Trop de sections de frein de la langue, alertent les associations de pédiatrie

21/01/2022 Par Marielle Ammouche
Chirurgie
Un collectif de professionnels de santé alerte sur des pratiques abusives concernant les frénotomies linguales qui visent à améliorer la succion chez les nourrissons. 

De nombreuses associations concernées par la santé de l’enfant, - et notamment la Société française de pédiatrie, l’association française d’ORL pédiatrique, l’association française de pédiatrie ambulatoire, ou encore le Collège national de chirurgie maxillo-facial -, s’inquiètent d’une augmentation des interventions consistant à sectionner le frein de la langue. "Ces pratiques se développent rapidement via des groupes de professionnels, plus ou moins reconnus mais soutenus par un flux important d’informations circulant sur les réseaux sociaux. Des pratiques qui peuvent avoir des conséquences sur la santé du nourrisson et représentent aussi des enjeux financiers", alertent-elles dans un communiqué daté du 17 janvier 2022.  

Appelées frénotomies linguales, ces interventions sont classiquement réalisées en raison de difficultés de succion après évaluation clinique et échec des mesures d’aide à l’allaitement. Elles visent à corriger une ankyloglossie, une anomalie congénitale qui correspond à une limitation des mouvements de la langue causée par un frein lingual dit "restrictif", généralement très antérieur et/ou épais. L’objectif du traitement est de libérer la restriction de la langue et de restaurer son amplitude de mouvement permettant un allaitement efficace et indolore.  

Jusqu’à présent leur pratique restait assez rare. Mais les associations constatent "une augmentation récente et non justifiée, dans les mois qui suivent la naissance". Parfois elles sont pratiquées sans réelles indications, voire même à titre préventif. Pour les auteurs, cette hausse est à mettre en rapport avec l’augmentation de publications "se disant scientifiques sans présenter la rigueur méthodologique" sur ce sujet depuis une dizaine d’années.  

Des recommandations nationales et internationales ont ainsi conclu "au manque d’études scientifiques de qualité, permettant de guider clairement les cliniciens". Ces recommandations soulignaient ainsi l’absence de définition anatomique claire et consensuelle des freins de langue et de l’ankyloglossie, et la nécessité de clarifier les critères diagnostiques. En effet, pour les experts, "ce diagnostic est en réalité plus fonctionnel qu’anatomique". Et il faut faire attention à ne pas intervenir sur la seule visualisation d’un frein de langue très antérieur(avançant vers la pointe de la langue) et/ou épais, qui ne gène pas forcément la succion. Une évaluation des capacités de l’enfant à téter et du confort maternel est nécessaire. En outre, on manque de preuves scientifiques concernant l’utilité de sectionner un frein de langue postérieur, un frein de lèvre ou autre tissu intra-buccal pour améliorer le transfert de lait et/ou les douleurs mamelonnaires. De même, on ne sait pas précisément si une ankyloglossie peut entrainer des pathologies comme le reflux gastroœsophagien, les difficultés de langage ou de parole, les apnées du sommeil, la malocclusion dentaire, les coliques, les difficultés orales lors du passage à l’alimentation solide.  

Les différentes techniques possibles sont aussi mal évaluées : supériorité du laser par rapport aux ciseaux ? substances à utiliser en post-chirurgie ?  

Et il ne faut pas négliger les effets secondaires effets secondaires (hémorragies, lésion collatérale tissulaire, obstruction des voies respiratoires ou nerveuse, sensorielle, refus de tétée, aversion orale, et infectieux) et le risque de récidive.  

Au vu de ces données, les associations signataires du communiqué "émettent les plus grandes réserves quant à l’intérêt et l’innocuité de ce geste invasif a risque d’effets secondaires". Elles formulent plusieurs recommandations, au premier rang desquelles le fait que la présence d’un frein de langue court et/ou épais ne doit pas être une indication chirurgicale. Elles préconisent une prise en charge conservatrice dans la mesure du possible, et une démarche fondée sur des preuves scientifiques. 

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