Hyperactivité vésicale : de nombreuses possibilités thérapeutiques

10/12/2020 Par Corinne Tutin
Urologie

Le rapport annuel de l’Association française d’urologie (AFU), présenté habituellement lors de son congrès, a porté sur le syndrome clinique d'hyperactivité vésicale (SCHV) non neurologique. Une pathologie qui, bien que constituant une des pathologies urologiques les plus fréquentes et donc un motif répété de consultations, n'avait jamais fait l'objet d'un tel document. L’Association française d’urologie (AFU) a consacré son rapport 2020 à l’hyperactivité vésicale (HAV) non neurologique*. « Bien qu’il touche 14 % de la population, ce qui correspond à la fréquence de la migraine, ce syndrome encore tabou demeure insuffisamment reconnu en France », a souligné le Pr Xavier Gamé (CHU Rangueil, Toulouse), l’un des coordinateurs de ce rapport avec le Pr Véronique Phé (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris). « Ceci est regrettable, car on dispose aujourd’hui de très nombreux moyens thérapeutiques pour le prendre en charge. Or, non traitée, l’hyperactivité vésicale peut être source d’anxiété, de dépression, d’isolement social et professionnel, de troubles sexuels en raison de la peur des fuites urinaires », a insisté le Pr Phé.  Chez les sujets âgés, elle peut aussi être à l’origine de chutes en raison de la nécessité d’aller rapidement aux toilettes. Le syndrome, qui était auparavant dénommé « vessie instable, irritable » est défini, depuis 2010, par la « survenue d’urgenturies, avec ou sans incontinence urinaire, habituellement associées à une pollakiurie, une nycturie, en l’absence d’infections urinaires ou de pathologies locales organiques évidentes ». Il concerne les deux sexes, mais un peu plus souvent les femmes (x 1,4). Sa fréquence s’accroît avec l’âge (un tiers de HAV après 75 ans), en raison du vieillissement vésical, et de l’effondrement des sécrétions hormonales à la ménopause.   Le rôle clé du médecin généraliste L’établissement du diagnostic repose en premier lieu sur la réalisation d’un calendrier mictionnel des 3 jours, qui précisera la fréquence et la quantité des mictions, la sensation d’urgenturie, les fuites urinaires. Il n’existe pas de seuil mais on estime qu’il est normal d’aller 4 ou 5 fois par jour aux toilettes. « Malheureusement, seulement un tiers des patients avec une HAV consultent, dans 8 cas sur 10 un médecin généraliste, une fois sur deux un urologue », a signalé le Pr Phé. Pour améliorer cet état de fait, « il faudrait que les généralistes interrogent systématiquement leurs patients sur l’existence d’une urgenturie ». Le bilan effectué (examen clinique, ECBU, bandelette urinaire, cytologie urinaire, et éventuellement échographie vésicale, cystoscopie, bilan urodynamique) éliminera une cause neurologique ou un prolapsus associé, une infection, une tumeur ou un calcul de vessie, une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), qui peut majorer les symptômes en raison de l’obstruction qu’elle détermine.  Il faudra aussi rechercher des antécédents de traumatisme psychique, de violence sexuelle ou autre qui augmentent le risque de HAV.   Règles hygiéno-diététiques et rééducation en priorité La première phase de la prise en charge repose sur les mesures hygiéno-diététiques et comportementales.  Il faudra ainsi diminuer les apports hydriques pour uriner 1,5 l à 2 l par jour, réduire les apports de café et d’alcool, éviter les boissons gazeuses et les sodas, perdre éventuellement du poids. Les patients apprendront aussi à...

augmenter le délai entre la survenue du besoin urgent (réentraînement vésical) et à uriner à des horaires prédéfinis (reprogrammation mictionnelle), ce qui peut être facilité grâce à des applications. La rééducation périnéo-sphinctérienne consiste à retrouver le réflexe périnéo-inhibiteur grâce au renforcement musculaire périnéal.  « Il s’agit d’un traitement de 1e intention efficace, auquel 70 à 85% des patients adhèrent, qui permet d’obtenir une amélioration dans les trois quarts des cas. Cependant, pour obtenir les meilleurs résultats, il est préférable de d’effectuer cette rééducation avec un professionnel de santé (sage-femme ou kinésithérapeute) plutôt qu’en utilisant seul des applications. Cette rééducation devra aussi être poursuivie à domicile après l’arrêt des séances avec le professionnel de santé », a recommandé le Pr Gamé. « En l’absence de résultats ou d’emblée dans certains cas, par exemple en cas de syndrome génito-urinaire de la ménopause, on pourra prescrire une hormonothérapie locale (sauf par prudence en cas d’antécédent récent de cancer hormonodépendant, en particulier du sein). Mais l’hormonothérapie générale substitutive est déconseillée car elle est inactive dans l’HAV et pourrait même, selon des études américaines, augmenter les symptômes d’HAV à l’effort », a complété le Pr Gamé. Les médicaments anticholinergiques (oxybutinine, trospium, solifénacine, fésotérodine...) ou bêta-3 agonistes (mirabégron) ont une efficacité comparable et peuvent être associés en cas d’échec de la monothérapie. Leur choix reposera sur des critères de tolérance (par exemple, les bêta-agonistes élèvent la pression artérielle et sont donc contre-indiqués en cas d’hypertension artérielle).   Intérêt de la neuromodulation du nerf tibial postérieur Les traitements de l’HAV réfractaire reposent sur la neuromodulation tibiale postérieure et sacrée et les injections de toxine botulique. Sans effets secondaires et contre-indications, facile à réaliser puisqu’elle repose sur l’application de 2 électrodes à la cheville, la neuromodulation du nerf tibial postérieur, qui est déjà très utilisée en gériatrie, permet d’obtenir un taux de succès de 32 à 87 % des cas, selon les études. « Elle pourrait devenir un traitement de première intention », a estimé le Pr Gamé. Le patient réalise lui-même la neuromodulation tibiale à son domicile sous forme de séances de 20 minutes. La neuromodulation sacrée qui est plus invasive, car elle exige d’implanter chirurgicalement une électrode au niveau de la 3e racine sacrée, est également efficace chez 7 patients sur 10. Les injections, à répéter tous les 6 mois, de doses faibles de toxine botulique représentent également un moyen thérapeutique intéressant mais ne peuvent être proposées qu’à des patients avec une incontinence urinaire (3 épisodes avec urgenturie sur 3 jours), acceptant de se sonder durant quelques semaines pour vider leur vessie en raison d’un faible risque associé de rétention urinaire. Les indications de la chirurgie (cystectomie supratrigonale et entérocystoplastie d’agrandisssement) sont aujourd’hui très restreintes, du fait de l’efficacité des autres traitements. D’autres thérapeutiques sont en évaluation comme le laser du plancher pelvien, la radiofréquence... *Rapport AFU 2020. Syndrome clinique d’hyperactivité vésicale non neurologique. V. Phé, X. Gamé. Progrès en urologie. Vol. 30, Num. 14, Novembre 2020, p. 865-938.  

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