la tient, cette fois, la solution aux excès, aux dérives, des missions de courte durée médicales dans les hôpitaux !", a lancé mercredi le ministre de la Santé Olivier Véran à la tribune de l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la proposition de loi Rist traduisant les mesures non budgétaires du Ségur de la santé. Auteur d'un rapport sur le sujet en 2013 alors qu'il était député de l'Isère, le neurologue a fait de la lutte contre le "mercenariat médical" son cheval de bataille. "Nous avons tâtonné – un premier rapport parlementaire en 2013, des mesures législatives et réglementaires, des plafonds, a rappelé le ministre. Un mouvement de contestation de médecins intérimaires est même né ; ils avaient décidé de boycotter les hôpitaux qui respecteraient les tarifs réglementaires", a rappelé le ministre. La rémunération d'une garde de 24 heures est plafonnée depuis 2018, avec une dégressivité progressive du tarif : 1404 euros en 2018, 1287 euros en 2019 et 1170 euros en 2020. Mais dans les faits, le "tarif décret" est très peu respecté, nécessité faisant loi. Un "demi mois de salaire d'un praticien hospitalier pour une garde" "Une pression énorme pèse sur les épaules des directeurs d’hôpitaux, qui n’y sont pour rien, et qui sont parfois obligés de céder à un véritable marchandage pour faire tourner les services. Il y a eu aussi une hémorragie de praticiens qui ont quitté la fonction publique hospitalière pour aller exercer ailleurs, de façon plus lucrative, a insisté Olivier Véran. Chez ceux qui restent, il y a un profond agacement, voire de la détresse : ils font le boulot au quotidien et voient arriver des médecins qui, certes, viennent en renfort, mais qui se font parfois aussi payer un demi-mois de salaire d’un praticien hospitalier pour une garde de vingt-quatre heures."
L'article 10 de la proposition Rist prévoit que "lorsque le comptable public constate, lors du contrôle qu’il exerce sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l’entreprise de travail temporaire, que ce montant excède les plafonds réglementaires, il procède au rejet du paiement de la rémunération irrégulière". "Dans ce cas, il en informe le directeur de l’établissement public de santé qui procède à la régularisation de cette dernière conformément aux conditions fixées par la réglementation", poursuit le texte, qui permet par ailleurs au directeur de l'ARS de déférer ces contrats irréguliers "au tribunal administratif compétent". "Nous avons besoin des intérimaires", assure Véran "Le dispositif proposé ici est imparable : même si un directeur, la mort dans l’âme, était obligé de céder à la demande excessive d’un médecin ou d’une structure, une agence d’intérim par exemple, il ne pourrait pas payer. Le chèque ne pourrait pas partir", a souligné Olivier Véran. "Le plafond tarifaire devient contraignant – un plafond qui n’est pas absolument délirant, puisqu’il est tout de même d’un millier d’euros nets pour une garde de vingt-quatre heures… C’est loin d’être scandaleux, en tout cas dans le sens où ce serait insuffisant !". Et le ministre de la Santé de poursuivre : "Il ne s’agit pas ici de mettre en cause les médecins qui exercent en intérim. Nous avons besoin d’intérimaires, pour des missions de courte durée, pour des remplacements. Mais cela ne doit pas devenir la règle ; or certains services tournent aujourd’hui avec 80 %, voire 90 % d’effectifs présents pour un jour, deux jours, une semaine, un mois… et cela coûte une véritable fortune. Dans certains hôpitaux, le déficit annuel correspond, quasiment à l’euro près, aux surdépenses liées à l’intérim médical." Mais pour le député LR du Loiret Jean-Pierre Door, la mesure fait peser de trop lourdes responsabilités sur les épaules du directeur d'hôpital. "La disposition que vous proposez lui laissera le choix entre le tribunal administratif, la cour de discipline budgétaire et financière ou le tribunal pénal!", s'est emporté le cardiologue, qui a soumis un amendement qui disposait que "lorsque le directeur n’a pas d’autre choix que d’engager un intérimaire pour huit jours, un week-end, une journée, il ait la possibilité de renvoyer le choix au directeur de l’ARS. Si celui-ci refuse le recrutement, il devra alors proposer une solution". L'amendement a été rejeté. D'autres élus se sont inquiétés des conséquences de cette mesure sur l'accès aux soins dans les territoires. "Le seul moyen pour les directeurs d’hôpitaux de certains territoires enclavés pour faire vivre un service mobile d’urgence et de réanimation – SMUR –, ou des services de consultations avancées, est parfois de faire appel à l’intérim. Si vous l’empêchez, alors vous devez dire à la représentation nationale que vous prenez le risque de voir fermer des services, voire des hôpitaux entiers", a signalé le député communiste Sébastien Jumel, qui avait prévu de soumettre au vote un amendement définissant "un seuil qui serait fonction de la démographie médicale", avant de se raviser. Le Pr Jean-Louis Touraine (LREM) et la députée LR Agnès Firmin Le Bodo ont tous deux déposé des amendements visant à simplement "écrêter" la rémunération supérieure au plafond réglementaire. Impossible, ont répondu Olivier Véran et Stéphanie Rist, du fait de la séparation légale entre ordonnateur et payeur. "Si la mesure est adoptée elle sera générale : elle s’appliquera à tous les établissements de la même façon, sur tout le territoire national", a tenté de rassurer Thomas Mesnier, député LREM et urgentiste de profession. Les difficultés actuelles tiennent précisément au fait que le décret en vigueur est respecté de façon hétérogène, ce qui crée des différences entre les territoires et entre les hôpitaux. La mesure permettra de mettre un terme à cette situation." Entendant les craintes des élus locaux, la commission des Affaires sociales a amendé son article en prévoyant un délai d'application de six mois. La proposition de loi sera soumise au vote solennel de l'Assemblée nationale mardi 8 décembre.
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