Le CNGE favorable à la fin des antibiotiques dans les angines non compliquées
Est-ce vraiment utile d’identifier la cause, bactérienne ou virale, et de prescrire une antibiothérapie en fonction du résultat du test de diagnostic rapide (TDR), dans les angines non compliquées ? Pour le Conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), la réponse est non.
"Devant un patient souffrant d’une angine, si la douleur est tolérable, sans risque de forme grave et que l’entourage du patient n’est pas à risque de forme grave en cas de contamination, il est raisonnable de ne traiter que par antalgiques, sans faire de TDR* ni prescrire d’antibiotiques", affirme le CNGE dans un communiqué rendu public le 2 mai.
Cette stratégie "minimale" est déjà pratiquée chez certains de nos voisins européens - comme en Belgique et en Ecosse, en particulier. Les auteurs de ces recommandations considèrent que l’infection sera généralement spontanément résolutive. Les patients à risque de forme grave (immunodépression, antécédent de rhumatisme articulaire aigu, chirurgie prothétique récente, valvulopathie cardiaque avec risque d’endocardite, etc.) constituent, bien sûr, une exception et doivent être traités d’emblée.
Cette stratégie a entrainé un bénéfice sur la prescription d’antibiotiques en Belgique, qui a été réduite chez les enfants en soins primaires entre 2010 et 2019. Et ce, sans surrisque d’infections invasives à streptocoques du groupe A (IISGA), semble-t-il.
Ces recommandations diffèrent de celles actuellement diffusées en France, qui consistent en la prescription d’une antibiothérapie chez les adultes et les enfants âgés de plus de 3 ans atteints d’une angine aiguë avec un TDR positif. Chez les adultes, le TDR n’est réalisé qu’après calcul du score de Mac Isaac*, s’il est ≥ à 2.
Impact de l’antibiothérapie sur les complications : peu de données fiables
Mais pour le CNGE, plusieurs éléments vont dans le sens d’une restriction de prescription des TDR et des antibiotiques. Ainsi, le rationnel des recommandations actuelles, qui visent principalement la réduction du risque de complications (RAA et locales), ainsi que la limitation de la contagiosité, repose sur des études souvent anciennes, et non étayées par des données scientifiques solides. Ainsi, le risque de RAA est très faible en France métropolitaine (< 1/100 000 angines), et "est dû à des souches de streptocoques peu circulantes". Et, les essais montrant un intérêt de l’antibiothérapie pour prévenir le RAA sont très anciens (avant 1960) et de faible qualité méthodologique.
Il en est de même pour le risque de phlegmon. La principale étude montrant l’efficacité de l’antibiothérapie dans ce cas date de 1951 et comporte de nombreux biais. "Ainsi, les recommandations européennes ne considèrent pas la prévention des complications locales telles que les phlegmons comme une indication d’antibiothérapie, les bénéfices cliniques n’étant pas supérieurs aux risques (effets indésirables et antibiorésistance induite)", ajoute le CNGE.
Impact sur l’épidémie : probable réduction de la durée du portage
L’impact sur la contagiosité est le "principal argument pour proposer une antibiothérapie selon les recommandations de nombreux pays, afin de limiter les IISGA", rappelle le CNGE. Cet élément est d’autant plus important qu’une recrudescence des IISGA est observée depuis plusieurs années, avec une incidence qui est passée de 2,2/100 000 en 2003 à 4,4/100 000 en 2019, a ensuite diminué pendant le Covid, mais est ensuite repartie à la hausse en 2022 avec un taux proche de celui de 2019. Mais dans la grande majorité des cas, ces IISGA ne débutent pas par un tableau ORL (moins de 3% chez les adultes, et moins de 20% chez les enfants).
Là aussi, les données sur l’intérêt de l’antibiothérapie sont "ténues", estime le CNGE, bien que l’efficacité de l’antibiothérapie semble prouvée. Ainsi, deux études (de 1993 et 2015) ont montré une durée de portage de seulement 24-48h sous antibiothérapie, mais sans groupe témoin. Tandis qu’une troisième (2003) a montré un portage à deux semaines de 72% parmi les patients non traités contre 32% chez ceux traités pendant une semaine par pénicilline.
Impact sur les symptômes : positif sur les maux de gorge
L’autre principal argument est le bénéfice clinique de l’antibiothérapie concernant en particulier les symptômes de fièvre et de douleur. Dans une étude Cochrane de 2021, le bénéfice était une réduction de 30% sur les maux de gorge au 3ème jour, sans amélioration de la fièvre. Et ce, a priori, sans risque d’antibiorésistance.
Au final, la CNGE considère que "l’évaluation clinique globale de la situation du patient est donc nécessaire pour poser l’indication du TDR et d’un éventuel traitement antibiotique qui ne doit pas dépendre que du résultat du test". Il préconise la réalisation de nouveaux essais "pour répondre aux interrogations sur la balance bénéfice/risque des antibiotiques dans l’angine. Ils permettraient d’argumenter et de mettre à jour de nouvelles recommandations pour la France".
*Test de dépistage rapide
**Le score Mac Isaac est basé sur l’existence d’une fièvre, d’une toux, d’adénopathies, les aspects des amygdales, et l’âge.
Références :
Collège national des généralistes enseignants (CNGE), 2 mai.
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