Contre les fake news, occuper l’espace !

02/04/2021 Par Dr Alain Trébucq
Santé publique
Selon la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), plus d’un Français sur deux ne fait pas la différence entre une information fiable et une fake news ! Le Leem s’est emparé de ce sujet en lui consacrant son premier colloque du « Lab Médicament et Société », un laboratoire d’idées mis en place en 2018, réunissant les parties prenantes, à savoir les associations d’usagers du système de santé et les patients, les professionnels de santé et les entreprises du médicament.

  Ouvrant ce colloque, Thomas Borel, directeur scientifique du Leem, a souligné le danger des fake news qui peuvent conduire au mésusage d’un médicament, à l’arrêt d’un traitement, à la défiance vis-à-vis des traitements scientifiquement éprouvés, dont les vaccins, à des dérives sectaires. Mais pourquoi ces fake news envahissent-elles notre quotidien ? A cette question, le sociologue Gérald Bronner (Université de Paris) répond en rappelant tout d’abord qu’elles ont toujours existé, notamment en périodes épidémiques, ne serait-ce que par la désignation de responsables expiatoires, gens du voyage ou juifs par exemple lors des grandes épidémies d’autrefois, de choléra ou de peste. « C’est l’incertitude qui ouvre la voie aux fake news, précise le sociologue, mais si celles-ci ont pris une telle importance aujourd’hui, jusqu’à devenir un défi civilisationnel, c’est en raison de la dérégulation du marché de l’information. Désormais, untel peut s’exprimer en ayant a priori le même poids qu’un éminent professeur de médecine ! ». Alors comment la société peut-elle répondre à un tel défi ? Le Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie apporte un premier élément de réponse : la tyrannie des fake news ne s’impose que de ce dont nous nous démettons. Et c’est donc en occupant l’espace qu’on bloquera le plus efficacement les fake news. Mais, dit Gérald Bronner, c’est aussi en travaillant mieux les éléments de langage, sur les vaccins par exemple pour lesquels il est sans doute plus efficace de mettre l’exergue sur les conséquences de la non-vaccination plutôt que de vouloir simplement convaincre en encensant les vaccins. Lors des tables-rondes qui se sont succédé, Sylvie Briand, directrice du département de gestion des risques infectieux, à l’OMS, a insisté sur la nécessité de s’intéresser à l’intention qui est derrière une fausse information, y a-t-il ou non une intention délibérée de nuire ? Car on le sait, certaines personnes parfaitement bien intentionnées peuvent diffuser de fausses informations pour la seule raison qu’elles ont l’intime conviction que ces informations sont justes ! A l’exemple de la personne qui développe une maladie autoimmune dans les semaines ou mois suivant une vaccination et qui va associer l’une à l’autre, ce risque étant d’autant plus grand que pouvoir désigner un coupable est souvent un élément de soulagement. En situation de consultation de médecine générale, il arrive fréquemment que le patient vienne avec des informations entendues ou lues ça et là. Mais pour le Dr Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), les patients viennent avant tout avec des questions et non avec des convictions. La priorité est alors d’éviter la confrontation, de savoir écouter et d’analyser ce qui a été compris. Pour cet enseignant de médecine générale, l’important, c’est aussi de former à la lecture critique d’article. Si cet enseignement est désormais bien assuré en médecine, il faudrait, selon lui, l’étendre à l’ensemble des étudiants s’engageant dans la filière santé ainsi qu’aux patients-experts, lesquels ont aussi un rôle important à jouer contre la diffusion des fake news.   Lors de la dernière table-ronde, l’accent a aussi été mis sur le danger des algorithmes utilisés par les grands acteurs du numérique, qui façonnent notre pensée en fonction de ce que nous attendons. D’où l’importance, soulignée par Giovanna Marsico, du service public d’information en santé (SPIS), de pouvoir proposer un site n’agrégeant que des informations vérifiées, à l’exemple du site sante.fr …malheureusement toujours pris de vitesse par les émetteurs mal intentionnés de fake news. Quant au Leem, il émet 5 recommandations autour du médicament afin de prévenir les fake news le concernant :

  1. Concevoir et promouvoir une culture grand public du médicament,
  2. Doter les professionnels de santé d’outils spécifiques,
  3. Structurer une politique nationale de lutte contre les fake news en santé,
  4. Faciliter le fact-checking ou journalisme de vérification – en particulier sur les faits relatifs au médicament,
  5. Améliorer la qualité des outils de signalement des fake news utilisés par les opérateurs de plateformes numériques.

  D’après le colloque « Les fake news nuisent gravement à la santé » organisé le 1er avril en visio par le Lab Médicament et Société.

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